La récupération du placenta à des fins personnelles

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État de la situation

Au moment même où des travaux de réflexion sur l’examen et la récupération du placenta étaient amorcés par le Collège des médecins, le ministère de la Santé et des Services sociaux émettait une circulaire1 pour l’ensemble du réseau, précisant que lorsqu’un placenta est réclamé par une patiente lors de son accouchement, il ne doit plus être considéré comme un déchet biomédical, et n’est donc plus soumis aux exigences du Règlement sur les déchets biomédicaux2.

Plusieurs médecins (pathologistes, obstétriciens-gynécologues, médecins accoucheurs) ont interpellé le Collège afin de mieux cerner leur rôle et leurs responsabilités devant de telles demandes de la part des parents.

L’utilisation du placenta à des fins personnelles

Rituels culturels et personnels entourant le placenta

Certaines cultures associent le placenta à des rituels et à des croyances3 (p. ex. : mise en terre du placenta, utilisation d’un morceau de placenta ou de cordon ombilical comme un talisman, bébé lotus, etc.). D’autres conservent le placenta à titre de souvenir.

Bien que ces habitudes puissent s’inscrire dans un rituel culturel, aucune religion ne prévoit cette pratique comme un rituel lié aux croyances religieuses4.

Placentophagie

Au cours des dernières années, l’intérêt marqué pour la récupération du placenta vise particulièrement la consommation du placenta après l’accouchement. 

Le placenta contient un haut niveau de prostaglandine et une petite quantité d’ocytocine. Plusieurs adeptes rapportent que l’ingestion du tissu placentaire entraîne des effets bénéfiques sur l’humeur, l’énergie, la lactation et le système immunitaire. Certaines vedettes vantent les vertus nutritives et énergétiques de la placentophagie.

Diverses méthodes sont utilisées pour préparer le placenta avant sa consommation :

  • consommation de placenta cru, immédiatement ou après congélation;
  • placenta cuisiné (p. ex. : cuisson à la vapeur);
  • placenta déshydraté et encapsulé.

La préparation la plus prisée semble être l’encapsulation du placenta soit à l’état frais, soit après différentes procédures qui se terminent par la déshydratation et la mise en capsule. Certaines entreprises vendent ces services.

D’un point de vue procédural et scientifique, on retient les éléments suivants :

  • il n’existe aucune procédure standardisée pour l’encapsulation du placenta;
  • on ne dispose pas actuellement de données scientifiques pour appuyer les bienfaits de la consommation de placenta humain sur la santé.

Certains scientifiques ont mis en évidence des risques possibles pour la mère et pour leurs bébés, notamment :

  • le Center for Disease Control and Prevention (CDC) rapportait un cas de septicémie tardive à Streptocoque agalactiae chez un nouveau-né, la même bactérie ayant été retrouvée dans les capsules de placenta ingérées par la mère5;
  • une préparation inadéquate du placenta peut s’avérer insuffisante pour l’inactivation et la destruction de certains virus, dont le VIH, l’hépatite et le Zika6;
  • un risque appréhendé pour la santé en raison de l’accumulation de toxines dans le placenta7.

Récemment, Santé Canada émettait une alerte8 visant la consommation de produits contenant du placenta humain, invitant les citoyens à signaler toute vente ou publicité non conforme de placentas humains destinés à la consommation.

En conclusion, les données scientifiques ne confirment pas les bienfaits de la placentophagie, alors que les risques de contamination, eux, sont bien réels.

Le cadre légal et réglementaire applicable

La disposition des déchets biomédicaux

Au Québec, au sens du cadre légal et réglementaire, le placenta est régi par le Règlement sur les déchets biomédicaux, qui prévoit que « tout déchet anatomique humain constitué par une partie du corps ou d’un de ses organes, à l’exception des phanères, du sang et des liquides biologiques9» constitue un déchet biomédical.

Ce règlement vient aussi préciser les modalités de transport et de disposition. Les déchets biomédicaux doivent être disposés dans des contenants rigides, scellés et étanches10.

Les déchets biomédicaux anatomiques sont traités par incinération11.  

Selon les directives ministérielles environnementales, « la population ne doit jamais avoir accès aux déchets biomédicaux, que ce soit lors de leur entreposage, de leur collecte ou de leur élimination »12. Néanmoins, des interprétations divergent sur la définition du terme « déchets biomédicaux », certains affirmant qu’une partie du corps réclamée ne constitue plus un déchet.

