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8 mars : ces femmes d’ici qui font avancer la science

Actualités

07/03/2024

Elles sont demeurées trop souvent dans l’ombre et pourtant, les femmes, au Québec, sont nombreuses à initier des avancées scientifiques qui font progresser la médecine et d’autres champs d’activités. Pour souligner la Journée internationale des droits des femmes, braquons les projecteurs sur 3 chercheuses d’aujourd’hui.

Dre Emilia Liana Falcone – COVID longue

La Dre Emilia Liana Falcone est spécialisée en médecine interne. Elle dirige la clinique post-COVID 19 de l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM). Elle est aussi à la tête de l’unité de recherche sur le microbiome et les défenses mucosales, en plus d’être membre de la Chaire de recherche du Canada (niveau 2) sur le rôle du microbiome dans les immunodéficiences primaires.

Depuis le début de la pandémie, la Dre Falcone étudie les effets à long terme d’une infection au SARS-CoV-2. À ce jour, avec les membres de son équipe de recherche, elle a pu établir un lien entre les perturbations du microbiote intestinal découlant de la COVID-19 et la dysfonction de la barrière intestinale, le dérèglement du système immunitaire et des dommages constatés dans des organes cibles. En clair, les microbes de l’intestin auraient une incidence sur le développement de la forme longue de la maladie.

Car de façon générale, les infections de COVID-19 perturbent le microbiote, une colonie de bactéries logeant dans les intestins. C’est quand cette perturbation intestinale persiste que la COVID longue est constatée. « On a bien vu que nos patients qui avaient une COVID longue sévère, doublée d’atteintes neurologiques, avaient effectivement cette perturbation du microbiote », précisait la Dre Falcone dans un reportage diffusé à TVA Nouvelles. Ça s’expliquerait par un accroissement de la perméabilité de l’intestin durant la COVID, permettant à certaines molécules de migrer vers la circulation sanguine pour potentiellement s’accompagner d’effets divers et contribuer à la COVID longue.

Ce qui fait dire à la chercheuse « qu’il se peut que les individus ayant un microbiote plus sensible soient plus susceptibles d’avoir la COVID longue. » La Dre Emilia Liana Falcone croit même que par le biais de plusieurs études longitudinales, il pourrait éventuellement être possible de prédire si une personne risque de développer la forme longue de l’infection. « Le plus on a de réinfections à la COVID, le plus on augmente nos chances de développer la COVID longue », prédit-elle.

Avec son équipe, elle travaille actuellement à la rédaction de trois manuscrits qui contribueront à enrichir notre compréhension de la COVID longue, tout en identifiant de potentiels nouveaux biomarqueurs ainsi que des pistes thérapeutiques.

L’octroi de bourses de recherche permet à la Dre Falcone de poursuivre ses travaux sur la COVID longue et de plancher sur la rédaction d’articles scientifiques sur le sujet. En parallèle de ses recherches à l’IRCM, Emilia Liana Falcone préside le comité pour le développement des premières lignes directrices canadiennes sur le diagnostic de la COVID longue, copréside le pilier biomédical Long COVID Web et copréside également le comité scientifique du premier symposium canadien sur la COVID longue. Elle s’est en outre vu décerner le Prix Bhagirath Singh pour la relève en infection et immunité.

« L’intégration de la recherche aux évaluations cliniques est essentielle, confie la Dre Falcone. Et ceci est particulièrement vrai dans le contexte d’une entité clinique jusqu’alors inconnue, telle que la COVID longue. Avec mon équipe, nous sommes particulièrement mobilisés par la recherche clinique et fondamentale sur ce syndrome, qui affecte plus souvent les femmes et qui pourrait nous éclairer sur d’autres maladies multicomplexes. »

Dre Myriam Srour – Syndrome des mouvements en miroir

Connaissez-vous le syndrome des mouvements en miroir? Il s’agit d’une maladie neurologique héréditaire causée principalement par le gène DCC et caractérisée par des mouvements involontaires des bras et des mains, et ce, dès le plus jeune âge. Par exemple, la main droite reproduit de manière involontaire les mouvements de la gauche, et vice versa. S’ensuivent non seulement des douleurs lors de la pratique d’activités physiques prolongées, mais aussi de grandes difficultés quotidiennes dans l’accomplissement de tâches nécessitant de la coordination.

La Dre Myriam Srour est clinicienne scientifique en neurologie pédiatrique : elle œuvre à l’Hôpital de Montréal pour enfants et se consacre depuis de nombreuses années à l’étude des causes génétiques et pathologiques des mouvements miroirs. Avec Frédéric Charron, directeur de l’unité de recherche en biologie moléculaire du développement neuronal de l’IRCM, elle est à l’origine d’une avancée prometteuse dans la compréhension des origines du syndrome des mouvements en miroir.

