En janvier 2016, un jugement d’intérêt a été rendu dans le cadre d’un litige au Nouveau-Brunswick1, dont l’essentiel portait sur la question suivante : L’Association canadienne de protection médicale (« ACPM ») est-elle un assureur?
Ce questionnement est survenu dans le cadre d’un litige où l’ACPM a refusé de dédommager une patiente en faisant valoir qu’elle n’était pas un assureur et ne fournissait pas de contrats d’assurance aux médecins.
Mise en contexte
Un psychiatre est membre de l’ACPM de 1992 à 1997. Pendant cette période, une action civile est déposée contre lui par une patiente qui l’a consulté. Celle-ci prétend que le médecin lui a prescrit une médication excessive et qu’il l’a persuadée d’avoir des rapports sexuels avec lui.
En juin 2004, la patiente obtient un jugement par défaut contre le psychiatre, lui accordant un peu plus de 500 000 $ en dommages-intérêts. Elle essaie sans succès d’obtenir le paiement de cette somme. Puis, en octobre 2005, elle dépose une action en justice contre l’ACPM pour tenter de recouvrer la somme qui lui a été accordée par la Cour dans l’action initiale intentée.
Motifs de la décision rendue en janvier 2016
Tout d’abord, la Cour rappelle que l’ACPM ne délivre pas de permis aux médecins, n’en régit pas la conduite et n’exerce aucune autorité disciplinaire sur eux. Il s’agit d’une association sans but lucratif qui a le pouvoir d’adopter ses propres règlements et statuts. Sa mission est de protéger l'intégrité professionnelle des médecins et de promouvoir des soins sécuritaires au Canada.
Tout médecin titulaire d’un permis l’autorisant à exercer la médecine peut faire une demande d’adhésion auprès de l’ACPM.
Il ne fait aucun doute qu’à bien des égards, les activités et services offerts par l’ACPM s’apparentent à ceux des compagnies d’assurance. Néanmoins, les éléments clés qui sont essentiels à l’existence d’un contrat d’assurance ne sont pas présents dans la relation entre l’ACPM et ses membres.
L’élément essentiel d’un contrat d’assurance est que l’assuré est en droit d’obtenir quelque chose sur présentation d’une réclamation à la suite d’un événement ou d’un sinistre. L’ACPM, quant à elle, ne prend pas l’engagement d’indemniser ses membres de tout sinistre, risque ou péril particulier, mais offre une assistance basée sur les événements. Les services offerts par l'ACPM se fondent sur les valeurs qui la définissent :
- Conseils et assistance lorsque surviennent des problèmes médico-légaux découlant des activités professionnelles d'un membre au Canada, et compensation aux patients ayant subi un préjudice causé par une faute professionnelle;
- Programmes et ressources de développement professionnel qui aident les médecins à prodiguer des soins sécuritaires, à gérer les risques et à connaître leurs obligations;
- Politiques publiques, soumissions et réponses relatives aux enjeux médico-légaux qui influent sur la pratique des médecins et sur le système canadien de responsabilité médicale.
Par ailleurs, la Cour soulève que l’adhésion à l’ACPM répond aux exigences voulant que tous les médecins détiennent une assurance en responsabilité professionnelle, et ce, même si du côté de l’ACPM il est clairement indiqué que l’assistance offerte à ses membres est le résultat d’une association d’assistance mutuelle qui n’est pas un contrat d’assurance, et qu’elle n’indemnise pas ses membres comme le ferait une compagnie d’assurance.
La Cour ne peut donc pas accepter la thèse de la patiente selon laquelle le fait qu’une assurance en responsabilité civile professionnelle soit exigée légalement impose à l’ACPM l’obligation d’offrir un contrat d’indemnisation à ses membres.
Sur ces considérations, la Cour se voit dans l’impossibilité de conclure que l’ACPM est un assureur et elle doit rejeter l’action de la patiente.
Rappel des exigences au Québec
En termes d’assurabilité professionnelle, les conclusions de cette décision peuvent être reconduites dans le cadre professionnel québécois.
Au Québec, le médecin qui est membre de l’ACPM respecte la disposition du Code des professions obligeant tout professionnel à fournir une garantie contre sa responsabilité professionnelle2.
Ainsi, en vertu de notre Règlement, le médecin qui transmet au secrétaire de l’ordre, lors de son inscription au tableau, une déclaration selon laquelle il est membre de l’ACPM ainsi que son numéro d’adhésion, est réputé détenir une assurance en responsabilité professionnelle3.
Exemptions
Le médecin en exercice a l’obligation de détenir et de maintenir en vigueur un contrat d’assurance établissant une garantie contre sa responsabilité professionnelle, sauf :
- s’il n’exerce en aucune circonstance l’une des activités mentionnées à l’article 31 de la Loi médicale;
- s’il exerce sa profession exclusivement à l’extérieur du Québec4.
____________________________________
1 Shannon c. Association canadienne de protection médicale, 2016 NBBR 004, le 4 janvier 2016.
2 Code des professions, RLRQ, c. C-26, art. 46.
3 Règlement sur l’assurance responsabilité professionnelle des médecins, RLRQ, c. M-9, r. 15, art. 2.01.
4 Précité, note 3, art. 3.03.