Pour en finir avec la « normalisation raciale »
En mai 2021, dans une lettre ouverte rédigée avec la Nation Atikamekw, le Collège reconnaissait officiellement l’existence du racisme systémique dans le système de santé québécois. Depuis ce temps, il s’est engagé à saisir toutes les opportunités pour promouvoir l’équité, la diversité et l’inclusion dans l’exercice de la médecine. S’attaquer au problème de la normalisation raciale s’inscrit dans cet objectif et, pour y parvenir, le Collège a besoin de vous!
Normalisation raciale : de quoi parle-t-on ?
La normalisation raciale (race norming en anglais) est l’une des facettes du racisme systémique en santé, présente de façon insidieuse dans plusieurs domaines de la médecine. On parle de normalisation raciale lorsque des ajustements aux résultats de tests ou que des calculs de risque sont effectués en fonction de la racisation d’une personne.
Racisation : Processus par lequel une personne est, en raison de certaines de ses caractéristiques, assimilée à une « race humaine » déterminée (Wikipedia)
La normalisation raciale repose sur l’idée de différences supposées, sur le plan médical, entre personnes de « races » différentes. Malheureusement, elle fait souvent état des conséquences du racisme et ne fait rien pour corriger les causes de disparité. Pire encore, en influençant des décisions médicales, la normalisation raciale risque de contribuer à perpétuer et même amplifier des inégalités sur le plan de la santé.
Afin d’assurer des soins équitables pour toutes et tous, il faut absolument réévaluer la pertinence de ces valeurs ajustées, des notions de risque et des algorithmes décisionnels basés sur des différences dites « raciales ».
Exemples de normalisation raciale en médecine
- Calcul du risque d’insuffisance cardiaque
- Calcul du débit de filtration glomérulaire
- Calcul de l’indice Kidney Donor Profile Index (KDPI)
- Calcul du risque de cancer du sein
- Calcul du risque d’ostéoporose
Source : Vyas, D., L. Eisenstein et D. Jones (2020)
Type | Description | Exemple |
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Et vous, dans votre exercice?
Dans son guide Rôle et responsabilité de l'apprenant et du superviseur, le Collège fait mention de la responsabilité, pour l'apprenante ou l'apprenant, de « contribuer de façon constructive à l'amélioration des pratiques et à l'évaluation des programmes de formation, des superviseurs et des milieux de formation. » Identifier des pratiques non équitables en raison d'une normalisation raciale injustifiée est une façon bien concrète de répondre à cet engagement.
Réfléchis-y… se pourrait-il que vous employiez vous aussi, certains algorithmes décisionnels basés sur des considérations raciales? La normalisation raciale influence-elle certaines de vos décisions cliniques au quotidien?
Connaissez-vous d'autres exemples de normalisations raciales que ceux présentés ici?
Pourquoi doit-on agir ?
Le guide de l’apprenant et du superviseur souligne aussi la responsabilité d’« accueillir, respecter et traiter avec équité et de façon inclusive tout patient, ou toute autre personne, sans discrimination, sans égard à la maladie ou au handicap, à la grossesse, à l’âge, à la culture, à la dénomination religieuse, aux croyances, aux mœurs, à l’origine ethnique, au statut de citoyenneté, incluant les peuples autochtones, à l’identité de genre, à l’orientation sexuelle, au statut socio-économique, à la langue ou à toute autre forme de diversité personnelle, sociale, politique et culturelle ».
Lorsque des médecins utilisent le critère de « race » comme outil diagnostique ou prédictif, ils risquent d’interpréter les disparités raciales comme étant des faits immuables plutôt que des injustices à corriger.
Il est donc important de se questionner. Le recours à la normalisation raciale est-il fondé sur des données probantes? Y a-t-il des raisons valables de considérer la racisation dans tel ou tel contexte? Est-ce que cela diminue ou accentue les iniquités en santé?
Le racisme a été intégré à la médecine par le biais de l’objectivité apparente des chiffres et par les détails que nous négligeons chaque jour dans la pratique clinique.- Zewude et Sharma (2021)
Assurons-nous de ne pas perpétuer des notions qui sous-tendent que la race est une catégorie biologique (alors qu’elle est plutôt une construction sociale) et de garder un œil critique sur les inégalités qu’elles peuvent engendrer dans le système de santé. Le Collège vous encourage à en discuter entre vous, avec vos superviseurs et au sein des sociétés savantes de vos spécialités.
Le sujet vous intéresse?
Voici quelques références à consulter
- Amutah, C., et collab. (2021). « Misrepresenting Race — The Role of Medical Schools in Propagating Physician Bias », New England Journal of Medicine, 384, p. 872-878.
- McMillen, M. (2021). « Race-Norming in Health Care : A Special Report », Health Central.
- Vyas, D., L. Eisenstein et D. Jones (2020). « Hidden in Plain Sight — Reconsidering the Use of Race Correction in Clinical Algorithms », New England Journal of Medicine , 383, p. 874-882.
- Zewude, R. et M. Sharma (2021). « La théorie critique de la race en médecine », Canadian Medical Association Journal, 193 (32), E1286-1288.