5 questions à la Dre Marie-Ève Goyer

Médecin de famille depuis 2005, la Dre Goyer est cheffe médicale des services en dépendance et en itinérance du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. Très engagée dans le traitement de la dépendance aux opioïdes, elle a contribué à l’implantation des services d’injection supervisée et au déploiement de la naloxone communautaire. Finaliste au Prix d’humanisme du Collège des médecins du Québec en 2021, elle a aussi reçu cette même année le prix d’humanisme AFMC – Gold qui souligne, renforce et rehausse l’importance des qualités humanistes parmi les étudiants et le corps professoral des facultés de médecine.

Dre Marie-Eve Goyer

1- Comment concevez-vous le rôle des médecins face à la crise des surdoses d’opioïdes?

Notre rôle est de fournir des soins appropriés en fonction des besoins de la personne. Nous devons l’accompagner – grâce à nos connaissances – vers un meilleur état de santé.

Actuellement, on est en train de laisser certaines personnes derrière, à cause de nos préjugés. Certaines personnes, qui se rendent à l’hôpital pour une surdose, se font retourner à la maison sans traitement ni suivi. Jamais on n’agirait ainsi pour une personne qui ferait un infarctus. Or, cela arrive avec les victimes de surdose, pour lesquelles on ne déploie pas actuellement les meilleures pratiques. Pourtant, la science nous montre que lorsqu’on fournit les bons traitements à ces personnes, on obtient de bons résultats.

Le piège à éviter pour les médecins (et comme société), c’est de penser que nous pouvons discriminer les bons patients des mauvais patients. Notre rôle n’est pas de juger les personnes. Le jugement est une pente glissante. On ne connait pas l’histoire de nos patients.

2- Il y a peu de médecins engagés dans la lutte contre la crise des opioïdes, comment expliquez-vous cela?

Effectivement, il manque actuellement de médecins prescripteurs. Cela découle d’un manque de formation. Les étudiants en médecine ne sont pas formés pour prescrire les traitements. Heureusement, des discussions sont en cours avec le CMQ pour trouver des solutions.

Aussi, la façon dont on a organisé la pratique dans les GMF n’est pas toujours adaptée pour certaines problématiques complexes, qui nécessitent une prise en charge par des équipes multidisciplinaires. De façon générale, notre réseau manque de souplesse et d’adaptativité.

Enfin, il y a les activités médicales prioritaires (AMP), qui incitent les médecins de famille à prioriser certaines activités au détriment d’autres. Depuis 1 an et demi, la toxicomanie n’est plus une AMP. On décourage donc la prise en charge des patients aux prises avec une dépendance.

3- Comment pourrait-on amener plus de jeunes médecins à s’engager dans cette voie?

Même si la pratique peut paraitre difficile, qu’on est confrontés à des situations complexes, je trouve que cela donne du sens à notre quotidien et au fait de vouloir soigner les personnes qui en ont le plus besoin. On a l’occasion de tendre la main à des gens qui se sont butés à du rejet, à de l’indifférence. On reçoit beaucoup de reconnaissance de leur part lorsqu’on leur offre enfin l’aide dont ils ont besoin. C’est très gratifiant et cela nous met en contact avec notre humanité profonde. On a alors le sentiment d’être à la bonne place et de faire quelque chose d’utile pour une tranche de la population qui n’a pas beaucoup de voix au sein de la société.

4- Pour plusieurs médecins, vous représentez un modèle d’engagement social. Qu’est-ce qui vous motive personnellement à suivre cette voie?

Personnellement, je trouve dans cette pratique le mariage parfait entre la science et l’art de la médecine. Ces patients vulnérables nous amènent à voir que nous ne sommes pas seulement des scientifiques, mais aussi des êtres humains, en relation avec les autres. C’est un volet qu’on a tendance à occulter en médecine, contrairement à d’autres professions en santé. On ne dit pas assez à quel point l’aspect relationnel est fondamental en médecine.

5- Y a-t-il un message que vous voulez transmettre aux futurs médecins ?

