1 DÉCEMBRE 2016

Le suivi médical – Qu’en est-il de la responsabilité professionnelle et de la tenue de dossiers?

Par la Direction des services juridiques
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Mise en contexte

En octobre 2016, la Cour supérieure1 a examiné la conduite d’un médecin afin de déterminer si ce dernier a contribué, par sa négligence ou son imprudence, au décès d’un de ses patients.

En effet, la veuve du patient a intenté une action en dommages-intérêts contre le médecin, alléguant qu’il avait été négligent et imprudent dans le suivi médical de son époux et qu’il ne lui avait pas prodigué les soins dont il avait besoin. Elle lui reproche d’avoir tardé à prescrire les tests nécessaires pour évaluer son état de santé, d’avoir négligé de le renseigner sur les résultats de ces tests une fois qu’il les avait reçus et d’avoir omis de lui prescrire les médicaments recommandés. Elle réclame la somme de 1 574 000 $.

La responsabilité professionnelle

Le médecin a une obligation de moyens et non pas de résultat. Sa conduite doit être évaluée par rapport à celle d’un médecin normalement prudent et diligent, qui aurait été placé dans les mêmes circonstances.

La responsabilité du médecin ne sera engagée que s’il y a un lien de causalité entre la faute qu’il a commise et le préjudice subi par le patient. Par conséquent, le préjudice qui ne résulte pas directement ou immédiatement de la faute commise par le médecin ne relève pas de sa responsabilité et ne pourra pas donner lieu au paiement de dommages-intérêts.

L’obligation de suivi et la tenue de dossiers

Le médecin doit informer son patient des résultats de ses tests et lui proposer le traitement indiqué pour améliorer son état de santé2. À noter que le simple fait de confier à son assistant(e) le soin de communiquer avec un patient pour lui fixer un rendez-vous de suivi ne relève pas le médecin de son obligation de suivi.

Lors de son témoignage, la veuve du patient a mentionné que le médecin n’avait pas informé son époux qu’il devait retourner le consulter pour discuter des résultats de ses tests. Elle a mentionné qu’après la chirurgie son époux était persuadé que ses problèmes de santé étaient réglés. Il aurait dit qu’il n’avait plus de raison de s’inquiéter.

Selon le Tribunal, bien que ces déclarations doivent être prises avec réserve, elles indiquent néanmoins que la veuve n’a jamais eu connaissance d’un appel téléphonique de l’assistante du médecin et de la nécessité d’un suivi après la convalescence de son époux. De plus, il est impossible de conclure avec certitude que l’assistante du médecin a informé le patient qu’un suivi était nécessaire. En effet, cette dernière n’a pas témoigné et le médecin ne peut le certifier. En outre, il n’y a aucune note au dossier médical du patient concernant un appel téléphonique ou un rendez-vous.

Ainsi, le procédé qui a été utilisé par le médecin pour communiquer avec son patient et l’absence de note au dossier médical ne permettent malheureusement pas de vérifier si le patient a été informé de la nécessité d’un suivi. Il aurait pourtant été facile de noter cette information à son dossier.

Dans nombre de cas, les patients qui subissent des tests sont avisés que leur médecin de famille communiquera avec eux seulement si un suivi est nécessaire. Il importe donc de s’assurer, quand un suivi médical est requis, que le patient en est adéquatement informé. Si le patient ne retourne pas consulter le médecin parce qu’il ignore qu’il a besoin d’un suivi médical, il ne s’agit pas d’une manifestation de sa volonté de refuser des soins.

Informer un patient qu’il a besoin d’un suivi médical fait partie de l’obligation de renseignement et de conseil du médecin. La communication de cette information est une donnée significative qui devrait, par prudence, être notée au dossier médical du patient. Si le patient ne veut plus consulter le médecin, il s’agit là aussi d’une donnée significative qui devrait être inscrite à son dossier.

En résumé, le Tribunal conclut que le médecin a commis une faute professionnelle puisque la preuve prépondérante ne démontre pas qu’il a déployé des efforts raisonnables pour informer son patient des résultats de ses tests et pour lui proposer un traitement. Toutefois, puisque la veuve du patient a failli à démontrer l’existence d’un lien de causalité entre la faute reprochée au médecin et le décès de son époux, les indemnités réclamées ne peuvent lui être accordées.

Le contenu du dossier médical

Rappelons qu’en vertu de l’article 6 du Règlement sur les dossiers, les lieux d’exercice et la cessation d’exercice d’un médecin, le médecin doit inscrire ou verser notamment au dossier médical les renseignements et les documents suivants :

  • la date de la consultation, ou de toute inscription au dossier, ainsi que l'heure dans le cas d'une situation d’urgence ou critique;

  • toute information pertinente relative à un risque de réaction allergique;
     
  • les observations médicales recueillies à la suite de l'anamnèse et de l'examen;

  • toute information relative à un incident, à un accident ou à une complication survenus ou constatés en lien avec la prestation des soins;
     
  • les demandes et les comptes rendus des examens complémentaires et des consultations avec un autre médecin ou les demandes de services professionnels;

  • le diagnostic et les diagnostics différentiels lorsque la condition clinique du patient est imprécise;

  • les ordonnances, les rapports et, le cas échéant, les documents iconographiques, concernant les actes préventifs, diagnostiques et thérapeutiques effectués par le médecin ou confiés à une autre personne identifiée;

  • le compte rendu opératoire de toute intervention chirurgicale rédigé ou dicté dans les 24 heures suivant cette intervention;

  • un sommaire du dossier contenant un résumé à jour des informations utiles à une appréciation globale de l'état de santé de tout patient pris en charge ou qui consulte régulièrement;

  • la liste des médicaments pris par le patient;

  • un résumé ou compte rendu de toute communication avec le patient ou un tiers.

Concernant le dossier médical constitué pour toute personne qui participe à un projet de recherche, il doit contenir des informations supplémentaires, à savoir :

  • le titre du projet de recherche;

  • l'identification du protocole de recherche, incluant le numéro du protocole concerné;
     
  • l'identification du chercheur principal et de ses associés ainsi que le formulaire d'approbation par lequel le comité d'éthique de la recherche atteste que celle-ci respecte les normes en vigueur, notamment en ce qui a trait aux modalités de fonctionnement.

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1 Steinberg c. Mitnick, 2016 QCCS 4749, no° 500-17-063339-116.

2 D’ailleurs, cette obligation est prévue au Code de déontologie des médecins, art. 32, stipulant que le médecin  qui a examiné, investigué ou traité un patient est responsable d’assurer le suivi médical requis par l’état du patient, à la suite de son intervention.