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Dépasser les bornes!
Vos réactions au sujet du mot du président envoyé dans l'Info Collège du 30 mai 2025.
Prenez note que certains messages sont écourtés pour laisser la place à l'expression de plusieurs points de vue.
Bonjour monsieur le président du Collège, mais c'est le gouvernement qui donne le ton.
- Hubert Wallot, M.D.
Je suis contre ce projet de loi. Je travaille depuis 39 ans et jamais je n’accepterai de me faire dicter le temps que ça me prend pour voir et évaluer un patient. Devant la non-accessibilité des patients à rencontrer un psychologue, il nous incombe de plus en plus ce rôle. Le patient qui entre dans mon bureau avec un problème de santé mentale est de plus en plus important et j’oserais dire quasi 50% d’une pratique quotidienne. Comment suivre ces patients en 10 minutes alors qu’il faut souvent compter 60 minutes pour bien évaluer ces derniers? Si je ne prends que 10 minutes, il reviendra ou devra aller consulter dans un SRV quelconque où le médecin ne le connaîtra pas et ne saura quoi lui offrir. Donc non à la loi 106 et nous devons tous se tenir debout afin de manifester notre indignation face à ce gouvernement qui n’a aucunement à cœur le bien de la population même s’il veut faire croire le contraire!
- Jean Frenette, M.D.
Le jupon politique du CMQ dépasse, le ministre Dubé sait maintenant le manipuler pour une possibilité de question d’éthique. Le CMQ aurait dû réagir plus vivement envers le manque d’éthique du ministre devant les images de vermine dans les hôpitaux …Deux poids, deux mesures.
- Benoit Girard, M.D.
Je suis en total accord avec le Collège. Par contre, le ton de votre courriel manque de professionnalisme et est inacceptable! D’utiliser l’expression que ca « dépasse les bornes » avec point d’exclamation est subjectif, non professionnel venant d’un ordre professionnel et vise l’intimidation et le dénigrement. Je m’attendais à mieux de mon ordre professionnel. Des excuses s’imposent.
- Christian Vinette, M.D.
Je suis excessivement d’accord avec ce que vous écrivez! Je ne fais pas partie de ces médecins.
Or, pour toutes les faussetés sur notre travail ou l’utilisation de statistiques non prouvées dans les sorties à la radio et les médias par gouvernement, pouvez-vous nous défendre et sortir en public également?
Vous réagissez rapidement pour les lettres, mais aucune action de votre part pour nous défendre … je trouve cela désolant et je ne me sens pas soutenue ni par le CMQ, ni par la FMOQ…
- Gwënaelle Bidet, M.D.
Le métier de médecin de famille est devenu complexe. Tout nous est remis sur les épaules et multiples facteurs engorgent notre temps.
Expliquer aux patients pourquoi leur IPP n'est pas couvert après avoir vérifié la liste exhaustive des critères. [C’est une] source de stress : si je prescris le mauvais code; La RAMQ me pénalise) et le patient est frustré de ce fait.
Les patients rencontrent les spécialistes et ne comprennent pas leur diagnostic ou leur plan de traitement. Nous recevons leurs rapports écrits à la main (souvent illisible) et ils se font dire que leur médecin de famille leur expliquera.
Les laboratoires font des erreurs de prélèvement mais ne s'occupent pas de les corriger. Les spécialistes nous demandent d'assumer le suivi de multiples problèmes dont chacun nécessite une évaluation adéquate (du temps) aux suivis. Un rendez-vous de suivi approprié prend de plus en plus de temps car nous sommes les responsables de tout.
La liste est longue et met en évidence le problème avec des indicateurs de performance. Tous ces détails ne sont pas communiqués aux patients par les groupes responsables.
Avez-vous une suggestion puisque vous ne voulez pas qu'on communique ces réalités aux patients?
Le CMQ devrait clarifier au public ces réalités; ceci changerait l'opinion du public envers notre pratique.
La RAMQ devrait clarifier au public ces réalités; ceci éliminerait les frustrations des patients pour les codes. [Il faudrait] clarifier également au public que certains actes ne sont pas couverts par la RAMQ.
Les laboratoires devraient être responsables de leurs propres erreurs et les corriger. Les spécialistes devraient être responsabilisés dans leurs explications et conseils aux patients. Le CRDS devrait être responsabilisé dans leurs prise en charge des demandes.
Tout simplement, si on veut augmenter la performance des médecins ; Il faut que les autres membres de la communauté médicale assument certaines responsabilités.
Pour les communiqués aux patients, je suis d'accord qu'il faut éviter des messages dramatiques ou effrayants. Par contre, les réalités objectives doivent leur être communiqués afin de clarifier ces réalités.
- Wissam Zein, M.D.
Si un patient me demande ce que je pense de la loi 106, j’ai tout à fait le droit de me positionner face à celle-ci. J’ai également le droit d’annoncer que si une telle loi était adoptée, j’annoncerai probablement ma retraite du réseau public.
Je crois que le Collège des médecins joue un rôle très dangereux face à notre démocratie. Je crois que vous devriez vous retirer des pourparlers de négociation avec le gouvernement car vous êtes parti pris avec ce-dit gouvernement. Même si vous avez annoncé du bout des lèvres votre inquiétude face à cette loi, on ne vous croit tout simplement pas… Vous avez tout mon respect
- André Nadeau, M.D.
Je suis entièrement d’accord avec vous les médecins devraient travailler à plus servir la population plus mais pas plus que les hauts fonctionnaires, les députés, ministres incluant M. Dubé. […]
M. Dubé doit penser à tout cela en plus des hôpitaux qui sont mal équipés défavorisant beaucoup le soin aux malades et les chirurgies. Il faut se souvenir que la porte d’entrée de la médecine au Québec doit être les CLSC avec présence médicale et ticket modérateur. Il semble bien que M. Dubé ne comprend rien ou ne veut pas comprendre
Ça va venir. L’exemple devrait être la France [avec une] médecine tripartite ou bipartite
- Simon Verret, M.D.
Vous devez intervenir pour faire cesser la campagne de diffamation envers la profession médicale par le gouvernement actuel. Comme Dr. Gaudreault le mentionnait dans son mot le 30 mai 2025 : « … le Collège doit agir contre toute action qui mine la confiance de la population à l’endroit de la communauté médicale ou qui inquiète les patients. ». Cela fait quelques années que la profession médicale est publiquement discréditée et je ne comprends pas pourquoi le CMQ n’intervient pas. Vous devriez exiger des preuves valides et vérifiables des propos de la CAQ alléguant que nous ne travaillons pas assez.
Martin Gignac, M.D.
La responsabilité collective doit-elle s'étendre aux autres professionnels et aux gestionnaires du réseau de la santé?
23 messages ont été envoyés.
Au questionnaire, « Êtes-vous d’accord avec le mot du président? », 247 réponses ont été transmises. Un taux de 98% des répondants ont répondu « Oui » (242 réponses) et 2% ont répondu « Non » (5 réponses).
Bravo et merci pour la prise de position du Collège aujourd’hui! En effet les médecins et les autres professionnels devraient être imputables des actes qu’ils posent. Mais les gestionnaires doivent être imputables de la gestion! Tout ce qui permet aux professionnels de travailler efficacement et de façon sécuritaire pour les patients :
- infrastructures adéquates
- matériel adéquat et suffisant
- technologies de pointe
- dossier électronique unique et performant
- bannissement des fax
- communication fiable entre les intervenants et les établissements
- personnel suffisant et stable
- favoriser une rémunération adéquate et un climat de travail serein afin de retenir et recruter le personnel
- innover en regardant ce qui se fait dans d’autres provinces et pays
- gérer aussi la demande, pas seulement l’offre: programmes de prévention, diminution des inégalités sociales, cours de premiers soins dans les écoles secondaires, ticket modérateur modulé selon le revenu, pénalité pour les no show
- et surtout écouter les gens du terrain qui ne veulent que le mieux pour leurs patients
- Julie Houde, M.D.
Au Québec, plus de responsabilité (qu’elle soit individuelle ou collective) se traduit par plus de bureaucratisation. On passe de plus en plus de temps à justifier nos actions et de moins en moins de temps à agir. On est tous (cliniciens et patients) pris dans un cercle vicieux et rien dans le PL 106 va nous sortir de là.
- Dominique Hotte, M.D.
C’est simple. Chacun devrait être responsable de ses actes. Comme médecin on ne devrait pas être responsable de:
- Commis qui s’est trompé de nom de docteur, donc prise de sang non reçue et bris de confidentialité
- Secrétaire qui a par erreur effacé une demande au CRDS donc patient qui attend un spécialiste qui ne se fera pas … est perdue!
- Laboratoire qui a tassé une virgule donc résultat erroné D-dimere?
- Opti-lab qu’on démarre pour lequel on refait les mêmes erreurs que dans d’autres régions qui l’ont déjà fait… des résultats perdus++ pour une programmation tout croche
- Quelqu’un qui refuse une consultation au CRDS parce qu’on a mal lu? Et on me dit de faire une colono à la place d’une gastroscopie pour un œsophage de Barett? Et bien sûr on ne sait pas qui a fait ça…
Une chose est sure, si un patient a des problèmes graves à cause de ça, le médecin traitant est toujours coupable de TOUT même s’il n’a aucun contrôle sur tout ça.
- Nancy Durand, M.D.
Je suis agréablement surpris de l'opposition très claire du CMQ face au PL106.
Félicitations pour cette protestation face a un projet de loi totalement inefficace pour l’accès aux soins et dénigrant pour les médecins
Richard Belley, M.D.
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Depuis plusieurs mois je suis outré de la diffamation publique envers les médecins. Le gouvernement actuel véhicule de fausses informations avec des données non vérifiables afin de détruire l’image professionnelle des médecins. Le CMQ a le devoir et je dirais même l’obligation d’intervenir légalement pour faire cesser cette propagande envers la profession. Ceci porte directement atteinte à l’intégrité de la profession et la confiance de la population envers le corps médical.
J’étais d’ailleurs en profond désaccord avec le CMQ de prendre position publiquement en faveur du PL83. Vous avez légitimé le gouvernement à s’ingérer dans l’identité de la profession médicale, ce qui est sacré pour une profession. Les professions doivent être évaluées par leurs pairs dans un système d’autorégulation pour protéger la population et offrir des services médicaux de haute qualité.
Le CMQ a laissé se ramollir les limites professionnelles de ce qui devrait être et rester du domaine de la médecine. Les IPS font littéralement ce qu’elles veulent et la pratique de la médecine sans que le CMQ n’intervienne en disant que cela relève maintenant de l’OIIQ. Étant moi-même infirmier avant d’être médecin, je peux vous confirmer une chose. Avant, je ne savais pas que je ne savais pas! L’OIIQ n’a aucunement les connaissances et compétences pour encadrer cette pratique qui aurait dû rester du domaine de la médecine. Résultats, dérives dangereuses pour la population sans aucune vigilance. Il n’y a pas une semaine où je ne rattrape pas une erreur d’un autre professionnel.
- Un physio qui prescrit une radiographie sans être capable de gérer le résultat. […]
- Des IPS en milieu hospitalier qui font le « suivi » de patient admis en discipline chirurgicale. […] Une IPS n’a pas les compétences pour être hospitaliste. […]
- Des pharmaciens qui changent les plans de traitement pharmaco de patient que je suis pourtant de manière très rapprochée pour la santé mentale. […] Des prescriptions de laboratoire par des pharmaciens qui ne savent pas comment gérer les résultats.
Bref la profession médicale est en dérive majeure. J’ai changé de profession il y a 10 ans d’infirmier gestionnaire à médecin pour obtenir les connaissances et compétences d’un médecin. Aujourd’hui je le regrette, je suis quotidiennement maltraité publiquement à tort en travaillant 50-70h par semaine au service de la population. Je vois mon droit de pratique de la médecine perdre sa valeur en diluant à tout vent les actes médicaux à des professionnels qui n’ont pas les compétences pour les faire avec des mécanismes de supervision aveugle, car eux-mêmes n’ont pas les compétences.
Je suis fondamentalement contre l’ingérence politique dans la profession médicale. Pour protéger la profession de médecin et protéger la population qui ne sait pas à quel point c’est dangereux ce qui se passe. Vous le CMQ avec la responsabilité de protéger cela. Vous devez reprendre le contrôle de qui prodigue la médecine au Québec et garder le contrôle sur l’autonomie professionnelle. J’aimerais bien voir le gouvernement imposer la même chose à des avocats, ingénieurs, dentistes, notaires, actuaires. Leurs ordres interviendraient de manière bien plus ferme.
En conclusion, je vous demande d’agir rapidement pour reprendre le contrôle de l’encadrement des pratiques médicales et rétablir la confiance du public envers la profession. Merci de prendre sérieusement en considération ces préoccupations qui, j’en suis convaincu, touchent de nombreux médecins au Québec
Martin Gignac M.D.
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Il est clair depuis au moins 30 ans, que le gouvernement n’a pas $ pour payer les soins de santé de toute la population. Il y a quelques décennies: mise à la retraite, baisse de rémunération si travaille à Montréal, plafonnement de revenu, etc. Le temps passe et le MSSS est toujours aussi créatif de raisons le poussant à diminuer les revenus et les soins. Présentement c’est le pire du pire.
Les plus performants du système de santé sont les médecins, qui n’y arriveraient cependant pas sans une équipe qui les entoure.
Le MSSS rend responsables les médecins seuls, alors qu’en réalité c’est leur faute. La santé populationnelle est leur affaire et mixte plusieurs ministères : l’éducation aux enfants, la famille, la santé, le revenu, etc. […] Mais il va empirer les problèmes, trop de mes collègues vont déménager ou se réorienter, trop de cliniques vont fermer par manque de revenu, trop de mes collègues seront épuisés (moi y compris) à force de tenir ce réseau à bout de bras tout en tentant de maintenir nos niveaux d’empathie pour bien soigner nos patients.
Nous devrions tous être responsables dans le réseau, le MSSS compris, mais non imputables à des choses dont nous n’avons pas le contrôle ni les effectifs pour y arriver. Effectifs que seul le MSSS est capable de nous donner! Donc au bout du compte si je suis imputable, le MSSS l’est encore plus. […] Ce gouvernement se vantait à ses tout débuts qu’il serrait droit, ne cacherait rien, serrait limpide et respectueux…. Pour moi, l’un des pires n’ayant jamais gouverné depuis que je me rappelle.
Je me demande pourquoi le fédéral ne se penche pas sur une tutelle du MSSS car les beaux principes de la santé au Canada sont bafoués. Je pleure ce Québec que j’aime tant, je le sens en naufrage, il coule, comme nous tous à force de nous faire dire qu’on n’est pas beau ni fin!
Isabelle Ledoux, M.D
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La responsabilité de prise en charge doit être collective et repartie équitablement entre les différents professionnels de la santé et ces derniers seront tous imputables.
Le réseau est brisé. Les intervenants et les patients souffrent. Le gouvernement cherche la confrontation. Il faut réfléchir ensemble.
Christine Roy, M.D.
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Je suis en pratique depuis plus de 25 ans. J’ai travaillé en région éloignée, à l’urgence, à l’hospitalisation, en UMF/GMFU et en GMF. J’ai vécu des moments de grande complicité avec différents collègues du réseau : ambulanciers, infirmières, inhalothérapeutes, physiothérapeutes, travailleurs sociaux, médecins de famille et médecins spécialistes. Toujours avec l’objectif ultime de donner les meilleurs soins possibles. Malheureusement, j’ai aussi été témoin depuis 20 ans du manque de vision et des mauvaises décisions répétées de nos gouvernements successifs: mauvaise planification des effectifs et départs à la retraite anticipés, détérioration des conditions de travail, bureaucratie lourde voire paralysante, fusions et apparitions de mégastructures génératrices d’entropie. Aujourd’hui je sens le réseau impuissant, fatigué et de plus en plus désolidarisé. Le PL106 s’inscrit dans la même logique de contrôle et de coercition qui nous a conduit à cette perte de sens. Si on ne fait pas marche arrière rapidement, je crains fort que notre système de santé soit irrémédiablement compromis.
Bernard Boudreau, M.D.
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Le Collège peut s’opposer à cette mesure de la responsabilité collective des médecins.
Cependant certains aspects doivent être abordés. En 1970, la population du Québec était de 6 millions.[…] 55 ans plus tard, la population du Québec est de 8.7 millions; le contingent médical est de 22,000 médecins inscrits auprès du Collège, et il est devenu difficile d’être pris en charge par un médecin. La population a augmenté de 30% et pendant ce temps le nombre de médecins a augmenté de 300%; où est le problème?
Par ailleurs, on entend dire que la moyenne de présence médicale au travail est de 3 jours semaine. Quoi faire pour corriger cette situation? Soit:
1) augmenter le contingent en augmentant les admissions en médecine. La classe de 2025, première année du cursus est de 500 candidats à l’Université de Montréal avec tous les problèmes reliés à la distanciation des connaissances versus la présence de vrais patients. Même l’apprentissage par problème sans lien avec le présentiel, est devenu une des sources d’anxiété chez les recrues.
2) Augmenter le nombre de médecins en favorisant la venue de médecins étrangers. Mais l’effet négatif de ponctionner des médecins venant de pays qui en manquent déjà me semble répréhensible du point de vue moral et éthique pour ces pays qui ont formé ces personnes.
