Les forfaits d'analyses de laboratoire

Par la Direction des enquêtes
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Certains laboratoires et centres de prélèvements privés proposent à leur clientèle des regroupements thématiques pour les analyses qu’ils offrent. Ces forfaits  sont vendus à un prix moindre que pour une analyse individuelle. De prime abord, une telle offre peut sembler avantageuse pour le patient. Alors, pourquoi le médecin devrait-il se soucier de cette situation?

Le point de départ, une offre commerciale

Alors que les laboratoires publics ont depuis longtemps délaissé les « profils » regroupant plusieurs analyses, à la fois pour des raisons scientifiques et économiques, certains laboratoires privés font l’inverse, tout en soutenant une rhétorique scientifique et commerciale attrayante pour le néophyte.

Chaque laboratoire privé a sa recette pour proposer des profils, des forfaits ou des regroupements d’analyses : par système physiologique, par maladie spécifique, par secteur du laboratoire ou par popularité… Bien souvent, ces regroupements font fi des données probantes sur l’indication médicale des analyses. La logique est davantage commerciale que scientifique. On peut d’ailleurs s’en faire une bonne idée en consultant les formulaires de réquisition proposés aux prescripteurs ou la liste des prix de vente pour le client.

Peu importe les forfaits proposés, les arguments de vente des laboratoires privés sont semblables, c’est-à-dire offrir des analyses à coût moindre. Et comment mettre en doute ces prétentions quand l’offre correspond au « prix du marché »?

L’objet de cet article n’est pas de débattre du juste prix qu’un patient devrait payer pour ses analyses en laboratoire privé, mais plutôt de sensibiliser le médecin à l’impact de certaines pratiques commerciales quant au respect des obligations liées à l’exercice de la profession médicale.

Quand le médecin prescrit un « profil » d’analyses

Le Bureau du syndic constate trop souvent que des médecins prescrivent à leurs patients des analyses biologiques en utilisant les « profils » proposés par un laboratoire privé.

En appliquant cette pratique au quotidien, le médecin inclut inévitablement dans son ordonnance des analyses non médicalement requises ou peu pertinentes pour son patient. Ce faisant, il expose ce dernier aux ennuis ou aux conséquences parfois non négligeables d’un résultat faussement positif.

Le médecin doit s’abstenir de rédiger une ordonnance pour des analyses qui ne sont pas médicalement nécessaires1. Le Collège tient particulièrement à rappeler aux praticiens de première ligne que la littérature médicale récente en matière de prévention ne permet pas de soutenir la prescription systématique d’un bilan biologique tous azimuts, de tests de dépistage ou d’épreuves diagnostiques sans facteur de risque ou symptôme d’appel pertinent.

Rappelons aussi que le médecin doit utiliser judicieusement les ressources consacrées à la santé2. Ainsi, son ordonnance ne devrait pas encourager le gaspillage ou engendrer des coûts inutiles, qu’ils soient assumés par le patient, par son assureur ou par le système de santé public.

Le médecin qui évalue une personne en participant à une offre de service du type « bilan pré-emploi » ou « bilan de santé pour cadres ou employés » n’échappe pas à la règle. Chaque élément de ce bilan, incluant les analyses de laboratoire, doit être médicalement nécessaire pour justifier une ordonnance. Et rappelons aussi que tirer profit d’une telle ordonnance pourrait constituer une faute déontologique pour le médecin, relativement à son devoir d’indépendance et de désintéressement3.

Les analyses effectuées à l’insu du médecin

Des médecins interpellent de plus en plus fréquemment le Collège parce qu’ils reçoivent, parmi les résultats de tests prescrits, des résultats pour des analyses qu’ils n’ont pas demandées.

Dans la mesure où il soupçonne que c’est le laboratoire ou le centre de prélèvement qui a ajouté les analyses non requises à celles qu’il a prescrites, le médecin devrait signaler la situation au syndic de l’Ordre des chimistes du Québec.

Lorsque c’est le patient lui-même qui a ajouté des analyses supplémentaires, son médecin s’assurera de bien l’informer de l’illégalité de la situation et des inconvénients associés aux analyses non requises, afin d’éviter la récidive. Une telle situation fera l’objet d’une inscription au dossier médical.

Par ailleurs, il est certainement utile de rappeler que le médecin qui prend connaissance d’un rapport d’analyse doit en faire un suivi approprié, même s’il n’en est pas le prescripteur. Ignorer un rapport sous prétexte qu’on n’a pas prescrit les analyses est inacceptable.

En conclusion

Chaque ordonnance pour une analyse de laboratoire que le médecin rédige doit être médicalement nécessaire. Le médecin ne doit pas moduler ses prescriptions selon les offres commerciales des laboratoires privés, même à la demande expresse de son patient, et encore moins pour tirer avantage de son ordonnance.  Avant tout, le médecin doit se rappeler qu’il a l’obligation d’exercer sa profession selon des principes scientifiques.

1 Code de déontologie des médecins, art. 50.
2 Code de déontologie des médecins, art. 12.
3 Code de déontologie des médecins, art. 73.

 
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Dernière mise à jour : 20 septembre 2019