L’homologation des produits contenant du placenta

Les produits contenant du placenta préparés par un tiers sont considérés comme des médicaments et sont donc assujettis aux exigences de la Loi sur les aliments et drogues13 et du Règlement sur les aliments et drogues14

« Un produit doit être homologué avant de pouvoir être vendu au Canada. Pour ce faire, Santé Canada doit au préalable obtenir des données à l’appui de son innocuité et de son efficacité en vue de les soumettre à un examen. Santé Canada n’a, à ce jour, homologué aucun produit de santé contenant du placenta humain destiné à la consommation au Canada »15.

Rôle et responsabilités du médecin

Dans l’attente de directives plus claires en matière de gestion de risque, le Collège désire donner aux médecins des balises qui tiennent compte de leurs devoirs et obligations.

Le devoir d’informer

Bien que la décision de récupérer ou de consommer du placenta soit un choix personnel, il revient au médecin de fournir les informations pertinentes à la décision des parents de conserver le placenta, afin de faciliter leur prise de décision.

Lors du suivi prénatal, le médecin accoucheur doit valider la compréhension des avantages et des risques associés à la récupération du placenta et explorer les valeurs relatives que peut accorder la femme à ce geste.  

La récupération du placenta à des fins personnelles implique la renonciation à l’examen du placenta par les professionnels du laboratoire d’anatomopathologie; les procédures actuelles ne permettant pas d’assurer l’absence de contamination16.

La récupération du placenta aux fins de consommation devrait être déconseillée par tous les professionnels de la périnatalité.

Plus spécifiquement, le médecin doit, envers une femme qui veut recourir à des traitements insuffisamment éprouvés17 (p. ex. : placentophagie pour prévenir une baisse de l’humeur en post-partum), fournir les renseignements à l’égard :

  • du manque de preuves scientifiques relativement aux bienfaits liés à la consommation du placenta;
  • des risques possibles de contamination (bactérienne et virale) pour la mère et pour le bébé découlant de la consommation du placenta;
  • des inconvénients pouvant découler de la transmission d’infections lors de l’entreposage et de la manipulation des produits placentaires;
  • de la nécessité que les produits vendus contenant du placenta et préparés par un tiers (p. ex. : encapsulation du placenta) aient été homologués par Santé Canada.

Protéger et promouvoir la santé 

Le médecin a le devoir primordial de protéger et de promouvoir la santé et le bien-être des individus qu’il sert, tant sur le plan individuel que collectif18.

En matière de santé publique, la protection repose notamment sur la prévention du risque infectieux. De l’avis du Collège, le médecin demeure toujours soumis aux dispositions réglementaires en matière de gestion et de disposition des déchets biomédicaux. 

Une meilleure cohérence est donc souhaitée pour aligner les politiques ministérielles sur les obligations réglementaires du médecin. Pour ce faire, si telle est la volonté du ministère, et en accord avec la Direction de la santé publique, il y aurait lieu de soustraire le placenta au Règlement sur les déchets biomédicaux, comme certaines juridictions l’ont fait devant les enjeux soulevés par la récupération du placenta.

L’administration d’un établissement peut décider de gérer les risques entourant la remise du placenta, en établissant des procédures et des politiques à cet effet.

Il demeure que le médecin doit limiter le risque infectieux et assumer les responsabilités qui lui reviennent :

  • au cours du suivi prénatal, le médecin doit s’assurer que les examens paracliniques sont disponibles et ne présentent pas de risques infectieux (VIH, syphilis, hépatites, streptocoque B, etc.);
  • lors de l’accouchement, le médecin accoucheur doit rechercher la présence de signes infectieux (p. ex. : signes de chorioamniotite);
  • dans l’éventualité d’une analyse au laboratoire d’anatomopathologie, le pathologiste doit rechercher et préciser la présence de signes infectieux.

Procéder à l’examen morphologique du placenta et rechercher les conditions cliniques constituant une indication de transmission au laboratoire

Tout placenta doit avoir un examen morphologique19 (intégralité, recherche de calcification, coloration, anomalie, examen du cordon et nombre de vaisseaux, etc.)

Puis, une procédure de triage est réalisée afin de rechercher les conditions maternelles, fœtales, néonatales et placentaires préétablies, indiquant qu’un examen du placenta doit être réalisé par le personnel du laboratoire d’anatomopathologie.

Un parent qui désire conserver le placenta doit être informé de l’importance de procéder à l’examen complet des tissus placentaires, lorsque requis, compte tenu des avantages pour la femme, pour le bien-être du nouveau-né et pour les grossesses à venir.

Déclarer les effets secondaires

Santé Canada joue un rôle actif pour s’assurer que les médicaments et les produits de santé soient sécuritaires et efficaces. Les professionnels sont invités à déclarer tout effet indésirable associé aux produits de santé, incluant les produits contenant du placenta humain destinés à la consommation.