3) Ré-équilibrer le contingent de sorte qu’il y ait une égalité femme-homme dans la sélection des candidats; le contingent des candidats de la faculté de médecine de l’UDM, est féminin à 70%;ce qui a pu être une situation de discrimination positive durant une période de temps, doit être révisé en tenant compte des besoins de la population.
Les autres facultés de médecine au Québec et aussi au Canada, n’ont pas ces statistiques; le ratio se situe autour de 50-50%.
4) La côte R n’est pas une règle absolue et cache peut-être une certaine paresse sur la sélection des candidats. Il faut aussi regarder quelles sont les critères de sélection : ancrage dans le milieu au départ, pour éviter la désertification médicale à l’extérieur des grands centres, favoriser les candidats venant des régions, plutôt que les candidats issus de Brébeuf ou autre CÉGEP citadins à la côte R recherchée.
5) Certaines facultés de médecine ont créé des satellites soit à Trois-Rivières, Chicoutimi? Rimouski? tout cela afin de s’implanter en région, offrir une augmentation des candidats, peut-être tenter de recruter des candidats locaux qui pourraient rester dans leur région d’origine, si et seulement si les candidats choisis sont sélectionnés d’abord parmi les étudiants de CÉGEP locaux. L’idée de combler le contingent à partir de candidats venant de l’étranger me semble non productif à long terme. À mon avis les richesses du pays doivent être partagées d’abord par la population. Il ne faut pas négliger que le coût annuel d’un étudiant en médecine gravite autour de 80 000 $ par années. Le coût total sur 5 ans avoisine donc 400 000 $ et pour les spécialités le coût total peut aller jusqu’à $1 000 000 $ et plus.
6) Doit-on confier à l’Université du Québec le mandat d’implanter une faculté de médecine avec multiples satellites à travers la province? […]
7) L’arrivée de l’IA en médecine transformera la formation médicale. […] Les qualités recherchées pour devenir médecin seront bouleversées; on en arrivera même jusqu’à l’auto-diagnostic par le patient lui-même en consultation avec l’IA. La consultation médicale s’en trouvera complètement modifiée et les prérequis liés à la côte R la brillance intellectuelle sera remplacée par l’IA elle-même, laissant au praticien l’empathie, le support émotif etc.
La chirurgie sera faite par des robots autonomes et non pas par des robots télé-commandés comme maintenant. L’apprentissage profond par les robots fera que même en situation inédite, ils seront plus performants, car ils auront à leur aide tout l’apprentissage et le partage des expériences de milliers de robots.
Enfin, n’oublions pas que l’objectif est de fournir des soins à tous les citoyens en temps raisonnable. Les variables peuvent choquer, comme la responsabilité collective, mais tout comme dans une ruche, chacun doit ajuster son travail en fonction du bien commun et non pas son seul bien-être. Pour le moment : accessibilité.
Roger P.Delorme, M.D.
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En ce qui concerne la responsabilité collective, en effet, pour un réseau de santé public gratuit, les citoyens, professionnels, gestionnaires, médecins et le politique ont chacun des rôles à jouer respectueusement et constructivement.
La population doit utiliser son réseau avec parcimonie et pertinence. Elle a besoin d’éducation, de responsabilisation, de portes d’accès simples, directes, connues… et moins nombreuses.
Ce n’est pas en ajoutant des soins, des programmes spécifiques, des missions, des portes d’accès, des heures ouvrables qui mènent tous aux même ressources surchargées ou épuisées, que l’on y arrivera. Les gestionnaires et le politique ont des rôles à jouer à cet égard, parmi d’autres. La prévention et la pertinence sont l’affaire de tous. Cela prend du temps, mais tous ont beaucoup à y gagner.
Ces quelques mentions, à elles, seules sont déjà des pistes pour dégager du temps pertinent, mieux utilisé, auprès des médecins et professionnels de tous horizons.
Membre anonyme, M.D.
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On ne peut pas rendre les médecins responsables de ne pas rencontrer les objectifs de soins fixés par des fonctionnaires quand ils dépendent des plateaux techniques. Je suis anesthésiologiste à Shawinigan dans le CIUSSS MCQ. Depuis les 6 derniers mois 33% de nos salles d'opération ont été annulées par manque d'infirmières. Certains d'entre nous sont allés faire du remplacement dans d'autres centres. Cependant ce n'est pas facile à organiser à 2-4 semaines de préavis. Pour ma part, ce n'est pas possible que je m'absente une semaine dans une autre ville ayant 3 enfants et un conjoint qui finit souvent de travailler trop tard pour être là pour le souper. Mon salaire a déjà été amputé de 25-30% depuis 6 mois parce que j'ai des congés forcés et non parce que je ne veux pas travailler. Pourquoi devrais-je être pénalisée d'avantage pour le manque de personnel? Il faut surtout rendre les conditions attirantes pour que le personnel qui travaille dans les blocs opératoires reste.
Josiane Léveillé, M.D.
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Merci Dr Gaudreault pour votre texte! Merci pour l’appui. C’est mon premier ensoleillement depuis un moment. Souhaitons que le ministère de la santé soutienne ce que vous leurs exprimerez.
Mariloue Parent, M.D.
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Concernant l'imputabilité de tous, je dirai oui dans toutes les langues que je baragouine. On ne peut imputer tous les torts du système de la santé aux médecins. C'est de la démagogie vulgaire.
Par contre, je ne veux pas qu'on rentre dans un jeu de blâme ou de recherche de bouc émissaire comme les médecins (et surtout les spécialistes en médecine de famille disproportionnellement visés par le PL106) le vivent actuellement. Ça prend une discussion franche, basée sur les intérêts commun et empreinte de bonne foi. Le PL106 en est l'antithèse.
Je dirais donc que de meilleurs thèmes seraient responsabilisation, communication, cohérence, solidarité, réciprocité et respect. Ça sonne plus positif qu'imputabilité.
Laurent Lévesque, M.D.
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Oui, la responsabilité collective devrait s’appliquer à tous si elle s’applique aux médecins. Je pense aussi que si les médecins doivent travailler 5 ans au public et avoir l’autorisation de Santé Québec pour travailler « hors RAMQ », la même chose doit s’appliquer aux infirmières, IPSPL, dentistes, pharmaciens, TS, physiothérapeute, etc.
Anne Hamelin Morrissette, M.D.
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Je vous remercie pour votre prise de position, c’est très apprécié.
Dominique Rouleau, M.D.
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Je crois effectivement qu'elle devrait inclure tous les professionnels et gestionnaires associés à la santé. Le patient de nos jours n'est plus sous la responsabilité du médecin seulement car le travail du médecin se fait maintenant sous le modèle biopsychosocial.
Yves Lajoie, M.D.
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L’imputabilité. Ce mot peut être une lame à deux tranchants.
La personne ayant la responsabilité première de la santé d’un patient est le patient lui-même. Il ne faut pas tenir les gens responsables des malheurs qui leur arrivent, mais il ne faut pas adopter une attitude paternaliste qui les transformerait en pauvres victimes innocentes non plus. Les coups de bélier que le ministre de la Santé assène au corps médical feront (peut-être) réaliser à la population que la meilleure façon de réduire les coûts de la maladie est de la prévenir, autant que faire se peut.
Ensuite, il y a le réseau. L’accueil des patients et leur orientation au bon endroit relèvent du réseau de la santé, pas des médecins. Sans un plateau technique fonctionnel, l’art de la médecine se résume bien des fois à des vœux pieux. Heureusement que nous générons souvent un fort effet placebo, par notre écoute et notre support, sinon la situation serait pire. Voltaire disait que l’art de la médecine consiste à divertir le malade pendant que la nature le guérit. En sommes-nous réduits à cela?
Enfin, il y a les intervenants en santé. Chacun veut son petit morceau du patient, mais personne ne veut en assumer la responsabilité globale. Plus il y a de monde, plus on dilue la responsabilité professionnelle.
Et au travers de tout ça, il y a nous. On demande aux médecins d’être partout, tout le temps. On nous veut humain, mais fonctionnant comme des machines. L’équilibre vie personnelle/vie professionnelle est revendiquée par tous les fonctionnaires. Y a-t-on droit nous aussi?
Responsabilité collective, dites-vous? Commençons par définir la collectivité dont il est question.
Joël Girardin, M.D.
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Je suis omnipraticienne et d‘accord avec votre vision de la situation. Les médecins de famille ne devraient pas être la porte d’entrée unique pour tous les problèmes de santé des patients.
En premier lieu, pour les problèmes musculosquelettiques. Il serait vraiment intéressant que les patients puissent consulter des physiothérapeutes (en groupe ou individuellement) pour faire une première intervention informative […] avant de voir un médecin. Et aussi, pour être accessible si le patient consulte en premier le médecin. On économiserait beaucoup de temps.
Aussi, on pourrait développer les intelligences artificielles dans le domaine du dépistage des personnes sans grand problème de santé […] et envoyer aux médecins les patients avec des drapeaux rouges en consultation GAP.
Les pharmaciens aussi peuvent grandement soutenir le réseau en ayant maintenant le droit de suivre certaines maladies. Le GAP est un pas dans la bonne direction et on devrait leur donner plus de ressources (TS, infirmières, psychologues) pour combler les besoins de la population.
La paperasse gouvernementale pour les impôts devrait être simplifiée au minimum. Surtout celle du Canada. Les formulaires d’assurance devraient être uniformisés comme promis.
Je trouve personnellement qu‘on peut difficilement juger de la performance d‘un médecin par le nombre de consultations faites. Personnellement, je travaille en CLSC et tente de régler tous les problèmes du patient en une consultation pour lui éviter de reconsulter. Et je rappelle les patients pour faire le suivi des interventions si possible.
Encore une fois, pour éviter des consultations. Je suis aussi en CHSLD et je suis de garde sur appel 6 mois par année. Est-ce que ça compte? Sans parler des tâches administratives (chef de service), sont-elles considérées? Nos tâches médicales sont complexes et ne sont pas comparables entre elles (SAD vs urgences)
C‘est mon avis que nous devrions travailler avec et pas contre le gouvernement pour assurer la pérennité de notre système et donner la motivation aux médecins en fin de pratique de donner encore quelques années de plus. Cela ferait une extrême différence. On se démène de notre mieux pour que ça tienne, on ne doit pas nous menacer comme la CAQ le fait présentement.
C‘était quelques-unes de mes idées pour améliorer le système. Merci de nous supporter.
Caroline Champagne, M.D.
Écrivez-nous vos commentaires sur le PL 106!
Prenez note que certains messages sont écourtés pour laisser la place à l'expression de plusieurs points de vue.
82 messages ont été envoyés, tous opposés au projet de loi.
Dans les années 80, je débutais ma carrière de médecin de famille à Laval. Un de mes patients m’avait confié que son frère, déménagé en Abitibi était incapable d’avoir un médecin de famille. Scandale à l’époque, le ministre de la Santé s’était engagé à éliminer les inégalités d’accès à la première ligne. On peut maintenant conclure que lui et ses successeurs, tous partis confondu, ont tenu parole … il n’y a plus d’inégalités, on a nivelé vers le bas à la grandeur.
Aujourd’hui, Laval et l’Outaouais sont épargnés d’un surplus de coupures budgétaires, car ce sont les deux régions les plus mal en point. Laval n’a qu’un centre hospitalier pour 458 000 habitants, on parle régulièrement des troubles à Gatineau. On va donc encore niveler par le bas. Et c’est entièrement la faute des maudits médecins de famille…. J’appelle, comme le CMQ, à un changement de ton de la classe politique, mais c’est impossible pour François Legault, il est trop enlisé dans ce discours méprisant.
Et j’espère que nous sortirons de cette spirale de médiocrité qui deviens malheureusement la norme.
Michel Breton, M.D.
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Je suis en tout point d'accord avec les recommandations du Collège des médecins. De plus j'aimerais ajouter qu'il y aura une retraite anticipée de plusieurs médecins de plus de 60 ans. Nous savons que 22 % des médecins au Québec ont plus de 60 ans et que ceux-ci suivent 30 % des Québécois. Ceci entraînera une perte de prise en charge très importante et irréparable qui prendront plusieurs années à se corriger. Moi j’ai 63 ans, je prévoyais travailler encore 5 ans mais ce projet de loi fera en sorte que je prendrai ma retraite dans la prochaine année. J'ai même commencé à préparer à cette retraite
René Lazure, M.D.
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L’histoire se répète. Depuis 23 ans qu’il attend cela! En 2002, le premier ministre était à la Santé et aux Services Sociaux. Il avait dû suspendre l’application de sa « loi matraque » (114) et de ses plans visant à imposer ce qui s’appelait la conscription des médecins. Finie cette mesure vilipendée permettant à des fonctionnaires d’ordonner par huissiers à des médecins de travailler dans un service d’urgence. En 2025, avec le projet de loi 106, il s’est repris : « ça va brasser », a-t-il dit.
Pourtant, les objectifs du gouvernement et ceux des médecins en matière d’accès aux soins seraient les mêmes. C’est dire que la mésentente porte sur les moyens ou sur des données qui ne sont pas sur la table. Concernant les médecins de famille, tenant compte de la diversité de leurs activités médicales (pratique en cabinet, en urgence, en CHSLD, etc.) et des besoins de la population, il ne fait aucun doute qu’il y a pénurie. Reste à s’entendre sur le nombre. Quant aux modes de leur rémunération, ils ont chacun leurs vertus et déficiences, ce qui suggère un savant mélange à réviser constamment dans le cadre d’une entente, la loi des parties étant souvent plus forte à long terme qu’une loi spéciale ou ce qui en tient lieu.
Relativement aux médecins spécialistes, les plateaux techniques fonctionnels requis par leurs pratiques sont nettement insuffisants. On ne peut leur en imputer la responsabilité. Au même moment, alors que l’argent manque dans les coffres de l’État, des dépenses demeurent douteuses.
La population a-t-elle quelque chose à gagner d’une confrontation? Pourquoi les négociations dans le secteur public doivent-elles toujours tourner au drame? N’est-ce qu’une question d’approche des groupes et des problèmes à régler?
André Garon, M.D.[JP1]
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Je ne suis pas sûr d'où on peut trouver exactement l'information mais de ce que j'ai compris le modèle par performance britannique n'était pas une amélioration pour la qualité des soins, en plus que ce soit carrément un interdit à mon code de déontologie vu que ça va directement contre l'indépendance de ma démarche. Ça va probablement nous rappeler l'époque des examens complets majeurs (que je n'ai pas connu) complètement inutiles.
Ceci étant dit, je suis content de votre position assez ferme d'aujourd'hui, car le PL106 a le potentiel de déstabiliser complètement le réseau de la santé par des démissions / réorientations / déménagements massifs. Je ne cacherai pas que je calcule autour de 25-50% de perte de salaire nonobstant toute pénalité si les montants sont adoptés tel quels. J'ai 488 patients, à 54,7% de vulnérabilité et je suis de garde 1 semaine sur 4. Je ne peux pas augmenter sécuritairement ma charge et on n'a même pas 500 patients sur le guichet actuellement.
Ma responsabilité est envers la qualité de ma pratique et j'apprécie que vous sembliez partager mes priorités. En attendant je reste au Québec mais je dois garder toutes mes portes ouvertes. Le dénigrement tous azimuts finit par épuiser.
Laurent Lévesque, M.D.
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L’efficacité de l’activité d’un médecin ne se résume pas au nombre de malade consultés par jour ni à l’octroi d’un médecin à chacun. Nous ne sommes pas une usine. De plus, la santé n’a pas de prix, mais elle a un coût.
Il faut revoir les paramètres d’évaluations de l’efficience
Amokrane Boukhalfa, M.D.
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au PL106.***
Si ce projet de loi devient loi, les médecins de plus de 60 ans quitteront la profession, les plus jeunes et plus doués quitteront le Québec et les GMFs fermeront suite à la chute de 25% des revenus associée au gel des tarifs depuis 8 ans et l’augmentation des frais de bureau (inflation). Un beau cocktail à venir, en fait, cette réforme est une catastrophe annoncée!
François Peloquin, M.D.
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Je suis ex-superviseur dans le réseau de la santé au niveau de la profession de travailleur social dans le réseau CISSS. Je suis sidéré par la manière dont le gouvernement traite les médecins du Québec, mais aussi par la manière dont il traite ses propres employés dans les réseaux CISSS et CIUSSS.
Le gouvernement traite ses médecins comme s'ils étaient des paresseux, des moins que rien et des incompétents, comme je l'ai vécu dans le réseau CISSS. […] J'ai compris pourquoi on manque tant d'employés dans le réseau de la santé. Aucun respect pour les employés et le respect commence par savoir dire MERCI.