En observant le bagage génétique d’une famille porteuse sur plus de quatre générations, l’étude des Drs Srour et Charron a pu relever une nouvelle mutation génétique à l’origine du syndrome des mouvements en miroir et comprendre, sur le plan moléculaire, son mécanisme d’action. Un article scientifique, paru dans le journal Movement Disorders a en outre permis de caractériser génétiquement 80 individus atteints de mouvements en miroir, soit la plus grande cohorte jamais analysée en lien avec ce syndrome rare.

Il s’agit certes d’un premier pas, mais d’un pas important qui permet d’identifier les gènes à l’origine de la maladie et de la diagnostiquer plus rapidement et efficacement. La compréhension des mécanismes causant les mouvements en miroir pourra très certainement donner lieu dans le futur à des traitements novateurs tant pour cette maladie que pour d’autres émanant du système nerveux.

Quand la génétique humaine s’allie à la recherche fondamentale, les connaissances scientifiques sont bonifiées et les perspectives sont plus que prometteuses.

Miriam Beauchamp – Commotions cérébrales chez les enfants

À titre de neuropsychologue, professeure et chercheuse, Miriam Beauchamp est responsable d’une étude sur les commotions cérébrales et le quotient intellectuel des enfants, qu’elle pilote depuis le CHU Sainte-Justine, à Montréal, où elle agit à titre de cheffe de l’axe cerveau et développement du Centre de recherche Azrieli.

Sur les 866 cas qu’elle a étudiés ici et aux États-Unis, Mme Beauchamp et son équipe ont pu établir un constat rare en recherche : une absence d’effet! Le QI des petits ne serait en rien diminué par les commotions cérébrales subies.

Il s’agit de la plus vaste étude multicentrique menée à ce jour sur le sujet, auprès d’une des plus grandes cohortes au monde d’enfants ayant subi des commotions cérébrales avant l’âge de 6 ans. En effet, peu de chercheurs s’intéressent encore à ce groupe vulnérable de la population. Effectués au moyen de méthodes diverses et éprouvées, les travaux de Mme Beauchamp et de son équipe ont permis d’analyser les données et les résultats sous différents angles, faisant du projet de recherche une étude probante.

Bien que les commotions cérébrales ne soient pas sans conséquences (on n’a qu’à penser aux symptômes physiques et incapacitants qui les accompagnent, parmi lesquels la perte d’équilibre, les nausées, la fatigue et les étourdissements), « ces éléments ne s’étendent pas de façon plus globale à l’intelligence », a pu conclure la neuropsychologue au micro du 98,5. C’est une bonne nouvelle, compte tenu des risques élevés de commotion auxquels sont exposés les enfants à travers les jeux et les sports pratiqués.

Spécifions, en terminant, qu’en plus d’avoir fait l’objet de plus de 200 publications scientifiques, les travaux de Miriam Beauchamp ont un impact concret : ils permettent d’alimenter un programme de mobilisation des connaissances utiles tant à la communauté des parents qu’aux responsables des divers services de garde dans la province. Consultez cette infographie sur les commotions cérébrales chez les enfants de 0-5 ans

Miriam Beauchamp a reçu le Prix du Québec « Relève scientifique » en 2017, plus haute distinction décernée par le gouvernement en matière de science et de culture. Elle s’est aussi mérité des distinctions de l’International Neuropsychological Society (2015) et de l’International Brain Injury Association (2017), en plus de remporter les honneurs au Gala de reconnaissance du CHU Sainte-Justine, dans la catégorie Expertise et compétence.

Encore bien du chemin à faire pour les femmes

Non seulement les chercheuses se font-elles rares en médecine, mais c’est aussi le cas quand on examine la situation depuis l’autre bout de la lorgnette : les femmes ne représentent que 20 à 40 % des sujets étudiés en recherche fondamentale ou dans l’essai clinique de nouveaux médicaments.

La physiologie féminine étant distincte de celle des hommes, « ça donne lieu à beaucoup de spéculation quant aux effets réels des médicaments sur les femmes et aux vrais risques pour leur santé », énonçait, sur les ondes d’ICI Radio-Canada Première, la Dre Louise Pilote, professeure à la Faculté de médecine de l’Université McGill et spécialiste des maladies cardiaques au féminin.

Pour que la médecine gagne en précision, il faut que les différences physiologiques féminines soient judicieusement et systématiquement prises en compte. Les résultats des études cliniques gagneraient donc grandement à être détaillés selon le sexe.

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