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Décès par suicide : Recommandations découlant du rapport d’enquête de la coroner Godin

Avis du coroner

11/29/2023

Ombre d'un homme assis sur le sol

En juin 2023, le Bureau du coroner a publié les conclusions de son enquête publique sur le décès de cinq personnes par suicide et d’une personne par homicide (un des individus ayant attenté à la vie de sa mère avant de se suicider).

Le coroner a émis plusieurs recommandations dont certaines visent les médecins. Après la lecture de celles-ci, nous souhaitons porter à votre attention les points suivants :

1- Qualité de l’acte médical

Le coroner souligne l’importance de repérer les patients à risque de suicide ou susceptibles de développer des idées suicidaires. Il est important de rappeler que ces problèmes ne sont pas que l’apanage des personnes vues par les psychiatres, les médecins de famille ou les urgentologues : ils peuvent toucher les patients de toutes les spécialités telles que la chirurgie générale, l’obstétrique-gynécologie, l’ophtalmologie, etc.

Le médecin devrait effectuer une évaluation du risque suicidaire en recherchant notamment les facteurs de risque sur les plans biologique, psychologique et social. Si le médecin juge qu’il n’a pas la compétence pour évaluer ce risque, il doit, dès qu’il l’estime pertinent, diriger le patient vers un professionnel habilité.

Le coroner recommande également de porter une attention particulière aux troubles concomitants[1]. Ainsi, en présence d’un trouble lié à l’usage de substances, le médecin doit aussi rechercher la présence d’un trouble de santé mentale et vice versa.

Le coroner a remarqué que les patients avaient parfois à leur disposition plusieurs médicaments dont ils ont pu se servir pour se suicider. Lorsqu’un patient est susceptible de présenter des idées suicidaires, le médecin doit faire preuve de vigilance lors de la rédaction d’ordonnances pharmacologiques pouvant le mettre à risque d’intoxication, notamment en ce qui concerne la prescription de psychotropes tels que les benzodiazépines et les opioïdes[2]. Ainsi :

    • Il peut être pertinent de prescrire une plus petite quantité. Par exemple, demander au pharmacien de servir la médication pour une semaine à la fois afin d’éviter que le patient se retrouve en possession d’une quantité importante de médicaments.
    • Il est important de consulter le Dossier santé Québec (DSQ) afin de vérifier les médicaments consommés par le patient et la possibilité d’une accumulation de ceux-ci (plusieurs prescriptions remplies de façon trop rapprochée, changement récent de dosage pouvant occasionner la présence de plusieurs comprimés de l’ancienne dose à la maison, plusieurs prescripteurs/plusieurs pharmacies, etc.).
    • En cas de doute, une discussion franche avec le patient pourrait permettre de clarifier la situation et, s’il y consent, un échange avec son pharmacien pourrait être pertinent.

Les médecins en établissement devraient étudier la qualité de l’acte médical dans tous les dossiers où leurs patients se sont suicidés, que le décès ait eu lieu ou non dans une des installations de leur établissement, et ce afin d’identifier des pistes d’amélioration de la prise en charge des patients présentant un risque suicidaire. Les médecins hors établissement devraient également faire l’étude de ce type de dossier.

2- Travail en silo vs collaboration

Le coroner a constaté que les professionnels impliqués dans les cas de suicide relatés dans son enquête avaient tendance à travailler en silo alors qu’une prise en charge en étroite collaboration aurait été bénéfique aux patients.

Une bonne communication entre les intervenants est donc nécessaire. Un échange d’informations pertinentes à la condition du patient, avec le consentement de celui-ci, devrait avoir lieu tant entre les professionnels d’une même équipe de travail qu’entre les milieux de soins. Par exemple, un compte rendu contenant les éléments significatifs en lien avec l’état d’un patient devrait être envoyé par le médecin hospitalier au médecin en communauté lorsque le patient quitte un établissement, et vice versa lorsque le patient est dirigé de la communauté (ex. : Groupe de médecine de famille (GMF)) à un établissement.

De plus, le médecin ne doit pas hésiter à établir une communication avec les professionnels du secteur privé qui sont impliqués dans le suivi d’un patient, par exemple avec un psychologue en pratique privée.

3. Implication des proches

Le coroner a souvent jugé que les proches des patients ont été insuffisamment impliqués dans le plan de soins de ceux-ci, bien qu’ils soient des témoins privilégiés de leur état de santé et qu’ils puissent être d’une grande aide.

Lorsque le patient y consent, et afin de faciliter son adhésion au suivi et à son traitement, le médecin a tout intérêt à collaborer et à impliquer ses proches[3].

4. Filet de sécurité au congé

Le coroner a déploré dans certains cas que les mesures déployées pour sécuriser le patient lors de son congé de l’établissement aient été insuffisantes pour favoriser son rétablissement.

En présence d’une demande de soins ou de suivi devant débuter rapidement au congé du patient, il est recommandé d’obtenir, avant le départ de celui-ci, une confirmation que les soins seront disponibles en temps opportun. Il est insuffisant d’envoyer uniquement une demande sans s’assurer qu’elle sera reçue et que les soins nécessaires seront déployés.

5. Formations à votre disposition

Le coroner a recommandé que les professionnels impliqués dans les soins aux patients atteints de troubles psychiatriques soient mieux formés, notamment pour la prise en charge de ceux présentant des troubles de personnalité et des troubles concomitants. Il cite en exemple le Télémentorat ECHO® TC-CHUM.

À la lecture de l’enquête, on constate également qu’une meilleure connaissance des ressources offertes par le réseau de la santé et ses partenaires est souhaitable afin que les médecins et les autres intervenants puissent diriger rapidement les patients vers des ressources qui leur permettront d’obtenir sans délai et en toute continuité les soins et les services requis par leur état.

Différentes formations sont offertes aux médecins sur la prévention du suicide. Le CMQ collabore d’ailleurs à la création d’une formation sur le sujet, chapeautée par le MSSS et le CIUSSS de l’Estrie-CHUS. Les médecins seront avisés lorsque celle-ci sera disponible.

Note : Dans ce texte, le masculin a été utilisé sans préjudice et seulement pour faciliter la lecture.


[1] Le rapport du coroner définit les troubles concomitants comme étant « la présence simultanée d’un trouble de l’usage de substance (ex. : drogues, alcool) et d’un trouble de santé mentale ».

[2] Pour plus d’information sur la prescription d’opioïdes : Prescription d'opioïdes: un rappel des bonnes pratiques.

[3] Art. 59 du Code de déontologie des médecins : « Le médecin doit collaborer avec les proches du patient ou toute autre personne qui démontre un intérêt significatif pour celui-ci. »

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