Les médecins qui choisissent de travailler à temps partiel ont bien des raisons de le faire et je les comprends; qu'ils soient hommes ou femmes. Après tout, la dépression frappe aussi les médecins. Le ministre veut se servir des médecins pour atteindre ses objectifs politiques point. Il n'est aucunement préoccupé par la santé et le bien-être de sa population. Il donne facilement de l'argent aux compagnies, qui finissent par déclarer faillite, mais quand il s'agit d'investir dans les infrastructures de la santé, il n'a pas d'argent et retarde les projets, au détriment de sa population et de son personnel. Les administrateurs du réseau sont obsédés par la performance du réseau et sont prêts à tout pour y arriver.[…] Les employeurs ne connaissent plus leurs propres employés et utilisent constamment les menaces verbales et écrites pour éviter qu'on parle trop. […]
Mario Blais
Note : L’auteur de ce message n’est pas médecin. [JP2]
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[…] Malgré ses déclarations publiques, le ministre Dubé ment ...il est indiqué en toutes lettres que des Québécois perdront leur médecin de famille.[…] Opposez-vous publiquement pour empêcher le gouvernement de passer cette loi sous bâillon. Dans l'intérêt des Québécois ce projet de loi doit être étudié sérieusement avant une éventuelle adoption.
Alain Vaugeois, M.D
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Je m’appelle Hugues Widmer, je pratique l’urologie depuis plus de 20 ans. Comme vous, du « Dr bashing » j’en ai entendu et subi. Actuellement c’est rendu insoutenable et véritablement démoralisant. Je suis témoin de beaucoup de remises en question et de réorientation de choix de carrière. Cette désinformation insidieuse vient miner les rapports avec les autres intervenants de la santé et les relations patients/médecins. Il est le temps de remettre les pendules à l’heure. Il faut sentir un support important et indéfectible du Collège des médecins. Il en va du présent de la profession et surtout de son avenir. Je crains que la profession ne sera plus attractive et qu’elle ne sera plus en mesure de recruter les meilleurs candidats qui se tourneront vers des professions qui n’ont pas la fâcheuse tendance d’être boucs émissaires pour tous les maux du système de santé et où on ne se pas dire sans cesse qu’on est trop rémunéré. A un moment, il faut que ça cesse.
Hugues Widmer, M.D.
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Je ne suis pas contre le monitoring de la performance des professionnels de la santé avec des cibles à atteindre. Par contre il faudrait non seulement leur fournir tous les outils nécessaires (humains et matériel), mais également exiger le même niveau de performance de tous les employés public […]. Et exiger une responsabilité du public, des gens qui consultent dans le réseau : se présenter à leur rendez-vous, appeler pour annuler ou remettre un rendez-vous/une chirurgie. Avec des pénalités financières ou autres sinon.
Arrêter de donner 3 chances avant de retourner la requête au référent si la personne ne se présente pas: juste une chance (à moins d’un préavis). Et pourquoi pas considérer un ticket modérateur pour toute consultation/rendez-vous qui pourra être remboursé par la suite?
Membre anonyme, M.D.
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J’applaudis votre position concernant le PL 106 et je suis d’accord avec vos suggestions. Les soins de première ligne ont beaucoup évolué dans les dernières décennies, et il est clair, devant la complexité des dossiers, que l’approche multidisciplinaire est maintenant essentielle pour offrir les meilleurs soins aux patients.
J’attends avec intérêt les résultats de vos interventions.
Desiree Zaharescu, M.D.
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Le gouvernement de la CAQ avance que le projet de loi 106, qui vise à améliorer l’efficacité du réseau de la santé, facilitera l’accès aux soins pour les patients. Pourtant, malgré le couvert d'intentions louables, cette réforme ne s’attaque pas aux causes profondes de la crise actuelle, et risque même d’aggraver certaines problématiques systémiques.
Premièrement, le projet de loi mise fortement sur la centralisation et l’optimisation administrative, sans réellement investir dans les ressources humaines. Or, l’enjeu principal dans l’accès aux soins est le manque criant de personnel de première ligne, notamment les médecins de famille, les infirmières et les travailleurs sociaux. Sans un plan concret pour attirer, former et surtout retenir ces professionnels, aucune réforme structurelle ne pourra améliorer l’accès réel aux services de santé.
Deuxièmement, la loi accorde davantage de pouvoir à la hiérarchie ministérielle et aux gestionnaires, dans le but d’accélérer les processus décisionnels. Cette approche technocratique risque de marginaliser les acteurs de terrain, ceux-là mêmes qui connaissent les besoins réels des patients. En excluant les professionnels de la santé des décisions qui les concernent, on nuit à l’agilité et à l’efficacité du réseau, au lieu de les renforcer.
Troisièmement, le projet de loi repose sur une logique de performance et de résultats mesurables, souvent dictés par des indicateurs quantitatifs. Or, la réalité clinique ne se résume pas à des chiffres. Le temps passé avec un patient, la prévention, l’écoute et la qualité de la relation thérapeutique sont des dimensions essentielles mais difficilement quantifiables. Ce virage managérial risque d’entraîner une pression accrue sur les intervenants, au détriment de la qualité des soins.
Enfin, le projet ne tient pas compte des réalités régionales et socioéconomiques qui influencent l’accessibilité. Une réforme uniforme, pensée depuis Québec, ne répondra pas aux défis spécifiques des régions éloignées ou des milieux défavorisés, où les besoins sont criants et les ressources limitées.
En somme, le projet de loi 106 n’apporte pas de solutions concrètes au problème fondamental de l’accès aux soins : il le redéfinit en termes de productivité plutôt que de service humain. Une véritable réforme devrait mettre l’accent sur l’écoute des professionnels, la décentralisation intelligente, et surtout, l’investissement massif dans les ressources humaines. Tant que ces éléments ne sont pas au cœur des priorités, les patients québécois continueront de faire face à des délais inacceptables et à un système qui les dessert.
Sabrina Dery, M.D.
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Je pense que la population doit savoir l’impact que la loi 106 aura sur eux. Une limite de temps pour une visite médicale tel un problème par visite, 10 minutes dans le bureau du médecin.
On a encore la possibilité de choisir. La politique ou une médecine basée sur la compassion, les bonnes pratiques.
Le message doit être clair.
Céline Laferrière, M.D.
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Dans notre GMF, nous travaillons en collégialité et, devant les besoins criants de prise en charge des orphelins, de l'hospitalisation et de l'obstétrique, nous déléguons des tâches de base […] Et ce, sachant que nous ne recevrons pas d'apport additionnel financier pour le secrétariat et le loyer.
Au lieu de voir 4 ivrs ,cystite et otite (où je supervise mes jeunes collègues sans rétribution pour moi à l'acte), et je me consacre à voir des malades moins souvent, mais sans rien oublier, donc des rencontres plus longues et ardues, avec la même rétribution à l'acte. Donc diminution de l’entrée d'argent via nos actes.
Attendez-vous aussi de voir une belle diminution de nos salaires bruts avec l'arrêt de paiement de forfaits de 48-72 hrs et de rv d'orphelin via le GAP qui ont été cessées abruptement en juin 2024 par le ministère...
Les médecins plus vieux ont noté une diminution de revenu de 40 000 $ suite à cette décision. Alors si on compare nos salaires de 2023... ce n'est plus exact... Les dépenses de fonctionnement de ma clinique ont franchement augmenté, surtout pour y faire travailler autant de travailleurs publics que de médecins (salaires de nos employés cléricaux et outils informatiques surtout qui grimpent sans que les montants de GMF annuels soient indexés). Je suis choquée que l'on me reproche notre efficience, alors que de grosses cliniques privées ont dû fermer l'an passé pour les raisons que j'expose.
S'agit-il de mauvaise foi ou d'incompétence des pseudos experts ou des journalistes qui rapportent que je travaille moins?
Nathalie Beaumont, M.D.
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C'est un projet de loi qui contrevient tout à fait à ma façon d'exercer la médecine voire même qui m'amène à remettre en question mon choix de devenir médecin
Je suis un médecin spécialiste psychiatre, qui a toujours privilégié le système public pour exercer au mieux mon métier au sein d'une équipe interdisciplinaire mais au fur et à mesure j'ai vu celle-ci se rétrécir au point où je me retrouve comme psychiatre à faire en même temps le travail de la TS et quand il s'agit d'expertise en ergothérapie ou d'un suivi psychologique malheureusement je suggère aux patients de s'organiser en privé quand ils en ont les moyens
C’est vraiment attristant de voir notre réseau public se dégrader au point de se questionner sur le bien-fondé de notre choix originel et sur notre orientation
Samia Attia, M.D.
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Lettre ouverte – Réflexion sur le projet de loi 106 et l’avenir de la médecine familiale
Le meilleur moyen de pression pour nous, médecins de famille, serait d’appliquer rigoureusement la loi 106, dans toute sa froideur bureaucratique. Pour illustrer ses conséquences concrètes, permettez-moi de vous décrire ce que cela signifierait dans ma pratique et celle de mes collègues:
- Abandon de tous les patients qui ne relèvent pas directement de mon secteur, de ma région.
- Cessation de l’enseignement médical.
- Cessation de ma participation à la Maison Bleue. (Clinique de périnatalité sociale)
- Abandon des cliniques spécialisées, incluant les poses de stérilet, Nexplanon, mini-chirurgies, infiltrations écho-guidées, cliniques ITSS
- Cessation des suivis de grossesse.
- Limitation stricte à un problème par consultation, avec une durée maximale de 10 minutes par patient.
- Réévaluation de notre participation aux cliniques d’urgences mineures communément appelées Les Sans rendez-vous, qui pourrait nuire à notre capacité d’inscription sous capitation.
- Sélection stratégique de nos partenaires médicaux : éviter les femmes en âge de procréer à risque de congé de maternité, car cela pourrait réduire notre rendement et menacer 25 % de nos revenus.
- Exclusion délicate mais ferme des collègues malades ou vulnérables, de peur qu’ils compromettent la performance de notre GMF.
- Remplacement immédiat des médecins proches de la retraite pour éviter qu’ils réduisent leur prise en charge et affectent encore une fois notre rémunération.
- Refus de prise en charge des cas de santé mentale — comment peut-on traiter dignement en 10 minutes?
Oui, avec cette logique, davantage de patients verront peut-être un médecin de famille. Mais ce sera pour dix minutes chronométrées, sans garantie de suivi, sans lien de confiance. Est-ce vraiment la médecine que nous voulons offrir ?
Je pratique depuis 20 ans. Et oui, j’ai vu notre système de santé se détériorer, année après année. Est-ce uniquement la faute des médecins de famille? De leur soi-disant paresse? Mes enfants, aujourd’hui adolescents, diraient probablement le contraire. Ils se sont assis devant moi, à 8 et 11 ans, pour me demander pourquoi je n’étais jamais là. Toujours de garde. Toujours à l’hôpital. Toujours à la clinique ou derrière mon ordinateur à faire de la paperasse. Et que dire de mon conjoint, et de tous ceux et celles qui partagent la vie d’un médecin? Ceux qui portent la logistique familiale. Ceux qui font les soupers, s’occupent de la maison, et nous attendent pendant que nous tentons de finir notre journée.
Car oui, voir un patient ne s’arrête pas à la consultation. Il faut analyser ses résultats, réfléchir à ses symptômes, au diagnostic le plus probable, consulter parfois nos collègues, prévenir les passages inutiles à l’urgence, plaider auprès des spécialistes pour obtenir une évaluation en clinique externe, avoir des discussions téléphoniques avec eux.
Ce travail prend du temps. Il est aussi émotionnellement exigeant. Il y a des journées où la fatigue de compassion nous gagne. J’aime profondément mon métier, mais parfois je suis épuisée. C’est pourquoi je prends des vacances, pour mieux revenir, pour retrouver mon empathie.
Alors merci de m’avoir lue jusqu’au bout. Merci de ne pas appuyer le projet de loi 106. Merci de votre soutien.
Je le répète : oui, il faut des solutions, le statuquo n’est pas acceptable. Mais ce projet de loi ne fait pas parti de la solution.
Annie Piché, M.D.
[JP1]L’auteur mentionne qu’il a transmis cette lettre au journal Le Devoir. Elle n'a pas été publiée.
[JP2]Note : L’auteur de ce message n’est pas médecin.
Jacques, est-ce qu’on publie tout de même dans Forum? Il nous a été transmis par le formulaire Nous joindre.
Dans la négative, je peux publier ce message dans la version grand public.
Au secours! Je suis complètement découragée de la tournure que prennent les négociations avec le PL 106. Je pense que c'est vraiment le début de la fin pour notre système de santé public. Le sabotage par les gouvernements successifs des 20 dernières années nous amène à un point de non-retour et le gouvernement cherche désespérément des bouc-émissaires; et ce sera nous. J'aimerais vraiment pouvoir espérer, il faut absolument faire connaître à la population les risques de perdre un système de soins accessibles; il est certes imparfait, mais sans ce système de soins gratuits ce sera un retour en arrière dramatique.
Florence St-Pierre, M.D.
Aujourd’hui une salle d’opération annulée par manque d’infirmières au CISSS de Laval à l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé. Voilà une des vraies raisons pour les retards chirurgicaux.
Jean-Sébastien Roy, M.D.
Je suis médecin de famille au GMF-U de Mont-Laurier. Je suis très inquiète du projet de loi 106. J’enseigne aux résidents à soigner des patients et non à traiter des maladies. Soigner un patient prend du temps. Mes rendez-vous sont aux 30 minutes, ceux des résidents sont de 30 à 60 minutes selon le niveau de leur formation.
Je n’ai ni l’intention de faire une médecine pour traiter des maladies en 10 minutes ni l’intention d’enseigner une telle médecine. Je suis très inquiète pour la qualité des soins aux patients avec les indicateurs de performance du gouvernement.
En région, nous sommes en découverture dans plusieurs domaines de soins (travailleurs sociaux, inhalothérapeutes, psychologues, physiothérapeutes, etc.) et nous avons un accès très restreint à des spécialistes. Le projet de loi 106 n'aidera pas la population à avoir un meilleur accès aux soins et à ces professionnels.
J’espère que le Collège des médecins du Québec sera à la hauteur de la mission de protection du public qu’il défend.
Mylène St-Martin, M.D.
Concernant le projet de loi 106, je suis profondément inquiète. Je pratique en région éloignée où le recrutement et la rétention des médecins est déjà très difficile.
Plusieurs collègues envisagent fortement d’aller travailler à l’extérieur du Québec ou de partir précocement à la retraite. Dans une région déjà en sous-effectif de médecins, ça pourrait être catastrophique pour les soins de la population.
Malgré mon attachement profond à la région, j’envisage fortement, à contrecœur, moi aussi, de pratiquer hors de la province ou même de changer de carrière. Une carrière qui fait partie de mon identité, et qui m’a pris plusieurs années de formation comme vous le savez. Ce n’est pas peu dire. Je dois me rendre à l’évidence que si le projet de loi est adopté, cela ira à l’encontre de mes valeurs et m’obligera à pratiquer une médecine déshumanisée.
Au début de notre pratique, nous avons prêté serment de ne pas nuire à nos patients (primum non nocere), comme le stipule aussi notre Code déontologique. Or, ce projet de loi nous pousse à faire exactement le contraire, ce qui me dérange profondément.
Le principe d’augmenter la productivité dans les conditions actuelles de manque de professionnels multiples nous obligera à restreindre au minimum le temps alloué aux rendez-vous. Donc, 10 minutes pour le patient suicidaire, 10 minutes pour l’installation du stérilet, 10 minutes pour le trouble de comportement suivi par la DPJ, 10 minutes pour la patiente avec multiples comorbidités, 10 minutes pour une population de plus en plus vieillissante. Vous comprendrez que cela est tout simplement impossible et inhumain.
Je refuse tout simplement de travailler dans un système qui promeut la productivité au détriment de l’humanité et de la qualité des soins.
La population est de plus en plus vieillissante, les ressources se font de plus en plus rares, comment voulez-vous qu’on augmente la performance avec de telles conditions?
Je crains aussi qu’un tel projet démotive les étudiants à devenir médecins de famille, ce qui n’aidera pas à notre cause.
Mon désir de soigner plus de patients est bien présent. Chaque jour, des patients nous supplient de les prendre en charge, ce que je ne trouve pas plus normal. Tout le monde doit avoir accès à un médecin de famille. Je vois leur détresse face au manque d’accès. Émotionnellement et logistiquement, il serait beaucoup plus facile pour moi d’accepter de les suivre. Par contre, je suis déchirée de devoir constamment refuser afin de préserver la qualité et la sécurité des soins des patients que je suis déjà.
Pour ma santé mentale, pour la santé physique et la sécurité de mes patients et pour respecter le serment que j’ai fait en début de pratique, je suis dans l’obligation de refuser d’exercer la médecine dans des conditions telles que décrites dans le projet de loi 106.
Janie Grignon, M.D.
Depuis quand est-ce que les travailleurs autonomes, n’ayant ni droit à un fond de pension ni à un régime d’assurance salaire assuré, devraient obéir a un quota d’hres imposés….?
Ceci est insultant et complètement dérisoire!
Nous ne méritons pas cette maltraitance, et comme plusieurs de mes collègues, si ce projet de loi est adopté, ce sera dans une autre province que j’irais offrir mes services…
Anna Bedkowska, M.D.
Quels sont les critères de performance? Imposés par des fonctionnaires qui ne connaissent rien de l’art de la médecine. Pratiquer la médecine c’est une vocation …c’est le cœur, le corps et l’esprit qui performent et ces 24 heures par jour. Seul le bien et le réconfort que l’on apporte à un patient est notre critère de performance. Que la pratique de la médecine reste une profession libérale!
Jean Rodrigue, M.D.
