Dans une série d’infolettres, le Curateur public, avec la collaboration du Collège des médecins, rappelle aux médecins leurs obligations professionnelles et déontologiques vis-à-vis de leurs patients inaptes.
Au cours des dernières semaines, le Curateur public a mis en ligne une nouvelle version du formulaire d’évaluation médicale que vous devez fournir dans le cadre d’une demande d’ouverture d’un régime de protection ou de l’homologation d’un mandat. Cette version permet de dresser un portrait encore plus précis de la personne et de mieux décrire les impacts de la pathologie sur ses habiletés cognitives et son fonctionnement.
Il s’agit d’un processus d’une très grande importance. Lorsqu’une personne majeure est inapte à prendre soin d’elle-même ou à administrer ses biens, la loi prévoit la nomination d’un curateur ou d’un tuteur pour la représenter, ou d’un conseiller pour l’assister, dans la mesure où elle est inapte à prendre soin d’elle-même ou à administrer ses biens et qu’elle est atteinte d’une condition médicale qui altère ses facultés mentales ou son aptitude à exprimer sa volonté. La loi prévoit que le besoin de représentation peut résulter de l’isolement, de la durée prévisible de l’inaptitude, de la nature ou de l’état des affaires, ou encore, de l’absence d’un mandataire choisi par la personne pour la représenter. L’ouverture d’un régime de protection est une mesure qui a des conséquences sérieuses pour l’autonomie de la personne, notamment en restreignant l’exercice de ses droits civils. La personne concernée, le président-directeur général ou le directeur des services professionnels d’un établissement de santé ou de services sociaux dans lequel la personne majeure reçoit des soins, le conjoint, un proche ou une personne intéressée peuvent effectuer les démarches afin de demander l’ouverture d’une mesure de protection.
Votre rôle comme médecin dans ce processus est d’établir l’inaptitude d’un point de vue clinique en évaluant et en examinant votre patient. L’évaluation médicale doit refléter vos conclusions quant au lien entre le ou les diagnostics menant à l’inaptitude et les impacts sur les habiletés cognitives qui permettent à la personne de comprendre, d‘apprécier sa situation par son jugement et son autocritique et de comparer les avantages et les risques de ses choix afin de les justifier et d’exprimer un choix cohérent et constant dans le temps. Vous devrez vous prononcer sur la compétence de cette personne à prendre des décisions au regard des conséquences prévisibles, compte tenu de ses capacités fonctionnelles et du contexte psychosocial dans lequel elle évolue. Les cas plus complexes nécessiteront probablement une approche interdisciplinaire (neuropsychologie, ergothérapie, gériatrie, etc.) afin de bien documenter le dossier. Vous devrez alors tenir compte de toutes les évaluations qui vous seront soumises afin d’étayer votre opinion et d’apprécier, de concert avec les professionnels impliqués, le lien entre l’état clinique de la personne et sa compréhension ainsi que son jugement des impacts fonctionnels et du contexte psychosocial décrits.
Dans cette évaluation, vous devez vous prononcer sur le degré d’inaptitude en tenant compte des capacités résiduelles de la personne afin d’ouvrir le régime de protection le moins contraignant pour elle. Il est recommandé que les professionnels impliqués puissent partager leurs observations afin de présenter des évaluations complémentaires et congruentes dans la mesure du possible. La décision quant à la pertinence de demander l’ouverture d’un régime de protection incombe à la fois au médecin et au travailleur social.
Une fois votre évaluation complétée, elle sera jointe à l’évaluation effectuée par le travailleur social dont le but est d’évaluer le fonctionnement psychosocial de la personne. Le rapport, une fois complété, est ensuite soumis au directeur général de votre établissement, qui l’acheminera au Curateur public. Ce dernier étudiera la demande, notamment en visitant la personne concernée et ses proches s’il y en a, pour ensuite déposer une recommandation à la Cour supérieure, s’il recommande l’ouverture d’un régime de protection public. En ce qui concerne les régimes privés, le Curateur public sera notifié de la demande et il pourra intervenir s’il le juge nécessaire.
L’ouverture d’un régime de protection est donc un rigoureux processus judiciaire encadré par le Code civil du Québec. Seul le tribunal peut confirmer l’inaptitude d’une personne et statuer sur l’ouverture d’un régime de protection. Le médecin engage sa responsabilité professionnelle quand il remplit l’évaluation médicale. Vous pourriez donc être appelé à témoigner.