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Suicide, médicaments et communication entre soignants

Avis du coroner

23/04/2024

Un groupe de plusieurs professionnels de la santé

Le rapport d’investigation 2022-09618 revient sur le suicide par intoxication médicamenteuse d’une femme de 25 ans. Le coroner a pu constater que la dame avait en sa possession une quantité considérable de médicaments sous ordonnance et que la communication entre les différents professionnels de la santé impliqués dans ce dossier était sous-optimale.

À la suite de son investigation, le coroner a émis les recommandations suivantes :

1. Je recommande à l'Ordre des pharmaciens du Québec, au Collège des médecins du Québec et au ministère de la Santé et des Services sociaux :

  • tout en respectant les droits des usagers, de réfléchir et d'identifier les meilleurs moyens pour permettre aux professionnels de la santé de travailler en concertation afin de monitorer et intervenir au niveau de l'accès aux moyens de se suicider, lorsque la situation le requiert (en l'occurrence, aux médicaments pour les usagers vulnérables au suicide).

2. Je recommande à l'Ordre des pharmaciens du Québec et au Collège des médecins du Québec :

  • de sensibiliser et former ses membres sur les bonnes pratiques en matière de prévention du suicide et plus particulièrement sur les meilleurs moyens pour monitorer et limiter l'accès aux moyens de se suicider pour les usagers vulnérables au suicide.

3. Je recommande à l'Ordre des pharmaciens du Québec :

  • de soutenir et former ses membres sur l'évaluation de l'état mental, incluant le repérage et l'évaluation du risque suicidaire.

L’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) et le Collège des médecins du Québec (CMQ) se sont rencontrés dans le but de réfléchir aux différentes avenues possibles à ce sujet. Ils ont invité l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) à prendre part aux discussions puisque les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) prescrivent également des médicaments.

Réflexions des 3 ordres professionnels

Nous avons pleinement conscience de la difficulté, pour tout soignant, de déceler le niveau de détresse psychologique d’une personne. Le jugement clinique et la vigilance sont de mise en tout temps.

Sommaire de nos recommandations :
  • Avec le consentement de la patiente ou du patient, le médecin ou l’IPS qui émet une ordonnance devrait informer la pharmacienne ou le pharmacien de la condition clinique de cette personne en portant une attention particulière au fait que celle-ci présente ou pourrait développer des idées suicidaires. Le médecin et l’IPS devraient également partager l’information quant à la présence de tentative(s) antérieure(s) de suicide.

    Il est important d’obtenir le consentement de la patiente ou du patient, car le respect du secret professionnel est un droit fondamental pour tout être humain. Les patientes et les patients ont ainsi l’assurance de pouvoir se confier librement et en toute confidentialité, afin de recevoir les soins les plus appropriés à leur condition de santé.

    Quand est-il nécessaire de lever le secret professionnel?

    Il existe des exceptions au respect du secret professionnel, et les médecins, les infirmières et les pharmaciennes ou pharmaciens – lorsque la situation le requiert – ne devraient pas hésiter à le lever, quand ils ont « un motif raisonnable de croire qu’un risque sérieux de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable et que la nature de la menace inspire un sentiment d’urgence. », comme l’indique l’article 60.4 du Code des professions.

    Des articles spécifiques au Code de déontologie de chaque ordre professionnel viennent d’ailleurs appuyer ces principes :
    • CMQ : articles 20, 20.5 et 21;
    • OIIQ : articles 31 et 31.1;
    • OPQ : article 68.
  • La personne prescriptrice devrait moduler la quantité de médicaments que la pharmacienne ou le pharmacien peut remettre à un individu en fonction de son risque de développer des idées suicidaires et de passer à l’action. Par exemple, en présence d’un potentiel risque suicidaire, il est pertinent d’indiquer dans la prescription que les comprimés doivent être servis pour 7 jours à la fois plutôt que 30. La pharmacienne ou le pharmacien peut également, selon son évaluation de la patiente ou du patient, décider de donner une quantité moindre de médicaments à chaque fois.
  • La personne prescriptrice et la pharmacienne ou le pharmacien devraient vérifier, dans le dossier antérieur et dans le Dossier santé Québec (DSQ) de la patiente ou du patient présentant un niveau de détresse psychologique important ainsi qu’un risque de passage à l’acte, la quantité de médicaments en sa possession. Ainsi, la pharmacienne ou le pharmacien pourrait inciter la patiente ou le patient à remettre ce surplus de médicaments à la pharmacie, diminuant du même coup la quantité de médicaments entre ses mains et le risque qu’ils soient utilisés pour passer à l’acte. Toutefois, rien n’oblige un individu à remettre une médication lui ayant déjà été servie.

Le Collège participe actuellement à l’élaboration d’un atelier de formation sur le suicide, de concert avec le MSSS et le CIUSSS de l’Estrie-CHUS. Il en avisera ses membres dès qu’il sera disponible.

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