Loi 106 ... le CMQ doit impérativement exiger que cette loi ne soit pas adoptée sous bâillon et que ce projet de loi soit analysé et discuté en commission parlementaire. Vous devez impérativement faire un point de presse à cet effet ... Si la CAQ passe sa loi sous bâillon c’est l’avenir de la profession et surtout la qualité des soins qui sera mise en péril... et il sera tout simplement trop tard pour reculer
Je sais que le CMQ ne se prononce généralement pas sur les conditions de rémunération. Mais tel que proposé, la rémunération ne tient plus compte des frais de bureau et correspond à une diminution de 50% +/- de la rémunération pour un omnipraticien... L’objectif étant de nous affamer et de nous obliger à en faire encore plus ... à court terme il y aura exode des médecins (j'ai 59 ans et je quitterai la profession abandonnant mes 1 500 patients) et mettrai fin à tout espoir de voir de jeunes médecins choisir ma profession... la valorisation de la médecine familiale passe par le respect , des excuses , une reconnaissance publique de la valeur de notre travail , des conditions de pratique acceptables et une rémunération compétitive.
Alain Vaugeois, M.D.
Je suis en Outaouais. Voici notre quotidien récent, on voit bien que tout est clairement la faute des MD :
- Si la commis donne un RV à un patient mort et qu'il ne vient pas à son RV, c'est clairement de MA faute si j'ai un no-show
- Si la commis oublie d'appeler tous les patients d'une journée de clinique, mais qu'ils apparaissent tous à l'horaire, et donc tous sont des no-show : la faute du M.D.
- Si je veux rentrer tôt pour faire ma tournée mais que les infirmières n'ont pas encore fait lesdits labos, ou que les techs au labo n'ont pas encore analysé les échantillons, et que je me base là-dessus pour prendre des décisions de congés et donc faire rouler mon hôpital et diminuer mes DMS : encore là de MA faute
- Si je veux continuer ma clinique externe plus tard en fin d'après-midi /soirée , les patients se heurtent à une porte fermée parce que les commis sont parties : encore ma faute
- Si 2 salles d'op sont ouvertes à Gatineau plutôt que 7, faute d'infirmières pour les ouvrir depuis la covid (5 ans déjà!), c'est la faute des chirurgiens ?
- Si j'attends mes scans de priorité pendant environ 8 mois parce mon département de radiologie roule à 30% d'effectifs en technologues depuis la covid, c'est la faute des radiologistes?
- Si j'attends un MIBI non-urgent pendant 18 mois, faute de personnel en méd nucléaire ou parce que les machines ont souvent besoin d'être réparées et donc les tests sont annulés, c'est de la faute des nucléistes ?
- Si je veux un examen fait dans l'autre hôpital urbain un lundi matin, que j'ai déjà tout organisé le vendredi pour le lundi, mais que l'AIC a oublié d'appeler le transport ou de prévoir une infirmière : MA faute. Et le patient manque son RV, et une place est perdue, et on doit refaire les démarches 2X : ma faute tout ca.
Donc, le gouvernement fait de la politique pure et va spinner dans l'espace publique l'équation suivante :
11 milliards de déficit + ça va mal dans le système + les MD sont bien payés = il faut encore couper les médecins pour que ça aille bien
Peu importe la raison (ici, c'est la performance et la non-inscription), peu importe, ce sera la faute des MD. Il faut justifier une coupure salariale, alors que les autres employés de l'état ont négocié à la hausse leurs salaires. Ce n'est pas une question d'équité et de répartition de ressources, c'est une question de politique et de budget. Ne vous laissez pas berner ni abattre, continuez à faire le travail que vous faites, vos patients savent que vous travaillez bien et beaucoup, et que vous les avez a coeur.
Marie-Hélène Verreault, M.D.
Le projet de loi 106 représente l'apogée du manque de respect manifestée par le ministère de la Santé vis-à-vis les médecins de famille.
J'ai travaillé 70 heures cette semaine, dont 4 nuits à l'urgence, suivi de patients au bureau, cliniques d'infiltrations, réunion de comité de traumatologie et formation continue.
Malgré cela on crie haut et fort sur la place publique que les médecins de famille ne travaillent pas assez.
On veut relier 25% de notre rémunération à des objectifs sur lesquels nous n'avons aucun contrôle individuellement, ce qui provoque un profond découragement.
La solution d'inscrire tous les québécois selon leur code postal est de la poudre aux yeux : nous n'aurons pas plus de temps pour voir les patients, donc aucune amélioration de l'accès et même une détérioration pour ceux qui sont actuellement inscris.
En gros, nous ressentons un profond mépris pour notre profession.
Pour ces raisons, je dois envisage malheureusement aller pratiquer en Ontario.
Ce n'est pas mon souhait mais je ne pourrai tolérer plus longtemps cette attitude méprisante du gouvernement à mon égard.
Emmanuel Belley, M.D.
Ce projet de loi m'interpelle et m'inquiète pour deux raisons : il emploie des méthodes habituellement utilisées par les régimes autoritaires, autocratiques, dictatoriaux :
- la technique du bouc émissaire (ici, le médecin)
- la punition collective (le droit international stipule que nul ne peut être puni pour une faute qu'il n'a pas commise)
Lorsque j'ai émigré au Québec, c'est pour intégrer une grande démocratie qu'est le Canada. Ce n'est pas pour vivre cela. Je ne peux pas croire que ces mesures puissent passer outre le droit québécois, canadien, international.
Xavier Coll, M.D.
Je vous écris aujourd’hui pour vous faire part de mes profondes inquiétudes concernant le projet de loi 106.
Je suis médecin de famille à Mont-Laurier, dans les Laurentides, depuis 2019. Je suis actuellement responsable d’environ 750 patients au GMF Albiny-Paquette, dont 55 % sont considérés vulnérables et près du tiers ont plus de 70 ans. En plus de mes consultations en clinique, je travaille à l’unité d’hospitalisation une semaine par mois. Jusqu’au 1er juin 2025, je fais également des visites à domicile auprès de patients très âgés et vulnérables, environ une journée par semaine. Cependant, je devrai mettre fin à ces suivis pour faire face à l’augmentation récente de ma charge de patients en clinique, en plus de répondre aux nouvelles exigences gouvernementales (GAP, P4-P5).
Le projet de loi 106 constitue, à mes yeux, une atteinte grave à notre profession et aux soins que nous offrons à la population québécoise. Il menace notre autonomie professionnelle, contrevient à notre code de déontologie, compromettra la qualité des soins, et risque de provoquer un exode massif de médecins vers d’autres provinces.
Dans ma pratique quotidienne, je constate que les patients âgés, poly-morbides et avec un niveau faible de littératie en santé nécessitent au moins 30 minutes pour une évaluation adéquate. Même en réservant des plages plus courtes pour des cas mineurs ou des accès rapides, je me retrouve régulièrement en retard — non par mauvaise gestion, mais parce que je ne contrôle ni la complexité ni les besoins des patients. Mes patients n’ont pour la plupart aucune assurance privée. Je joue donc souvent le rôle, à défaut de ressources accessibles, de physiothérapeute, psychologue et kinésiologue. Je suis également submergée par la paperasse, qui ne cesse de croître.
Ayant complété un baccalauréat et une maîtrise en kinésiologie avant mes études en médecine, la prévention est au cœur de ma pratique. Pourtant, je n’ai que très peu de temps pour m’y consacrer — et pour l’État, ce temps est considéré comme "improductif". Prenons un exemple simple : discuter de l’insomnie et enseigner des stratégies non pharmacologiques peut facilement prendre 30 minutes. Il serait bien plus rapide de prescrire un somnifère — puis un autre si le premier échoue. Mais je refuse d’opter pour cette voie facile et risquée. Je m'efforce au contraire de prévenir les effets de la polypharmacie et de promouvoir une meilleure qualité de vie. Ma pratique est plus lente, mais elle est sécuritaire et de qualité. Une loi qui lie notre rémunération à la productivité encourage une médecine expéditive, dangereuse, et favorable aux intérêts des compagnies pharmaceutiques. Avez-vous déjà tenté d’expliquer à un patient pourquoi l’Ozempic ne lui est pas indiqué, malgré les publicités omniprésentes lui suggérant d’en parler à son médecin? De parler à la place d’activité physique, de nutrition et de services publics... qui n’existent tout simplement pas?
Je n’ai pas l’intention de continuer à pratiquer une médecine au rabais dans un système dysfonctionnel, avec des équipes interdisciplinaires déficientes et un climat de travail dégradant. Je n’ai aucun attachement personnel à mon milieu de travail actuel et j’ai déjà entamé des démarches pour déménager en Ontario si cette loi est adoptée. Là-bas, les investissements de 1,8 milliard en soins de première ligne et une reconnaissance professionnelle bien différente rendent la pratique beaucoup plus attrayante.
Et je ne crois pas être seule dans cette réflexion.
J’espère sincèrement que, dans votre mission de protection du public, vous comprendrez qu’il est impératif de défendre la qualité des soins offerts par les médecins de famille. Cela passe notamment par la préservation de notre autonomie professionnelle, et par une représentation ferme auprès du gouvernement.
Avec respect et détermination,
Une médecin de famille épuisée de se faire dénigrer par des fonctionnaires qui manipulent l’opinion publique au détriment de notre profession et de nos patients
Catherine Gariépy, M.D.
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Quand la réforme érode la motivation : pour une vigilance éthique dans un contexte de transformation
Le réseau de la santé québécois est en mutation profonde. La transformation en cours, portée entre autres par le projet de loi 106, repose sur une intention déclarée d’améliorer l’accès aux soins et d’assurer une meilleure prise en charge des patients. Or, derrière ces objectifs partagés, une dynamique préoccupante s’installe : celle d’une démobilisation progressive des médecins, conséquence directe d’un climat qui mine les ressorts fondamentaux de l’engagement humain.
La théorie de l’autodétermination, bien établie en psychologie, identifie trois piliers essentiels à la motivation durable : le sentiment de compétence, le sentiment d’autonomie, et le sentiment d’appartenance. Ces fondements, pourtant essentiels à toute profession à haute responsabilité humaine, sont fragilisés par la posture actuelle du gouvernement.
Depuis des années, le discours public désigne les médecins comme les principaux responsables des failles systémiques du réseau. Ce traitement, souvent simplificateur, altère profondément le sentiment de compétence. Lorsqu’un professionnel est continuellement mis en cause sans égard à la complexité du système dans lequel il évolue, il ne peut que douter de sa capacité à contribuer de façon significative. À long terme, cette dynamique engendre désillusion, retrait et perte de sens, autant de facteurs connus de désengagement professionnel.
Le sentiment d’appartenance, pour sa part, se voit compromis par la structure même du projet de réforme. En segmentant les pratiques selon les modes de rémunération, les milieux cliniques ou les responsabilités administratives, la réforme crée des lignes de fracture au sein d’une profession qui a besoin d’unité pour répondre efficacement aux besoins de la population. Ce contexte pousse les médecins à se justifier, se comparer, et parfois se désolidariser, au lieu de travailler ensemble à améliorer les soins. Il détourne une immense énergie humaine de la mission première : soigner ensemble.
Enfin, le cadre actuel de transformation repose largement sur une logique descendante, où les décisions sont imposées sans dialogue réel. Le sentiment d’autonomie professionnelle, pourtant ancré dans le jugement clinique, l’expertise de terrain et l’éthique du soin, est affaibli. Le risque est tangible : des décisions uniformisées, mal adaptées aux réalités diverses du terrain, peuvent compromettre l’accessibilité, la continuité et la pertinence des soins.
Lorsque ces trois piliers – compétence, autonomie, affiliation – s’érodent, la motivation s’effondre. Et avec elle, la capacité du système à retenir ses forces vives. Ce n’est pas un hasard si l’on observe une augmentation des départs vers le privé, des difficultés de recrutement, et une fatigue chronique dans plusieurs milieux. Ce désengagement ne relève pas d’un caprice ou d’une résistance au changement : il s’agit d’un phénomène humain prévisible, observable et documenté.
Le CMQ a pour mandat fondamental la protection du public. Dans un contexte de réforme rapide, il lui revient aussi de maintenir une vigilance éthique quant aux conditions dans lesquelles les professionnels de la santé exercent leur jugement et accomplissent leur mission. La protection du public ne peut être dissociée de la reconnaissance et du soutien des conditions qui favorisent une médecine compétente, humaine et durable.
Il est encore temps de favoriser un dialogue constructif, fondé sur la reconnaissance mutuelle, la transparence et l’intelligence collective. Les transformations structurelles ne peuvent porter fruit sans une compréhension fine des leviers de motivation humaine. Miser sur ces leviers, c’est investir dans la qualité des soins, la sécurité des patients, et la résilience du réseau dans son ensemble.
Mylène St-Martin, M.D.
Bonjour, je vous envoie une copie de ma lettre adressée à mon député à l'Assemblée nationale. Je vous l'envoie aussi car je trouvais cela important que vous connaissiez ma réflexion sur le PL 106. Je crois qu'il est primordial que le Collège des médecins défende la qualité de l'acte avant la quantité de l'acte, principe fondamental que le projet de loi 106 attaque. Je crois aussi que le CMQ devrait se soucier plus de la santé mentale des médecins du Québec car les chiffres sont effrayants et il faut se rappeler que la santé des médecins est au cœur de la santé des patients.
Je suis médecin de famille depuis 26 ans. Je travaille à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont depuis 20 ans. Je fais maintenant des soins palliatifs à temps plein à HMR et je fais de l’enseignement aux externes et résidents en médecine pour l’Université de Montréal.
Je vous écris dans le contexte du Projet de loi 106.
Pour commencer, répondons tout de suite au ministre de la Santé qui dit que le tiers des médecins de famille travaillent à temps partiel.
Il y a 9 887 médecins de famille au Québec. 20% des médecins de famille travaillent en 2e ligne (hospitalisation, urgence, soins palliatifs, soins intensifs, obstétriques) exclusivement et 30% séparent leur travail entre la 1ère et la 2e ligne.
Il est à noter que ces proportions sont plus élevées au Québec par rapport au reste du Canada, et que le système de santé québécois repose largement sur l’implication des médecins de famille en 2e ligne
5 000 médecins de famille travaillent à former la relève médicale via les universités.
8 000 médecins de famille travaillent en 1ère ligne exclusivement (prise en charge).
Selon les chiffres de la FMOQ, 3 000 MD facturent moins que 175 h/an. Leurs raisons sont :
- Invalidité durant l’année
- Début de pratique en juillet donc n’ont facturé que la moitié de l’année
- Congé de maternité
- Médecins de 60 ans et plus qui veulent ralentir avant leur retraite
Il ne reste donc que 5% des médecins de famille qui facturent moins de 175 h/an pour lequel nous n’avons pas de raisons officielles. (5% de MD pour lequel le ministre veut faire un projet de loi pour aller attaquer le statut légal de travailleur autonome des médecins! Attaque qui risque d’aller jusqu’à la cour suprême).
Je vous soumets quelques-unes de ces raisons de ce 5% :
- Ces médecins travaillent 3 jours/semaine en prise en charge facturés à la RAMQ mais pour les autres jours travaillés, ils facturent à d’autres organismes comme la CNESST, l’universités, le Collège des médecins, Programme d’aide aux médecins, et donc ne rentrent pas dans les statistiques de la RAMQ…
- Ils reviennent de congé maladie et ne peuvent travailler à temps plein de par leur état de santé
- Ils ont un enfant ou parent malade et sont des aidants naturels
Donc, les chiffres du ministre qui disent que les médecins peuvent faire plus sont erronés. Les médecins ne sont pas paresseux.
En 2e lieu, je vous soumets d’autres chiffres importants à considérer :
- 53% des médecins au Canada souffrent d’épuisement professionnel.
- 14% des médecins au Canada ont eu des idées suicidaires dans la dernière année.
- Il y a une hausse de 7% de demande d’aide au Programme d’Aide aux Médecins du Québec (PAMQ) fait par des médecins en détresse.
Le stress associé au travail des médecins est énorme et cela est expliqué par la pression inhérente de leur travail dont dépend la vie des gens sous leurs soins.
Depuis 2014 (l’ère Barrette), les gouvernements n’ont cessé de cibler les médecins de famille comme boucs émissaires pour les échecs dans le système de santé, ce qui a terni l’image de la médecine familiale et surtout découragé beaucoup d’étudiants à choisir la médecine familiale comme spécialité. Donc à ce jour, il y a 600 postes de résidence en médecine familiale non-comblés dans les universités du Québec. 600 médecins de famille qu’on aurait eus de plus si le gouvernement avait valorisé la médecine familiale au lieu de la dénigrer!
Il manque actuellement 2 000 médecins de famille au Québec
Maintenant je me permets de délaisser « les chiffres », cette arme que le gouvernement utilise à outrance pour dicter nos critères de performance, afin de vous parler de la vraie performance qui compte réellement en médecine. Cette performance, elle ne se définie pas en termes de chiffres, mais plutôt en termes d’accomplissement humain. Devant chaque patient, le médecin se doit de prendre le temps de soigner ce dernier non seulement au niveau physique selon les dernières recommandations de la science, mais aussi tenir compte de son état psycho-social. Le médecin se doit de traiter son patient dans toute son entièreté avec humanité et dignité. Donc, ce qui est primordial pour un médecin, c’est la qualité de l’acte médical pour chaque patient, qu’on en traite 1 ou 100, chaque acte doit être de qualité car chaque vie compte et mérite le temps nécessaire pour que le soins octroyé soit impeccable.