Signaler la vente ou la publicité non conforme

Santé Canada précise que plusieurs lettres de conformité ont été envoyées à des cliniques ou à des personnes offrant des services d’encapsulation de placenta humain afin de préciser les exigences réglementaires et prendre les mesures qui s’imposent, lorsque requis. 

Les professionnels sont encouragés à signaler toute vente ou publicité non conforme de placentas humains destinés à la consommation ou d’autres produits semblables, en soumettant une plainte à Santé Canada au moyen d’un formulaire en ligne.

Les autres acteurs

L’établissement

Le congé de l’hôpital met fin à la relation entre l’hôpital et l’usager, mais quelques nuances doivent être apportées. Il appartient en effet à l’établissement d’assurer la diffusion de l’information utile pour le congé. Des procédures doivent établir les modalités de manipulation, de transport, de conservation, d’utilisation et de disposition du placenta lors de la remise, afin de réduire les risques associés à sa gestion. Ces procédures devraient aussi prévoir le retour du placenta à l’établissement aux fins de récupération si les parents reviennent sur leur décision de conserver le placenta.

Les médecins accoucheurs et pathologistes peuvent collaborer avec les autorités administratives à l’élaboration et à la mise en place de telles politiques.

Les parents

Les parents ont des rôles de participants actifs dans les procédures de récupération (conservation, transport dans une glacière, etc.). Ils doivent bien saisir les instructions et s’engager à suivre les directives proposées par l’établissement.

Pour en savoir davantage

Late-Onset Infant Group B Streptococcus Infection Associated with Maternal Consumption of Capsules Containing Dehydrated Placenta-Oregon – Centers for Disease Control and Prevention
Code de déontologie des médecins – Collège des médecins du Québec
L’examen des tissus placentaires – Collège des médecins du Québec 
Loi sur les aliments et drogues – Gouvernement du Canada 
Règlement sur les aliments et drogues – Gouvernement du Canada 
Règlement sur les déchets biomédicaux – Gouvernement du Québec 
Disposition des placentas à la suite d’un accouchement – Gouvernement du Québec 
Rappels et avis de sécurité La consommation de produits contenant du placenta humain, non homologués au Canada peut présenter de graves risques pour la santé – Santé Canada  
Formulaire de plainte d’un produit de santé (FRM-0317) – Santé Canada 
Déclaration des effets indésirables ou des incidents liés aux matériels médicaux – Santé Canada 

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1 Normes et pratiques de gestion, Tome II, Répertoire. Circulaire codifiée 01.01.41.01 (2016-014) sur le sujet : Disposition des placentas à la suite d’un accouchement
2 Règlement sur les déchets biomédicaux, RLRQ, c. Q-2, r. 12.
3 C. ENNING (2014). Le placenta : rituel et usages thérapeutiques, Éditions du Hêtre, 15 septembre.
4 Tel que présenté par A. FARR et collab., dans l’article Human placentophagy: a review.
5 CDC (2016). Late-Onset Infant Group B Streptococcus Infection Associated with Maternal Consumption of Capsules Containing Dehydrated Placenta-Oregon.
6 A. FARR et collab. (2017). « Human placentophagy: a review », American Journal of Obstetrics and Gynecology.
7 S. M. YOUNG et collab. (2016). « Human placenta processed for encapsulation contains modest concentrations of 14 trace minerals and elements », Nutrition Research.
8 Santé Canada (2018). Rappel et avis de sécurité. La consommation de produits contenant du placenta humain, non homologués au Canada peut présenter de graves risques pour la santé, 27 novembre.
9 Règlement sur les déchets biomédicaux, art. 1, al. 10.
10 Ibid., art. 22.
11 Ibid., art. 5.
12 Ministère du Développement durable, Environnement et Lutte contre les changements climatiques du Québec, Les déchets biomédicaux. Le règlement en bref .
13 Loi sur les aliments et drogues. L.R.C. (1985), c. F-27.
14 Règlement sur les aliments et drogues. C.R.C., c. 870.
15 Santé Canada (2018). Rappels et avis de sécurité. La consommation de produits contenant du placenta humain, non homologués au Canada peut présenter de graves risques pour la santé, 27 novembre.
16 Selon les experts consultés, pour qu’un placenta puisse être remis après une demande d’examen au laboratoire d’anatomopathologie, il sera nécessaire qu’une politique entourant la manipulation stérile du spécimen soit mise en place. 
17 Code de déontologie des médecins, art. 49.
18 Ibid., art. 3.
19 Voir la publication du Collège : L’examen des tissus placentaires : rôle et responsabilités du médecin, mai 2019.

Dernière mise à jour : 7 juin 2019