La communauté médicale jouit d’une certaine écoute au sein dans la société ; notre voix porte. Nous avons donc la responsabilité de donner aussi une voix aux personnes que nous n’entendons généralement pas. J’invite les étudiants à dénoncer des injustices dont ils sont témoins. Ce n’est pas facile, ça peut demander du temps, mais on a le pouvoir de transformer les choses. Que l’on soit plus jeune ou plus vieux, ce pouvoir transformateur que nous avons comme médecin est aussi vraiment nourrissant

[Insérer lien vers l’article sur la crise des surdoses d’opioides]

Publication originale de l’article : Vocation M.D. Janvier 2022

1- Comment concevez-vous le rôle des médecins face à la crise des surdoses d’opioïdes?

Notre rôle est de fournir des soins appropriés en fonction des besoins de la personne. Nous devons l’accompagner – grâce à nos connaissances – vers un meilleur état de santé.

Actuellement, on est en train de laisser certaines personnes derrière, à cause de nos préjugés. Certaines personnes, qui se rendent à l’hôpital pour une surdose, se font retourner à la maison sans traitement ni suivi. Jamais on n’agirait ainsi pour une personne qui ferait un infarctus. Or, cela arrive avec les victimes de surdose, pour lesquelles on ne déploie pas actuellement les meilleures pratiques. Pourtant, la science nous montre que lorsqu’on fournit les bons traitements à ces personnes, on obtient de bons résultats.

Le piège à éviter pour les médecins (et comme société), c’est de penser que nous pouvons discriminer les bons patients des mauvais patients. Notre rôle n’est pas de juger les personnes. Le jugement est une pente glissante. On ne connait pas l’histoire de nos patients.

2- Il y a peu de médecins engagés dans la lutte contre la crise des opioïdes, comment expliquez-vous cela?

Effectivement, il manque actuellement de médecins prescripteurs. Cela découle d’un manque de formation. Les étudiants en médecine ne sont pas formés pour prescrire les traitements. Heureusement, des discussions sont en cours avec le CMQ pour trouver des solutions.

Aussi, la façon dont on a organisé la pratique dans les GMF n’est pas toujours adaptée pour certaines problématiques complexes, qui nécessitent une prise en charge par des équipes multidisciplinaires. De façon générale, notre réseau manque de souplesse et d’adaptativité.

Enfin, il y a les activités médicales prioritaires (AMP), qui incitent les médecins de famille à prioriser certaines activités au détriment d’autres. Depuis 1 an et demi, la toxicomanie n’est plus une AMP. On décourage donc la prise en charge des patients aux prises avec une dépendance.

3- Comment pourrait-on amener plus de jeunes médecins à s’engager dans cette voie?

Même si la pratique peut paraitre difficile, qu’on est confrontés à des situations complexes, je trouve que cela donne du sens à notre quotidien et au fait de vouloir soigner les personnes qui en ont le plus besoin. On a l’occasion de tendre la main à des gens qui se sont butés à du rejet, à de l’indifférence. On reçoit beaucoup de reconnaissance de leur part lorsqu’on leur offre enfin l’aide dont ils ont besoin. C’est très gratifiant et cela nous met en contact avec notre humanité profonde. On a alors le sentiment d’être à la bonne place et de faire quelque chose d’utile pour une tranche de la population qui n’a pas beaucoup de voix au sein de la société.

4- Pour plusieurs médecins, vous représentez un modèle d’engagement social. Qu’est-ce qui vous motive personnellement à suivre cette voie?

Personnellement, je trouve dans cette pratique le mariage parfait entre la science et l’art de la médecine. Ces patients vulnérables nous amènent à voir que nous ne sommes pas seulement des scientifiques, mais aussi des êtres humains, en relation avec les autres. C’est un volet qu’on a tendance à occulter en médecine, contrairement à d’autres professions en santé. On ne dit pas assez à quel point l’aspect relationnel est fondamental en médecine.

5- Y a-t-il un message que vous voulez transmettre aux futurs médecins ?

La communauté médicale jouit d’une certaine écoute au sein dans la société ; notre voix porte. Nous avons donc la responsabilité de donner aussi une voix aux personnes que nous n’entendons généralement pas. J’invite les étudiants à dénoncer des injustices dont ils sont témoins. Ce n’est pas facile, ça peut demander du temps, mais on a le pouvoir de transformer les choses. Que l’on soit plus jeune ou plus vieux, ce pouvoir transformateur que nous avons comme médecin est aussi vraiment nourrissant

[Insérer lien vers l’article sur la crise des surdoses d’opioides]

Publication originale de l’article : Vocation M.D. Janvier 2022