Donc lorsque que le ministre de la santé met de la pression pour augmenter les quantités d’actes sans tenir compte des pénuries en médecine familiale, des pénuries dans les équipes interdisciplinaires (infirmières, physiothérapeutes, ergothérapeutes, travailleurs sociaux, psychologues, secrétaires, etc…), des lacunes dans les systèmes informatiques et du délabrement des infrastructures, il met en danger de façon significative la qualité de l’acte auprès de chaque patient car quand on est débordé, épuisé et sans soutien, on est plus à risque de commettre des erreurs. Et en médecine, on ne peut pas se permettre de commettre des erreurs.
Et donc la communauté médicale se doit à ce stade-ci de rappeler haut et fort que le système de santé court à sa perte lorsque le ministre de la Santé tient un discours qui valorise plus la performance chiffrée au dépend de la qualité de l’acte médical auprès des patients.
Pour finir, je vous laisse mon commentaire personnel sur le PL 106. Il s’arrêtera simplement au titre du projet de loi, plus précisément au mot « imputabilité ». Je pratique depuis 26 ans dans un système de santé sans aucune imputabilité gouvernementale. J’ai subi 9 différents ministres de la santé qui n’ont l’un après l’autre fait que mettre la faute sur le dernier gouvernement et fait des réformes sans vraiment de résultats. Ils ont laissé s’écrouler le système de santé sans jamais reconnaître leur responsabilité là-dedans. Ils n’ont trouvé que la stratégie de mettre la faute sur le dos des médecins, médecins qui ont tenu à bout de bras avec les infirmières, les préposés et les équipes interdisciplinaires ce système de santé qui s’effrite continuellement (HMR en est un bon exemple!). Les médecins de famille ont participé en grand nombre durant la pandémie en mettant leur propre santé (physique et mentale) en danger pour le bien de la population. Il n’y a pas si longtemps de cela, le premier ministre François Legault nous nommait les anges gardiens. Et aujourd’hui il ose nous faire la morale sur le mot « imputabilité ».
Avant de parler de performance et de coupure salariale des médecins en insinuant qu’ils ne travaillent pas assez, le gouvernement devrait commencer par évaluer sa propre performance et devenir imputable pour l’état actuel du système de santé.
Quelle est la solution?
- Imputabilité du gouvernement vis-à-vis de l’état lamentable actuel du système de santé
- Cesser de prendre des décisions gouvernementales sur des bases électorales
- Travailler sur le recrutement des professionnels de la santé pour renflouer les équipes interdisciplinaires
- Respect et valorisation de la médecine familiale afin de recruter la relève médicale et la rétention des médecins en place. […]
- Collaboration avec les fédérations des médecins pour organiser l’offre de service au lieu de déclarer la guerres vis-à-vis ces derniers durant même la période de négociations.
Le Thi Nguyen Gia, M.D.
La responsabilité populationelle devait à la base être la raison d'être de Santé Québec pour avoir quelqu’un d’imputable pour la performance du système de santé.
Je ne crois pas que les médecins ont assez de pouvoir pour en être imputables.
Géneviève Gauthier, M.D.
Je suis médecin de famille au GMF-U Maisonneuve-Rosemont. Je suis très inquiète du projet de loi 106. J’enseigne aux résidents à soigner des patients et non à traiter des maladies. Soigner un patient prend du temps. Mes rendez-vous sont aux 30 mn, ceux des résidents sont de 30 à 60 mn selon le niveau de leur formation.
Je n’ai ni l’intention de faire une médecine pour traiter des maladies en 10mn ni l’intention d’enseigner une telle médecine. Je suis très inquiète pour la qualité des soins aux patients avec les indicateurs de performance du gouvernement.
J’espère que le Collège des médecins du Québec sera à la hauteur de la mission de protection du public qu’il défend.
Sarah Giraldeau, M.D.
Je suis désemparé.
Quand je pense à Alexandre de 9 ans qui voulait devenir médecin, les yeux pétillants, je ne réussis qu’à voir un Alexandre les yeux fatigués dans le miroir. Plein d’optimisme et de volonté, quand j’ai appliqué en médecine, c’était pour aider mon prochain, pour soigner les humains qui m’entourent et pour guider chaque personne au travers des maladies et des bons moments de leur vie. Après 3 ans et demi de pratique, je constate que j’ai probablement atteint mon objectif, mais qu’au passage je m’éreinte constamment, que j’ai probablement esquivé de justesse plusieurs burn-out, ou trouble d’adaptation dans le jargon médical. J’aime ce terme de trouble d’adaptation, car il correspond parfaitement à notre quotidien en tant que clinicien. Toujours s’adapter au rythme des changements incessants, jongler avec l’imprévisible, maitriser un déluge administratif de tâches, juguler les hémorragies d’un système qui s’écroule, pallier au manque de personnel, maitriser les abréviations qui s’enchainent, adopter de nouvelles obligations, changer celles-ci en cours de route, ouf! Oui, je réussis à aider mon prochain, mais au final je passe une quantité phénoménale de temps à m’adapter au gré des tempêtes et à remplir toujours plus de tâches administratives. Tout cela est un travail invisible aux yeux de plusieurs, principalement du gouvernement. Mais je le fais, par sentiment du devoir.
C’est le même sentiment du devoir qui était tant félicité par le gouvernement durant la covid-19. Les anges gardiens d’un système sur respirateur artificiel. Mais à l’aube des élections, je constate que la politique et sa fidèle démagogie reviennent plus rapidement que le prochain vaccin contre la grippe. Ce n’est pas mon premier gouvernement québécois que je vois aller. On clame toujours la même chose. Les médecins de famille sont paresseux, et insérer n’importe quel pourcentage choquant de médecin qui travaille juste 2-3 jours par semaine. Ces chiffres sont fallacieux. J’en vois très peu des médecins qui travaillent moins de 40h par semaine. Et ceux qui le font, ils ont de bonnes raisons (pré-retraite, retour de congé maladie ou maternité, implications dans toute autre tâche administrative, pédagogique et j’en passe). La seule constante qui unit tous les médecins que j’ai côtoyés dans ma pratique est leur dévotion pour leur patient et leur profession.[…] LE PL106 est un projet dangereux. C’est un projet, issu d’un gouvernement qui fait fi de ses comités d’experts. Étonnant, non, c’est la stratégie caquiste usuelle, regardez le 3e lien pour lequel aucun expert ne s’est prononcé en faveur. Alors pourquoi la CAQ écouterait son comité d’experts qui l’avise de ne pas adopter de critères de performance.
[…] De nous forcer à suivre ces critères de performance mènera nécessairement à une modification de ma pratique variée pour miser sur des rendez-vous à la chaine. Une estimation du temps que je devrais octroyer à mes patients après le PL106 mène à seulement 10 minutes ou moins par rendez-vous. Ces conditions de pratique sont incompatibles avec mes valeurs et avec les préceptes d’une pratique humaine qu’on m’a enseignés toute ma vie. Qui plus est, toutes mes tâches d’enseignement ne seraient pas prises en charge. Donc, lorsque je supervise 3-4 résidents dans une journée, pour le gouvernement, j’aurais pris une journée de vacances. Tant qu’à se faire dénigrer de la sorte, autant prendre une journée de congé pour enfin aller chez le dentiste ou le garagiste. Mais l’enseignement de la médecine, ça me passionne, tellement que j’en ai fait une maitrise. L’enseignement passionne également tous mes collègues, ce qui me fait peur, c’est d’entendre mes collègues qui comme moi, devrait arrêter d’enseigner à la future génération si le PL106 entrait en vigueur. Imaginer de nouvelles générations de médecins formés par ChatGPT et non pas des humains les formant à une pratique humaine.
Mais j’y crois encore en la médecine humaine. J’y crois en mes choix de prendre le temps, d’offrir toute mon attention et mon empathie. De laisser mes patients pleurer ou faire une attaque de panique dans mon bureau ou même de me parler de leurs projets les plus utopistes. J’ai envie de les accompagner dans tout cela. Mais la solution n’est pas dans les critères de performance. Le projet de loi ne reconnaît ni l’enseignement, ni la supervision, ni la contribution sociale, ni les soins complexes. Seulement le nombre de patients vus. Est-ce que soigner vite, c’est soigner mieux?
Le PL106 néglige plusieurs dimensions fondamentales :
- Il ignore les recommandations des experts et des cliniciens du terrain.
- Il centralise le pouvoir entre les mains du ministre, au détriment de l’autonomie professionnelle.
- Il risque de détruire la médecine académique, car l’enseignement n’est pas valorisé.
- Il fragilise les soins interdisciplinaires en forçant les médecins à délaisser des activités essentielles pour « rentabiliser » leur pratique.
- Il pousse vers un modèle à la pièce, au détriment de la médecine continue et de proximité.
En voici quelques idées constructives :
- Valoriser la diversité de pratique en médecine familiale
- Valoriser et optimiser l’offre de service des IPS dans leurs domaines
- Investir dans les professionnels en première ligne : ergothérapeutes, psychologues, physiothérapeute, travailleurs sociaux, infirmières en première ligne, orthophoniste, technicienne en éducation spécialisée et tant d’autres.
- Rénover les infrastructures
- Réduire la paperasse et les documents légaux et administratifs (ex : SAAQ, CNESST)
Ce ne sont pas des tableaux Excel qui vont sauver notre système de santé. Ce sont les soignants eux-mêmes, avec leur expertise, leur empathie, leur humanité.Je continuerai à me battre pour mes patients. Mais je suis désemparé. Désemparé devant un gouvernement qui semble croire qu’une société se gère comme une entreprise, où l’on mesure tout, sauf l’essentiel.
Alexandre Rolland-Dery, M.D.
Pour commencer : Rappelons-nous quelques-unes de nos responsabilités déontologiques :
7. Le médecin doit ignorer toute intervention qui ne respecte pas sa liberté professionnelle."
43. Le médecin doit s’abstenir d’exercer sa profession dans des circonstances ou états susceptibles de compromettre la qualité de son exercice ou de ses actes ou la dignité de la profession.
63.1. Le médecin ne doit adhérer à aucune entente ni accepter aucun bénéfice susceptible d’influencer son exercice professionnel tant au regard de la qualité des soins que de leur disponibilité et de la liberté de choix du patient.
Le projet de loi 106 est dangereux. Dangereux pour les patients, dangereux pour les médecins, dangereux pour notre système, notre système déjà brisé.
Tout d'abord, je crois qu'il va créer un exode des médecins. Les médecins sont fâchés, les médecins sont épuisés, les médecins n'en peuvent plus d'être la raison de tous les maux de notre système de santé. Si les 22% des médecins qui ont 60 ans ou plus quittent la pratique prématurément en raison de ce projet de loi, les conséquences vont être catastrophiques pour les patients.
Ensuite, le gouvernement veut désinscrire les patients qui sont inscrits et considérés « verts ». Je me permets une parenthèse pour dire que de qualifier nos patients selon une couleur comme à la SAQ est une pure lubie. Les codes de vulnérabilité actuellement en place avec la RAMQ ne représentent pas tout à fait la vraie vulnérabilité de nos patients. Certaines vulnérabilités n'appartiennent à aucun code et ces patients ne doivent pas être négligés. La relation médecin-patient que nous avons forgée au fil des années est précieuse. La confiance des patients en leur médecin de famille est très importante. Toutes nos études, nous avons appris à écouter, à comprendre, à individualiser nos approches. Le patient est unique, il mérite une approche unique. À force d'entendre M. Dubé parler des « bobos » des patients, je me demande à quoi il fait référence. Des éraflures? la dépression? La grossesse? M. Dubé et M. Legault veulent traiter les patients comme on produit des biens sur une chaîne de montage. C'est NON !
Limiter notre travail à une cible d'un nombre de rendez-vous démontre une totale incompréhension de notre quotidien. Lier notre rémunération au travail des autres est une insulte en soi. Ceci va diminuer la productivité de ceux qui sont productifs et ceux qui ne le sont pas n'y changeront rien. J'ai de grandes inquiétudes par rapport à la qualité des soins que les patients recevront dans des rendez-vous de six minutes. C'est le temps qui devra y être alloué à chaque patient si les exigences du gouvernement d'ajouter 2 millions de rendez-vous tiennent la route. Ne sommes-nous pas des travailleurs autonomes? N'est-il pas primordial de garder notre autonomie de pratique et de refuser de subir de l'ingérence dans la gestion de mes rendez-vous?
C'est un projet de loi dangereux qui démontre une incompréhension de la première ligne. Le budget octroyé à la première ligne est complètement insuffisant. La précarité financière des groupes de médecins de famille actuellement sera encore plus accentuée et la faillite de certains de ces GMF entraînera une perte d'accès.
Le collège doit protéger le public de cette loi qui nuira à notre profession, mais en premier lieu, nuira aux patients. Protégez le public, protégez-nous, protégez la profession. C'est assez!
Michèle Robichaud, M.D.
Je suis médecin de famille au Témiscouata depuis 18 ans. Dans les dernières années, nous avons perdu une vaste gamme de services dans notre hôpital: fermeture du laboratoire à 19h30, et même parfois à 16h, traumatologie redirigée vers Rivière-du-Loup, perte de services en radiologie, fermeture de lits, et fermeture intermittente du service d'obstétrique, plus de 50% des jours dans la dernière année. La majorité de ces fermetures sont dues à des manques de professionnels non-médecins (infirmiers, technologues).
Ceci rend notre travail beaucoup plus compliqué, et nous avons à gérer de l'administratif au lieu du médical. De plus, le manque d'exposition en obstétrique nous incite à aller faire du dépannage pour garder notre expertise, ce qui nous rend moins disponibles pour notre clientèle. Les nombreuses applications informatiques différentes alourdissent significativement notre travail à l'urgence plutôt que de le simplifier. Par exemple, je dois me connecter à au moins 4 systèmes différents, juste pour pouvoir servir les patients à l'urgence. Ces systèmes sont lents et non accessibles au chevet des patients. Pour certains, je dois me reconnecter pratiquement à chaque patient, ce qui entraine une énorme perte de temps dans une journée. Nous savons qu'il existe mieux, mais le CISSS n'a pas les moyens d'implanter des solutions efficaces.
Au bureau et à l'urgence, je vois une grande proportion de malades avec problématiques de santé mentale, qui n'ont pas accès à des services psycho-sociaux en temps opportun, et d'autres avec des problématiques musculosquelettiques qui n'ont pas accès à un physiothérapeute.
Au lieu de blâmer les médecins pour les problèmes d'accès, le gouvernement devrait travailler à améliorer l'efficacité à l'intérieur de ses installations, à former davantage de professionnels soignants (médecins, infirmiers/ères, technologues, physiothérapeutes, psychologues, etc.), et à fournir aux soignants le matériel et les plateaux techniques essentiels à leur travail.
De plus, les pénalités en lien avec l'efficacité vont selon moi à l'encontre de la déontologie, et je n'accepterai pas de réduire la qualité des soins pour en augmenter la quantité. La désinscription de patients non vulnérables pour inscrire davantage de patients vulnérables est aussi un non-sens. Qui sait quel patient « non vulnérable » présentera un problème de santé pour lequel il aura besoin d'un médecin? Comment le Ministre peut-il décider que ma patiente est « non vulnérable » parce qu'elle ne présente aucune des maladies prédéterminées par la RAMQ, alors que je la suis pour une blessure, un trouble d'adaptation, une grossesse, ou autre condition nécessitant des soins?
Les médecins de famille sont, contrairement à ce que le Ministre ne l'affirme, travaillants, dévoués et motivés à améliorer l'accès. C'est avec eux qu'Il devrait travailler, et non contre eux. Ce n'est pas d'un fouet dont nous avons besoin, c'est du soutien.
Catherine Caron, M.D.
En lien avec PL-106:
-les soins en 2e ligne, partout au Québec, reposent beaucoup plus sur les contributions des médecins omnipraticiens 24 heures/7 jours que la population et beaucoup de dirigeants ne le réalisent-les médecins omnipraticiens sont même demandés pour contribuer, souvent avec insistance, en CHU et dans d'autres milieux spécialisés.
-les activités en 1re ligne, en heures favorables et défavorables, reposent aussi sur ce même groupe médical
-ils dispensent des soins quotidiennement dans les salles d'urgence, en soins palliatifs, en hospitalisation, en pédiatrie sociale, en soins physiques en santé mentale; ils dispensent 80% des AMM, entre autres nombreuses sphères d'activités
-le PL-106, présenté publiquement de manière belliqueuse, risque de favoriser le départ de plusieurs de ces médecins hors de la pratique au Québec,
-ceci risque de déséquilibrer tous ou presque tous les secteurs de soins en 1re et 2e ligne en accès et en qualité, dans une ampleur difficile à estimer à court, moyen et long terme
-la population serait la grande perdante de ce projet de loi en accès et en qualité de soins pour plusieurs années
-les discours public et politique doivent basculer rapidement vers un ton respectueux et une recherche de solutions constructives, réalistes si le souhait est de garder le maximum de médecins omnipraticiens en activités chez nous.
La viabilité financière et la vigie sur la qualité du modèle sont importantes à examiner de manière complète et réaliste, car cela détermine si les milieux de soins, CLSC ou GMF, pourront exister à court et plus long terme de manière acceptable.
Viabilité financière:
a) Les CLSC, pour les activités médicales de première ligne, n’ont plus de budget dédié. Ils sont financés à même les budgets globaux CISSS et CIUSSS, donc dépendent de la situation budgétaire globale et des choix de leurs dirigeants. Le soutien clérical, nursing et professionnel de base est généralement minimal, ne permettant aucunement du roulement à haut volume.
b) Pour ce qui est des GMF, selon les facteurs influençant la rémunération des médecins, d’après nos informations, le modèle n’est pas viable automatiquement. Pour certains GMF, on prévoit déjà la faillite.
La population risque de se retrouver davantage qu’aujourd’hui dans les salles d’urgence, à plus forts coûts.
Qualité:
- comment serait-il possible de fournir de stages dans des milieux cliniques appropriés pour les médecins le requérant?
- comment le CMQ pourrait-il évaluer la qualité dans des milieux privés à débits élevés dont les propriétaires ne seraient souvent pas membres du CMQ?
Anonyme, M.D.
Je suis médecin de famille, enseignante, et hospitaliste depuis près de 6 ans. Mon commentaire principal au CMQ serait qu’il doit se positionner fermement et sans réserve contre ce projet de loi.
Voici pourquoi :
- Ce projet de loi ne respecte pas les fondements mêmes de la médecine, c’est-à-dire la rigueur scientifique et l’action sur des faits prouvés par la science. Le gouvernement a mandaté un comité d’experts sur le sujet de l’accès aux soins et de l’organisation de la première ligne, mais il n’a pas pris en compte leurs recommandations. Le gouvernement fait preuve de mauvaise foi et semble agir davantage à des fins électoralistes plutôt que pour le réel bénéfice des patients. On dirait qu’il souhaite annoncer « sur papier » que tout le monde est pris en charge par un médecin de famille sans comprendre qu’il manque de médecins pour le faire. Le fait de simplement distribuer à chaque GMF les patients orphelins de leur secteur ne donnera pas plus d’accès et plus de soins de qualité aux patients! Le gouvernement ne semble pas voir que ce qui limite l’accès en ce moment, c’est la complexification du réseau; les dédales administratifs déshumanisants et inutiles auxquels on doit faire face pour octroyer des soins à nos patients. Le gouvernement se déresponsabilise ainsi totalement de toute imputabilité dans l’efficacité du réseau. Comme si l’accès aux soins ne passait que par les médecins… il élude du débat tellement de variables importantes! C’est tout simplement effrayant pour les soignants et pour les patients. Puisque vous êtes défenseurs des patients, vous devriez vous positionner contre les raccourcis intellectuels. Vous devriez encourager une réflexion honnête et réelle, basée sur les meilleurs systèmes de santé dans le monde et sur les recommandations d’experts.
- Je donne des ateliers sur la santé mentale des médecins et je tiens à rappeler au CMQ que des soins de qualité passent d’abord et avant tout par des soignants en bonne santé mentale. Le CMQ se doit donc de prendre position dans le débat actuel ne serait-ce qu’en lien avec le harcèlement et la diffamation que les médecins subissent dans les médias et de la part du gouvernement. Un ministre de la Santé qui insinue que des médecins quittent leur garde à 16 h, laissant ainsi des patients sans soins? Quel mensonge! Ces assertions doivent être rectifiées! Autrement, les médecins du réseau perdront toute confiance en leur collège et ne le croiront plus quand il dira que la santé mentale des médecins est importante pour lui. De plus, advenant que le projet de Loi 106 passe, c’est la santé mentale de tous les médecins du Québec qui sera mise à rude épreuve parce que notre salaire sera directement lié à une performance que le réseau ne nous permet tout simplement pas d’accomplir. Nous sommes bien souvent impuissants par rapport à plusieurs indicateurs de performance dans le réseau! J’anticipe une vague d’épuisement professionnel et de départs à la retraite dans le contexte. Rien pour aider nos patients.
- Le projet de Loi 106 est sexiste. En octroyant 25 % du revenu à des indicateurs de performance communs à un groupe, j’ai bien peur qu’on retourne 20 ans en arrière, où il était fréquent de voir une jeune femme médecin discriminée en entrevue en lien avec son statut éventuel de maman. Pensez-vous qu’une équipe de chirurgiens va préférer prendre un homme ou une femme qui devra possiblement quitter en congé de maternité, affectant ainsi le salaire de l’équipe? Pensez-vous qu’un GMF va préférer engager un homme ou une femme médecin qui a un potentiel de grossesse et donc, de perte financière pour le groupe? Le risque de dérive est grand. Aucun système de santé dans le monde n’applique ce genre de proportion à la performance collective dans le salaire, et ce, pour de bonnes raisons!
J’ai confiance que vous saurez vous positionner pour les patients, pour la rigueur intellectuelle, pour des réformes de la santé pérennes et réfléchies ainsi que pour la santé mentale de nos médecins. Car des médecins qui évoluent dans un système qui les respecte offriront nécessairement de meilleurs soins.
Pascale Thomas-Couture, M.D.
Je suis un médecin de famille et je suis préoccupé par l’avenir de la première
ligne au Québec, je souhaite dénoncer avec vigueur le projet de loi n°106. Cette proposition
législative, loin de résoudre les défis criants du système de santé, constitue une approche
incohérente et punitive qui menace la qualité des soins et la sécurité des patients. En
tant qu’ordre professionnel chargé de protéger le public et de défendre les standards de
la pratique médicale, le Collège des médecins du Québec se doit d’agir pour contrer cette
dérive.
Le projet de loi n°106 impose une responsabilité collective aux médecins omnipraticiens
pour la prise en charge des patients, assortie de sanctions financières potentielles (article
38.0.15, Loi sur l’assurance maladie). Cette mesure est inutile, car elle ignore les causes
profondes de l’inaccessibilité des soins : une pénurie estimée à 1 500 médecins de famille,
des conditions de travail éprouvantes, et des disparités régionales criantes. Avec 2,1 millions de Québécois sans médecin de famille, dont 500 000 aux prises avec des problèmes
de santé modérés ou graves, il est absurde de blâmer les médecins, qui travaillent déjà à
pleine capacité, plutôt que de s’attaquer aux failles systémiques.
Plus troublant encore, ce projet de loi révèle un double standard flagrant dans le traitement des professionnels de première ligne. Les infirmières praticiennes spécialisées en
soins de première ligne (IPSPL) bénéficient de balises généreuses, avec 60 à 75 minutes
allouées pour une nouvelle prise en charge. Ces durées, justifiées par une approche globale, permettent des soins centrés sur le patient. Les médecins
de famille, qui partagent des responsabilités similaires, souhaitent adopter les mêmes
principes pour améliorer la prévention et la santé populationnelle. Pourtant, le projet de
loi les presse implicitement d’accélérer leurs consultations, sans cadre équivalent. Cette
disparité est non seulement injuste, mais elle compromet la qualité des soins, car des
consultations plus longues sont associées à de meilleurs diagnostics et à une meilleure
gestion des patients.
En pressant les médecins à augmenter leur débit, le projet de loi n°106 risque d’aggraver
l’épuisement professionnel et de provoquer des erreurs médicales, mettant en péril la
sécurité des patients. Ces conséquences, bien plus graves qu’un simple déséquilibre dans
la répartition des patients, menacent la stabilité même du système de santé. Des études,
comme celles sur le Quality and Outcomes Framework au Royaume-Uni, montrent que
les systèmes basés sur la performance réduisent le temps consacré aux soins personnalisés,
au détriment des patients.
Face à cette situation insensée, voici les actions que j'aimerais voir le Collège des médecins du Québec poser avec détermination afin de protéger le public ET la profession médicale :
1. De vous opposer publiquement au projet de loi n°106, en dénonçant son caractère punitif et son inefficacité à résoudre les problèmes systémiques.
2. D’exiger l’adoption de balises équitables pour les médecins, alignées sur celles des IPSPL, afin de garantir une qualité et une quantité de soins comparables.
3. De plaider pour des solutions systémiques, telles que l’augmentation des places en formation médicale et le renforcement des équipes interdisciplinaires complètes dans les Groupes de Médecine de Famille (GMF).
4. De lancer un appel à une étude indépendante des inefficacités du système de santé et de demander au gouvernement un engagement ferme à appliquer ses conclusions, contrairement à l’inaction qui a suivi le rapport des experts de la première ligne (Dr Groulx, Dre Boulanger et Mme Breton).
Le Collège a le devoir de défendre non seulement les patients, mais aussi les médecins, qui méritent un système de santé juste et sécuritaire. Nous croyons en la possibilité d’une collaboration constructive avec le gouvernement pour bâtir une première ligne forte, fondée sur le respect mutuel et des données probantes.
Cordialement,
Samuel Gareau-Lajoie, M.D.
Je pense sincèrement que ces mesures n'amélioreront pas les services de soins de santé et l'accès des patients. Il n'y a tout simplement pas assez de médecins pratiquant pour permettre de bons services et un bon accès aux patients au Québec. Rien de ce que nous faisons ou de ce que le gouvernement peut faire ne peut contourner ce simple fait.
Nous pouvons temporairement voir plus de patients en moins de temps pour donner plus d'accès à des rendez-vous courts, mais ce n'est pas du tout la meilleure façon de servir le public à long terme, surtout avec une population vieillissante et des patients de plus en plus complexes. Si nous retirons aux médecins de famille les tâches de deuxième ligne telles que les accouchements, le travail à l'hôpital et les soins d'urgence, qui les remplacera?
En outre, l'une des principales raisons pour lesquelles je ne peux pas augmenter ma pratique est que mes patients n'ont pas accès en temps utile aux soins spécialisés ou aux professionnels de la santé tels que les infirmières, les travailleurs sociaux, les psychologues, les physiothérapeutes et les ergothérapeutes. Les listes d'attente pour l'imagerie, les laboratoires, les examens et les consultations durent des mois, voire des années. Comme je ne peux pas les orienter facilement vers ces services et que la plupart de mes patients n'ont pas les moyens de se les offrir, ils reviennent me voir entre-temps et prennent plusieurs rendez-vous. Je fais de mon mieux, mais je ne peux pas être tout cela, même si c'est essentiellement ce que je fais en ce moment.
Je fais le maximum d'heures de travail que je peux faire sans m'épuiser, et c'est une charge à plein temps. Comment puis-je voir plus de patients en moins de temps sans m'épuiser et/ou abandonner mes patients? La solution réside dans la collaboration, dans l'augmentation du nombre de médecins et d'autres professionnels de la santé. Le fait de presser davantage les médecins n'aboutira qu'à des soins médicaux de qualité inférieure, où nous pouvons consacrer quelques minutes à un seul problème parce que nous n'avons pas d'autre choix, car nous sommes obligés de voir X patients par jour que nous ne connaissons pas. C'est ce que de nouvelles mesures entraîneront, car les médecins ne peuvent tout simplement pas faire plus que ce qu'ils font actuellement, sans sacrifier des soins décents pour les patients.
Odelia Borten, M.D.
Chaque personne devrait avoir un médecin mais il n’y a pas assez de médecin Il n’y a pas de ressources Il y a des lourdeurs administratives impensables
Je suis un médecin efficace, je vois entre 15-20 patients par jour. Je travaille tous les soirs ou presque pour finir mes notes, labos, et autres Je ne peux pas voir des patients en 10 minutes. Oui cela arrive pour des rdv urgences simples d’un patient que j’ai vu à plusieurs reprises dans l’année.
J’utilise chaque rdv disponible pour faire les examens préventifs nécessaires pour éviter des visites supplémentaires Je n’ai jamais limité mes rdv à 1 problème J’évalue le bien-être physique et psychologique des patients que je vois, Je suis capable de raccourcir les entrevues, je sais très bien aller à l’essentiel si je veux finir un rdv en 5 min, mais ce n’est pas ça soigner des gens Je vais rater qqch.
J’aimerais bien ne pas être psychologue et nutritionniste mais je n’ai pas le choix car pas de ressources. Et je traite comment mon patient déprimé si je n’ai pas de professionnel pour me soutenir. Je dois déjà me faire des listes de rappel pour rappeler aux patients de faire leur examen de contrôle. Mon rôle est lourd à porter, le CMQ doit s’interpose sur cette loi: elle est contraire à la déontologie. Traiter plus = traiter moins
Karèle Boudreau-Poissant, M.D.
Bien que je sois en faveur que la rémunération migre plus vers la capitation, je ressens certainement un désaccord sur les tarifs des visites associées au PL 106. Nous manquons cruellement de détails pour savoir précisément à quoi nous attendre, entre autres pour les gestes techniques complexes. Quelle est la classification de ceux-ci?
Pour ma part, je suis médecin installatrice de dispositifs intra-utérins avec un volume moyen à grand car j'ai une offre populationnelle à ce chapitre (100 installations/an). Le matériel requis et les frais de stérilisation nécessitent que l'acte soit tarifé en fonction du risque, de l'expertise requise et du coût pour le matériel requis. Si le tarif de 20 $ s'appliquait, de nombreux confrères abandonneraient la pratique. C'est à garder en tête pour maintenir l'accès des patientes à toutes les méthodes contraceptives. La situation est similaire pour les implants contraceptifs et les IVG médicales.
Même en ce qui concerne la performance ou les résultats, c'est honteux de ne pas connaître la teneur des cibles. En quoi les médecins doivent être pénalisés si leurs patients sont trop pauvres pour garder des saines habitudes de vie ou simplement trop précaires pour être observants à leur traitement et leurs rendez-vous?
Cette loi devient également délétère pour le public jusqu'à un certain point, car des départs de médecin sont à prévoir.
Son application pourrait affecter ma longévité en tant que praticienne active.
Andréanne Bonin-Carignan, M.D.
Je trouve aberrant que dans ce projet il ne fasse pas état des frais de bureau qui ne cessent d’augmenter d’année en année.
Je ne peux pas me permettre financièrement de perdre 25 % de mon salaire avec de tels frais.
Par ailleurs, nous tentons d’attirer des nouveaux médecins au sein du GMF où je travaille et ils sont tous freiné par ces frais.
D’autre part, si nous souhaitons améliorer notre performance, nous devons avoir des locaux adaptés, du matériel, une infirmière… Nous n’avons pas les moyens de nous offrir cela et le propriétaire à qui on sous-loue nos locaux n’a pas d’intérêt à investir. Nous sommes donc coincés.
Il n’est pas rare que lors de nos heures de bureau défavorable, nous n’arrivions pas à obtenir des prises de sang, des analyses d’urine pédiatrique, des rayons X et que nous devions rediriger les patients vers l’urgence.
Le manque flagrant de ressources a aussi un impact, pas d’accès à des physiothérapeutes, ergothérapeutes, inhalothérapeutes, travailleuses sociales dans des délais raisonnables et parfois pas du tout.
Je suis pour l’objectif d’un médecin pour tous mais pas à n’importe quel prix.
Étant kinésiologue de formation, mon ancienne profession commence à me faire de l’œil…
Jessica René, M.D.
Ceci va encourager le départ des médecins de famille du Québec, décourager la relève en médecine familiale, ne règlera rien vu que le problème est un manque de ressources physiques et humaines pour les médecins afin d'accomplir leur travail; le gouvernement n'a aucune obligation dans ce projet de loi; tout est arbitraire; c'est de la diversion pour camoufler leur gaspillage et leur incompétence. Personnellement, si j'étais médecin de famille, je quitterais le Québec; soyez assurés que le doctor-bashing empire toujours la situation; le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse doivent jubiler! Ils vont accueillir à bras ouverts les médecins qui voudront quitter le Québec. Et supporter ce projet de loi ne tient pas la route.
Michel Bérubé, M.D.
Encore comme avec la loi 83, la réponse du Collège est d’une grande timidité et sent la servilité face à la position gouvernementale, qui s’en sert souvent pour justifier ces positions. Mais avec la loi 106, on est vraiment face à une attaque frontale contre la profession médicale mais ultimement contre la population, l’autonomie professionnelle qui est pourtant la pierre angulaire d’une pratique libre d’influence de tiers est clairement mise à mal par ce projet de loi, entre autre. J’ose à peine imaginer la quantité de fonctionnaires que l’on devras engager pour gérer l’ensemble des mesures proposées. J’espère que le Collège aura le courage de dénoncer ce projet de loi qui diminuera l’attractivité de la profession médicale auprès des jeunes particulièrement pour la médecine familiale et qui ne fera qu’accentuer le désintérêt des étudiants en médecine pour celle-ci.
Yves Langlois, M.D.
Je vous écris avec un profond sentiment de tristesse et d’inquiétude face à la trajectoire actuelle que prend la pratique médicale au Québec. Médecin travaillant à la fois en milieu hospitalier et en groupe de médecine de famille (GMF), je suis confrontée à un choix déchirant.
La loi 106, qui a été conçue en faisant fi des conseils des experts mandatés, risque de transformer la pratique médicale en une prestation de services déshumanisés, à la manière d’un fast-food. Les cibles imposées sont irréalistes, particulièrement lorsqu’on travaille avec une clientèle vulnérable, majoritairement gériatrique, qui nécessite du temps, de l’écoute, et des soins personnalisés. La pression exercée par ces quotas menace directement la qualité des soins que je m’efforce de prodiguer avec rigueur et compassion.
Refusant de compromettre cette qualité, je me vois aujourd’hui contrainte d’entamer des démarches concrètes pour exercer ma profession dans une autre province, où l’on reconnaît encore le jugement clinique, le travail d’équipe, et la valeur du temps consacré aux patients. Il s’agit d’une décision difficile, mais rendue inévitable par le climat actuel de mépris et de surcharge administrative.
Je tiens à souligner que je ne ferme pas la porte à un retour au Québec. Toutefois, cela ne sera envisageable que lorsque notre gouvernement traitera enfin ses médecins — et par extension, sa population — avec respect, écoute et considération.
Caroline Boulos, M.D.
Les choix politiques et les prises de position récentes du gouvernement créent une détresse palpable chez les médecins de famille. Elle s’exprime publiquement sur les réseaux sociaux, mais aussi, plus discrètement, dans les conversations de corridor entre deux patients. Ce que j’entends et vis, c’est de l’incompréhension, un sentiment d’injustice, d’impuissance, de découragement, et même de peur, face aux menaces répétées des ministres Legault et Dubé.
Un certain degré de tension est normal et attendu dans toute négociation, notamment pour le renouvellement de l'accord-cadre. Toutefois, ce que nous vivons actuellement dépasse largement ce qui est sain et supportant dans ce contexte. Il s’agit d’un déséquilibre de pouvoir manifeste, soutenu par des projets de loi qui donnent l’impression d’une stratégie délibérée pour contrôler la pratique médicale, non pas dans un souci de réelle accessibilité à des soins de qualité, mais dans le but de produire des chiffres électoralement rentables et de s'assurer que les médecins n'aient pas de recours face à ces décisions.
Voici quelques exemples préoccupants de cette dérive :
1. Imposition sans réelle consultation
Les décisions sont prises unilatéralement, sans dialogue respectueux ni co-construction. Le refus persistant du gouvernement de recourir à un arbitrage neutre, malgré les demandes répétées de la FMOQ, témoigne d’un désintérêt marqué pour une collaboration authentique. Le gouvernement va même à l'encontre des recommandations de ses propres experts dans le dossier.
2. Mépris de la complexité clinique
Les indicateurs imposés ne tiennent pas compte de la réalité des patients ni de la variabilité clinique. La pression sur la productivité pousse à des soins plus rapides, plus fragmentés, générant une surutilisation des ressources (tests, imagerie, références), au détriment de la qualité.
3. Menaces de sanctions financières
L’imposition de cibles irréalistes, accompagnée de pénalités en cas de non-respect, revient à introduire une forme déguisée de coupure salariale. On exige l’impossible, puis on blâme les médecins. C’est une tactique de coercition et de manipulation.
4. Atteinte à l’autonomie professionnelle
On dicte aux médecins comment exercer leur profession, en écartant leur jugement clinique et leur expertise du terrain. Cette tendance, malheureusement bien installée, s’accentue dangereusement.
5. Stress chronique et perte de sens
La pression administrative, les quotas et les attaques médiatiques génèrent un climat toxique. Cela épuise les médecins, gruge leur motivation, et érode leurs idéaux de servir les patients avec humanité et dévouement.
6. Instrumentalisation politique du système de santé
Les médecins deviennent des boucs émissaires commodes pour justifier des décisions politiques à court terme. On tente de manipuler l’opinion publique pour faire passer des projets de loi abusifs, faute de réels moyens de pression du côté médical.
7. Déresponsabilisation de l’État
Plutôt que de s’attaquer aux vrais problèmes — manque de ressources, lourdeur bureaucratique, effectifs insuffisants pour répondre aux besoins de la population —, le gouvernement rejette la faute sur les médecins. Or, c’est précisément parce que l’État détient un pouvoir immense qu’il doit être redevable de ses actions.
À titre personnel, je vis cette situation avec un sentiment profond d’impuissance, d'anxiété, et de désillusionnement. Ces projets de loi me font perdre le sommeil. J’en viens à désespérer : quand aurons-nous un gouvernement composé de véritables collaboratrices et collaborateurs, capables de bâtir des solutions durables, et non de manipuler des chiffres pour des gains électoraux?
Nous avons besoin de votre aide, au CMQ, pour rendre visible cette utilisation malsaine du pouvoir. Le gouvernement doit être tenu responsable de ses dérives, car elles compromettent la qualité des soins offerts aux Québécois. Le Collège, en tant qu’organisme de protection du public, a le devoir de dénoncer ce qui nuit à la sécurité et à la pérennité des soins.
J’espère que vous pourrez adopter une position ferme sur la nécessité de rebâtir une relation saine entre le MSSS et les médecins. Il est inacceptable qu’un premier ministre clame « Ça va brasser » comme si c’était une qualité. Le Québec mérite mieux. Il mérite des leaders respectueux, intelligents, capables de créer des ponts durables.
Jean-François Stephan, M.D.
J’ai près de 50 ans de médecine très active; je désirais continuer. A faire des soins de fin de vie; qlqs VAD etc., à un rythme plus cool! J’ai eu jusqu’à l’an dernier près de 3 000 patients inscrits et surtout gériatriques!
Ce que j’ai vu et entendu de Messieurs Legeault et Dubé m’a profondément dégouté et le 1er juillet, je vais me retirer
Robert Gagnon, M.D.
Je suis médecin de famille. J'aime mon travail, j'aime mes patients, j'aime enseigner à la relève en médecine.
J'ai choisi la médecine familiale par passion. À chaque année, ma motivation diminue. Je regarde de plus en plus sérieusement d'autres options de carrière. Il est urgent que le ton du gouvernement change. Il faut que le Collège soit solidaire. Notre autonomie est en jeu. Nous défendons quotidiennement les patients dans le système. Le Québec n'a pas les moyens de se priver des médecins de famille.
Je ne veux pas que ça brasse. Je veux que ça marche.
Elise O'Carroll, M.D.
Je tenais à donner mon avis concernant les blocs opératoires et les possibles liens entre la performance et la rémunération des médecins spécialistes. Quand on lit que le gouvernement voudrait que 99% des patients soient opérés dans un délai d'un an et que 25% de la rémunération y serait liée, je considère que c'est ne pas être au courant de la réalité.
Je suis anesthésiologiste depuis 18 ans dans un milieu de soins intermédiaires qui offrent les spécialités chirurgicales de base: chirurgie générale, urologie, gynécologie, orthopédie, chirurgie dentaire et maxillo-faciale, ORL. Nous n'avons jamais réussi à revenir à notre fonctionnement pré-pandémie à cause de la pénurie d'infirmières. Plus de la moitié de nos infirmières sont en congé de maladie prolongé. On doit jongler avec des salles coupées, des arrêts pour dîner. Il serait temps que le ministre arrête de dire que la pénurie d'infirmières est réglé parce qu'il a augmenté leur salaire et fait revenir des infirmières du privé. La formation d'une infirmière pour travailler dans un bloc opératoire prend de 4 à 6 semaines. Plusieurs sont formées et ne restent pas. Il y a des départs à la retraite et de nombreux congés de maladie. Celles qui restent sont à bout de souffle. Nous avons passé proche d'un bris de service pendant 3 fds récemment à cause de la pénurie d'infirmières. Que faut-il de plus pour que le ministre comprenne que ce qui ralenti les blocs opératoires n'est pas les chirurgiens, ni les anesthésiologistes et que l'horaire d'un bloc opératoire n'est pas fait en fonction du chirurgien, mais en fonction des heures de travail des infirmières? Je sais que nous ne sommes pas le seul milieu aux prises avec une pénurie de personnel. Quand ce n'est pas les infirmières qui sont en pénurie, ce sont les inhalothérapeutes. Le manque de médecins deviendra peut-être un problème avec son projet de loi, car nous avons déjà un collègue anesthésiologiste qui quitte la profession médicale ce mois-ci pour se réorienter dans un autre domaine.
Josiane Léveillé, M.D.
J'ai 39 ans et je pratique en Outaouais, j'ai une pratique polyvalente (hospitalisation 1 semaine sur 4) et prise en charge de plus de 1200 patients. Je m'oppose au PL 106
Ce qui m'inquiète le plus de mon côté à propos de ce projet de loi, c'est de devoir quitter l’hospitalisation pour me concentrer sur la prise en charge de patient afin de viser les cibles de performance. Le problème c'est qu'il y aura un bris de service à l'hospitalisation si je quitte.
Pour ma part, la pratique hospitalière est déjà moins payante que la pratique au bureau. Je connais beaucoup de médecins qui ont une pratique polyvalente et qui devront faire des choix et malheureusement, ceci favorisera un exode des médecins qui travaillent en établissement vers la pratique au cabinet, dans une région où nous avons déjà des problèmes de recrutements et de maintien des effectifs en établissement.
Jean-François Simard, M.D.
Je suis médecin de famille depuis 2007 dans la région de Sherbrooke. Dans le GMF où je pratique, je suis près de 1600 patients, dont plus de 800 sont vulnérables.
Dans les derniers mois, la FMOQ se bat corps et âmes pour tenter d'améliorer l'image de la médecine de famille, pour faire en sorte d'assurer la pérennité de la profession. L'image des médecins est continuellement et constamment tabassée sur l'espace public, tant par les médias que par notre employeur, le gouvernement. Le projet de loi 106 est, à mon sens, un outrage total non seulement à la mission d'un employeur d'offrir des conditions de travail saines et justes pour ses employés, mais envoie aussi un message totalement négatif à tous les médecins de famille et futurs médecins de famille du Québec.
Le collège est assurément au courant du fait que de nombreux postes ne sont pas pourvus dans les facultés de médecine pour la spécialisation en médecine de famille. Tout le monde le sait, la situation est de pire en pire à chaque année. Un tel projet de loi, ajouté à l'amendement sur la loi 11, n'est qu'un clou de plus dans le cercueil de notre belle profession. Plusieurs de nos médecins sont passionnés, travaillent à tous les jours dans un système où non seulement la bureaucratie freine la capacité à soigner de façon adéquate, mais aussi où les structures et appareils sont d'une vétusté à faire rougir les pays en voie de développement (pensons seulement à HMR ou l'hôpital Sainte-Croix à Drummondville). Plus de 25-30% des médecins de famille au Québec ont plus de 65 ans. Ces derniers continuent à œuvrer dans ce climat de travail plus que toxique et se voient ajouter cette loi complètement absurde. Que pensez-vous qu'il va se passer? La retraite officielle pour plusieurs...
Ce que le gouvernement fait avec cette loi, c'est de replacer les chaises sur le pont du Titanic alors qu'il est en train de couler. Le feu est pris dans le système et le gouvernement, au lieu de tenter de l'étendre, amène des guimauves... Il se rit des professionnels sur le terrain qui doivent, jour après jour, composer avec un système souvent plus malade que les gens qui l'utilisent.
Si ce projet de loi devient une loi officielle, ça sera la fin de notre profession telle que nous la connaissions. La médecine de famille ne sera plus une profession où le bien-être des patients passera avant tout. Ça ne sera plus une profession où nous prendrons le temps de bien faire les choses et de faire de la prévention, de comprendre nos patients, de les accompagner dans leurs besoins. Non. Ça deviendra une médecine de performance. Une médecine de rendez-vous à 1 problème. Une médecine de 8 minutes. Un fast-food...
François Roy, M.D.
Je sollicite le Collège des médecins afin de rappeler au gouvernement que l'application du PL 106 tel que publié cette semaine est contraire à notre Code de déontologie. Il sera impossible d'effectuer une médecine de qualité avec les contraintes suggérées. Sans parler de l'atteinte à notre liberté professionnelle (article 7), du règlement qui nous demande de ne pas participer à une action de nature à mettre en danger la santé ou la sécurité d'une clientèle ou d'une population (article 13). C'est toute la population qui sera perdante. Je devrais donc m'abstenir d'exercer ma profession dans ces circonstances susceptibles de compromettre la qualité de son exercice ou de de ses actes ou la dignité de la profession, tel que l'article 43 le nomme.
Marie-Michèle Livernoche, M.D.
Le ministre Dubé voudrait saboter sa réforme qu’il ne ferait pas mieux.
Grave manque de jugement de tenir la profession médicale du manque de ressources humaines pour pouvoir rendre plus efficace le travail des médecins. Le meilleur des menuisiers ne peut être vraiment à la hauteur s’il n’a pas d’assistant ou pire, manque d’équipements essentiels.
Autre manque de jugement : penser qu’on peut vraiment reformer le système sans la collaboration des principaux responsables des changements nécessaires.
On apprend donc rien des échecs répétés du passé.
Jean-Claude Bergeron, M.D.
Vous nous demandez notre avis sur l’impact du projet de loi 106.
1. Qualité de l’exercice : À tenter d’offrir des soins à tous avec les mêmes ressources, il faut s’attendre à une diminution de la qualité des soins. Si je ne suis pas capable de revoir un suivi de dépression avant 2 mois parce que mon horaire est plein, le rétablissement et le retour au travail seront certainement affectés. Par contre il y aura une certaine justice. Tout le monde aura accès aux même soins médiocres.
2. Accès de la population aux soins : Le gros problème. Nous ne réussirons pas à atteindre les objectifs du gouvernement. Après tout, comment arriver à plus avec les mêmes ressources. Ce n’est pas en frappant sur les poules qu’elles donnent plus d’œufs! Donc les revenus des médecins baisseront de 25%. Pour un médecin de famille, passer d’un revenu moyen de 266k à 200k. En déduisant les frais de bureau qui sont souvent de 40k par année, on se rapproche drôlement du 130-150k par année qu’on voit offert aux IPSPL dans leurs offres d’emploi. La médecine familiale est déjà très peu attractive, ce sera probablement le coup de grâce. D’ailleurs je me permets de pousser la comparaison. IPSPL à 150k par année sans frais de bureau, qui travaille principalement en heure de semaine, peut aller où elle veut n’ayant pas de processus de PREM, n’ayant pas l’obligation de faire des gardes (pas d’AMP), n’ayant pas l’obligation d’inscrire des patients non plus. N’ayant pas à faire de santé mentale (25% de mes suivis). Un salaire, des semaines de vacances, une retraite! Ah oui j’oubliais, l’opinion publique favorable en plus, plutôt qu’être les gros méchants du système de santé, elles sont l’espoir et l’avenir! J’ai entendu des collègues qui se demandaient si on pourrait se faire reconnaître une équivalence de diplôme IPSPL pour pouvoir appliquer sur leurs offres d’emploi. Ça donne à réfléchir. Bref, j’ai hâte de voir après quelques années avec un projet de loi comme celui-là en place à quoi ressembleront le nombre de postes vacants en médecine familiale.
3. Point fréquemment oublié qui s’applique principalement à Montréal. Le gouvernement tiendra-t-il compte dans ses savants calculs de performance toute la population non assurée à qui on se doit également d’offrir des soins? Assurément si on passe une demi-journée à facturer la Croix bleue, on pourrait croire qu’on ne travaille pas. Selon moi le CMQ considère tout de même ces personnes comme des êtres humains ayant droit à des soins... Point plus régional : Même chose quand je ne fais que remplir un formulaire de SAAQ, ou un formulaire de crédit d’impôt, d’assurance invalidité. Toute ces choses qu’on fait parce que nos patients en ont besoin mais ne sont pas facturées à la RAMQ. Quelle grande perte d’efficacité aux yeux du gouvernement.
Mathieu Flamand, M.D.
Je pense que l’état veut fonctionnariser les médecins mais l’état a peur des résultats malheureux et inadéquats. Il veut donc donner la responsabilité aux médecins sans donner l’information ni les moyens. Aucun fonctionnaire ne connaît le travail du médecin. Les patients ne sont pas des numéros et les médecins ne sont pas des pions. On ne peut pas gérer notre travail comme on gère celui d’un fonctionnaire…dans notre cas tout doit être flexible et ce dans un climat de confiance et de liberté.
Jean Rodrigue, M.D.
Le PL 106 va trop loin. Il est un fantasme irréaliste. Jamais 100% de québécois n'auront un médecin de famille
1-pcq certaines personnes ne veulent tout simplement pas d'un médecin à ce moment de leur vie.
2- Il manque 1 500 médecins de famille dans le Québec. Et les 60 ans de gouvernance précédentes ont « oublié » d'actualiser le vieillissement de la population et d'arrimer le nombre de MD famille requis pour atteindre leurs chiffres-fantasme de 100% et ce dès les années 80.
3- Pcq il n'y a plus assez de garçons admis en médecine, et que les grossesses-conciliation famille/travail ne concordent plus avec les besoins abyssaux de la médecine en 2025. Les garçons ne tombent jamais enceinte et ne partiront jamais aussi longtemps de leur pratique; il serait bien temps de faire de la discrimination positive et bâtir un contingent 50-50 composée de filles et garçons.
4- Pcq je ne peux/veux plus donner plus pour ma profession et conserver la même qualité de soins car ma santé mentale en paiera le prix.
5-Pcq l'augmentation de la quantité de services à donner aux patients sera soumise à la même demande de qualité de soins de la part du Collège et en cela il y aura une rupture potentielle entre les 2 demandes, et je serai imputable comme on peut s'y attendre.
6-Oui, il est vrai que les patients verts seront les laissés-pour-compte d'un tel code de couleurs quoiqu'en disent les politiciens qui font de la politique avec la santé
Quand est-ce qu'on sortira le politique de la santé ?
Claude Lavallée, M.D.
Je suis contre ce projet de loi. On ne peut pas demander aux médecins de lier leur rémunération à des indicateurs de performance dans un contexte où on ne peut leur assurer les ressources pour le faire. Les problèmes d’accès sont complexes et multifactoriels.
Johanne Rioux , M.D.
J’ai juste lu 8-9 pages et ça risque d’être drôle! J’ai hâte de voir la position du CMQ!
1- le DTMG va repartir les patients d’un territoire aux cliniques selon la capacité du milieu à les prendre en charge! (c’est quoi la capacité max d’un milieu?)
Chez nous à Dolbeau, Il y a 5-6 ans il n’y avait personne sur la liste d’attente au guichet. Maintenant avec les départs à la retraite non comblés c’est 55 % de la population qui sera orpheline au 1er juillet. Encore 5 Md de plus de 62 ans dont 2 de 72!
Maintenant, si le gouvernement veut que j’inscrive les 10 000 patients à moi tout seul, pas de problème! Je ramasserai le cash!
Mais entre vous et moi, à part de belles statistiques pour le ministère, cela ne permettra pas aux patients d’avoir un accès et de me voir. Ceux que j’ai n’y arrive pas!
2- un patient qui quitte le territoire se trouve désaffilié… donc mon patient déménage à Québec, il cesse d’être mon patient!
Dans un sens je peux être content, j’aurai de la place pour en prendre un autre, mais bonjour le lien thérapeutique! Qu’en pense le CMQ?
3 -derniers points.
Il faudrait que quelqu’un ait le courage de dire que les 2 500 Md dit paresseux sont des femmes en congé de maternité, des pères en congé de paternité, des Md en début et en fin de carrière et des congés de maladie. Il y en a probablement une ici et là qui travaille à demi-temps, mais avec le paiement à l’acte, si tu fais 1/2 de mes actes tu vas avoir un salaire 1/3 du mien car les frais de bureau ne changent pas.
J’avais pensé prendre ma retraite le 31 mars 2027 et garder mon permis de pratique encore un an pour gérer certains rapports d’examens et quelques dossiers complexes même si mes patients seraient désinscrits!
Avec la loi d’hier, oubliez ça! Cela donnerait un cas de Md paresseux au ministre!
Je vais travailler full pin ad le 31 mars 2027 18h00!
Martin de la Boissière, M.D.
1. Je quitterai le Québec si le plan est mis en œuvre. Les soins longitudinaux sont au cœur de la médecine familiale et c'est la raison pour laquelle je la pratique. Avoir l'équivalent d'une clinique sans rendez-vous où nous avons 50 000 patients pour 10 médecins et où vous voyez quelqu'un de différent à chaque fois est une mauvaise médecine qui passe à côté de l'objectif de la médecine familiale. Parce que j'ai vu le patient lors de la visite médicale de son enfant à l'âge de 4 ans, il s'est senti à l'aise pour que je vérifie ses oreilles lorsqu'il était malade et il s'est senti en sécurité pour me parler des abus qu'il avait subis à l'âge de 12 ans. Ils sont venus me voir en toute confiance pour leur contrôle des naissances et leur suivi de grossesse.
2. Nous n'avons tout simplement pas les ressources nécessaires pour faire ce qu'ils proposent. À Gatineau, il faut attendre six mois pour voir un physiothérapeute financé par l'État. La psychologie financée par l'État n'existe même pas. Les professionnels de notre GMF ne sont pas remplis de façon chronique. Si je demande aux archives une copie d'un rapport, il faudra 9 mois à l'hôpital pour me l'envoyer. La transcription des rapports de radiologie prend une semaine.
3. L'exode massif que ce plan paralyserait le système de santé et aurait des répercussions sur les années à venir qui pourraient ne jamais être réparées. Déjà, tous les groupes Facebook de mes médecins affichent des messages de médecins, de médecine familiale et de spécialistes qui envisagent de quitter le Québec. Pourquoi quelqu'un voudrait-il travailler au Québec avec un environnement de travail draconien pour 25-50% de moins que ce qu'il est payé ailleurs. Forcer les nouveaux médecins à devenir des serviteurs sous contrat avec une obligation de 5 ans de travailler au Québec ne tiendra pas devant les tribunaux.
Jennifer Mitton, M.D.
Note : Ce texte a été traduit avec un outil d’intelligence artificielle.
Ça suffit. Il est temps de faire grève.
J. Graham Pratt, M.D.
J’ai presque 35 ans de pratique Je suis médecin de famille en GMF-U. Je suis inquiète de l’avenir de l’enseignement qui semble oublié dans ce projet de loi.
Déjà non valorisé, l’enseignement sera probablement la première activité sacrifiée par les médecins qui devront bien couper quelque part dans leurs activités professionnelles afin de rencontrer les exigences du gouvernement
De plus, j’avoue que dans ma pratique, je vois un patient aux 30 minutes, et ce, pour plusieurs raisons:
1) pour qu’il ne revienne pas dans une puis deux semaines pour des problèmes que je n’aurai pas eu le temps de régler.
2) pour prendre le temps de créer une alliance thérapeutique, ce qui est prouvé pour améliorer l’adhésion des patients à leurs traitements.
3) pour établir une communication efficace et répondre à toutes les questions des patients.
4) pour maximiser mon questionnaire et examen physique afin de diminuer les coûts de santé en demandant moins de tests quand c’est possible et moins de consultations en spécialité aussi lorsque c’est possible
Si je pratique selon ce qui semble être des lignes directrices de soins gouvernementaux, je vais coûter beaucoup plus cher à la société car :
1) les patients vont être obligés de revenir reconsulter pour des problèmes non réglés (10 minutes par patient)
2) c’est sûr que pour éviter des plaintes je vais rapidement référer en spécialité et demander plus de tests (10 minutes par patient…)
3) les patients risquent d’être moins satisfaits en général des soins reçus.
D’autres solutions existent et je pense que c’est par l’augmentation du nombre de médecins que nous pouvons y arriver. Ce problème serait réglé à l’heure où l’on se parle s’il y avait eu augmentation importante des cohortes d’étudiants il y a 10 ou 15 ans…
Je pense prendre ma retraite du bureau 4 ou 5 ans plus tôt que prévu!
Il n’y a plus de jus dans le citron !
Dominique Archambault, M.D.
Un exode massif de médecins s’annonce en raison de la loi, qui dévalorise le patient.
Notre pénurie sévère de md ne fera que se rempirer.
Svp ayez le courage d’opposer ce projet de loi pour la sécurité des patients
Sarina Lalla, M.D.
Je vous écris aujourd’hui non pas seulement comme médecin de famille, mais comme professionnelle profondément préoccupée par l’orientation que prend notre système de santé.
Le projet du gouvernement du Québec de lier une part significative de notre rémunération – jusqu’à 25 % – à des indicateurs de performance collectifs soulève de sérieuses questions éthiques et déontologiques.
Comme vous le savez, la pratique médicale ne peut être guidée par des cibles comptables, mais bien par la rigueur clinique, l’indépendance professionnelle et le jugement individualisé envers chaque patient. En imposant des quotas déconnectés de la réalité du terrain et en introduisant une logique de sanction financière, le gouvernement met en péril notre capacité à respecter notre Code de déontologie.
Voici quelques-unes des contradictions fondamentales que cette réforme engendre :
• Le conflit entre rapidité et qualité des soins : En nous incitant à augmenter le volume de patients vus, on nous pousse à réduire le temps consacré à chacun. Or, le Collège nous rappelle que chaque patient mérite une évaluation complète, sans compromis sur la qualité.
• L’iniquité entre milieux de pratique : Les médecins travaillant dans des milieux sous-dotés ou auprès de clientèles vulnérables seront pénalisés pour des facteurs systémiques hors de leur contrôle. Est-il acceptable, sur le plan déontologique, de lier notre rémunération à des résultats collectifs inégaux?
• Le risque de glissement de responsabilités : Faute de personnel, de soutien administratif ou de ressources psychosociales, nous sommes forcés de compenser des lacunes structurelles. Devons-nous en plus porter la responsabilité financière de ces défaillances?
• La pression indue sur notre jugement clinique : Devra-t-on prioriser les cas simples pour « performer » selon les critères du ministère, au détriment des patients complexes, chroniques ou en détresse?
Le Collège a pour mission de protéger le public, notamment en s’assurant que les médecins exercent dans des conditions permettant une pratique conforme à leur déontologie. Or, cette réforme va à l’encontre de ces conditions. En tolérant, voire en normalisant une culture de performance fondée sur des cibles arbitraires et en grande partie hors de notre contrôle, on compromet la qualité des soins et la relation médecin-patient.
Nous sommes nombreux à craindre que cette réforme, si elle est implantée sans opposition claire, mène à une médecine à deux vitesses : rapide pour les patients « rentables », expéditive ou inexistante pour les autres. Ce n’est pas cette médecine que nous avons prêté serment de pratiquer.
En conséquence, je vous invite, en tant qu’ordre professionnel, à prendre position publiquement sur cette réforme. À rappeler, fermement, que le rôle du médecin n’est pas de répondre à des quotas, mais à des humains. À défendre l’intégrité de notre jugement clinique et la dignité de notre profession.
Car si le Collège ne prend pas la parole maintenant, quand les fondements éthiques de notre pratique sont menacés, qui le fera?
Annie Lacombe, M.D.
J'ai peur que l'adoption du PL 106 implique une médecine moins humaine et de moindre qualité pour des citoyens qui méritent toute notre attention et notre savoir-faire.
Andréanne Grégoire-Auger, M.D.
Les mesures coercives de notre gouvernement envers les médecins de famille doivent cesser!
Ce n’est pas de cette façon que l’on arrivera à retenir plus de MDs au Québec… Nous faisons de notre mieux et avons tous et toutes des enjeux personnels ou de santé qui limitent souvent nos disponibilités et nos horaires!
Anna Bedkowska, M.D.
Je tiens à exprimer mon opposition ferme au projet de loi no 106, qui propose de lier la rémunération des médecins à la performance, au détriment de la qualité des soins. La médecine ne doit jamais être réduite à une logique de rendement. Une approche centrée sur la performance risque de compromettre gravement la qualité des soins et la sécurité des patients.
On ne soigne pas une dépression, un trouble bipolaire, un infarctus, un AVC, ni n’évalue un trouble neurocognitif ou les facteurs de risque cardio-vasculaires en 10 à 15 minutes. Ce type de soins nécessite du temps, de l'écoute, un raisonnement clinique approfondi et un enseignement adapté. En imposant une logique de volume, on met en péril la relation de confiance entre médecin et patient, ainsi que la rigueur du processus diagnostique et thérapeutique.
De plus, déléguer à des fonctionnaires non formés l’évaluation de conditions médicales est dangereux. La littératie médicale de la population ne permet pas toujours une autoévaluation fiable, ce qui pourrait entraîner des erreurs, des complications, voire des décès. Les médecins ne devraient pas porter le fardeau des conséquences d’une mauvaise gestion systémique dont ils ne sont pas responsables.
Le Collège des médecins, dans son rôle de protecteur du public, doit dénoncer avec force l’intimidation croissante des médecins de famille par le gouvernement et mettre fin au climat de doctor bashing. Ce climat délétère entraîne un désengagement des médecins du réseau public, une perte de motivation, et un désinvestissement grave dans leur rôle. Il est urgent que le Collège fasse reconnaître que la dégradation du système de santé est la conséquence de décennies de mauvaise gestion politique, et non de l’incompétence des soignants.
Nous tenons à bout de bras un système déficient depuis des années. Aujourd’hui, plusieurs collègues envisagent sérieusement une réorientation de carrière pour quitter définitivement le réseau de santé québécois. Cette hémorragie de ressources humaines qualifiées aura des conséquences catastrophiques sur l’accès aux soins.
Le Collège a le devoir d’agir maintenant. Il doit défendre la population contre les abus du gouvernement avec fermeté et s’opposer à toute réforme qui compromettrait encore davantage la pratique de la médecine de qualité au Québec. Le temps presse : si rien n’est fait, c’est l’effondrement du système que nous risquons.
Je suis une médecin qui aime profondément la médecine. Je m’implique chaque jour auprès de mes patients avec dévouement, sans compter mes heures, et cela, mes patients me le reconnaissent quotidiennement. Je suis aussi investie dans mon milieu et dans l’enseignement des étudiants en médecine. Mais je suis épuisée. Et devant le manque de respect du gouvernement envers ma profession et l'importance d'une médecine de qualité au Québec, je réfléchis moi aussi sérieusement à quitter la médecine. Car je n’accepterai jamais de pratiquer une médecine de performance qui compromettrait la santé et la vie de mes patients.
Marjorie Ayotte, M.D.
[…] on va se souhaiter un gouvernement qui comprend les enjeux et qui accepte la collaboration des médecins pour améliorer l’offre de service pour soigner les Québécois…
Normand Gravel, M.D.
Aujourd’hui vendredi 9 mai ma priorité opératoire en chirurgie orthopédique à Chicoutimi a été coupé par manque de personnel. Et quand je veux ajouter des plages de clinique externe dans des cases libres, la première réponse est toujours : « manque de personnel » … et j’insiste gentiment et réussi parfois! Je suis très déçu de l’approche coercitive du gouvernement. Une approche positive avec une oreille à l’écoute des besoins réel des gens en place aurait plus de chance de succès. […] Les gens vont se braquer, la tension va monter de part et d’autre et il va se faire montrer la porte aux prochaines élections .
Louis-René Bélanger, M.D.
Je suis médecin de famille au GMF Medi Centre à St-Jean-sur-Richelieu.
Ce projet de loi est une vraie farce de mauvais goût dont les conséquences seront désastreuses pour la population du Québec. Les médecins québécois ne peuvent pas travailler plus. Mais pourraient travailler mieux.
La première ligne a grandement besoin de support. Plus de professionnels à qui déléguer des tâches, plus d'accès aux spécialistes, moins de délais pour les examens, plus de soins en santé mentale (les besoins sont É-N-O-R-M-E-S et ne cessent d'augmenter), moins de paperasse inutile, plus d'outils technologiques fonctionnels (CoeurWay intégré à Myles, par exemple, et non pas SAAQclic). On ne demande que ça, travailler mieux et plus efficacement. On ne demande que ça, augmenter l'accès à la population.
Il est inacceptable que certains Québécois aient accès à un médecin de famille et d'autres non. Pourquoi deux classes de citoyens, alors que tous paient leurs impôts? Malheureusement, c'est la conséquence du manque de planification des effectifs, des coupes dans les soins préventifs de première ligne et de la dévalorisation de notre profession orchestrée par notre gouvernement. On est tous d'accord que chaque Québécois devrait avoir accès à un médecin de famille. Mais cela est impossible avec une pénurie grandissante de plus de 2 000 médecins de famille. Grandissante car >20% de nos effectifs ont >60 ans et ne pense plus qu'à une chose actuellement: la retraite. Grandissante car de nombreux médecins de famille désabusés et épuisés regardent vers les herbes plus vertes de nos provinces voisines. Grandissante car les besoins de la population augmentent exponentiellement dû au vieillissement de la population et à la mauvaise santé métabolique de nos concitoyens, faute de prévention.
Il est déplorable que le gouvernement n'écoute pas ses propres experts et simplifie un problème complexe: c'est la faute des méchants médecins. Les médecins sont paresseux et ne travaillent pas suffisamment. Et surtout, les médecins sont responsables des échecs lamentables du système. Sortons le bâton, brassons la cage! Tout le monde sait, si vous me permettez l'ironie, que ce sont les méchants médecins qui ferment les salles d'opération faute de personnel, qui n'investissent pas dans la vétusté de nos hôpitaux, qui bâtissent des Maisons des Ainés à 1,8 M$ la chambre, qui n'arrivent pas à jouer convenablement leur rôle de médecin-psychologue-physiothérapeute-optométriste-dentiste-ergothérapeute-travailleur social pour pallier au manque d'effectifs des autres professionnels. Et eux qui osent prendre des congés parentaux, des congés de maladie, des départs progressifs à la retraite. Car oui, surprise, les médecins sont eux aussi des êtres humains qui doivent dormir, manger, avoir une vie familiale.
Cela prendra des décennies à se rétablir du mal fait par le dépôt du projet de loi 106. Combien de centaines de médecins sont déjà en train de se réorienter, fuir le Québec ou tout simplement prendre leur retraite? Les dégâts sont d'une tristesse infinie. La population du Québec mérite tellement mieux qu'une médecine fast-food aux 10 minutes, par des médecins blasés et désabusés... Je n'ose même pas imaginer l'augmentation des erreurs médicales, des mauvais diagnostics et de la morbidité-mortalité qui en découlera.
Je vous en prie... Aidez-nous à sauver la médecine familiale, pour le salut de la population québécoise. La médecine de famille est à l'agonie...
Julie Robitaille, M.D.
Comme d’innombrables collègues, je suis choquée par les orientations de notre gouvernement et de ses dangereuses dérives incluses dans le PL106.
Je suis médecin de famille, j’ai 18 ans de pratique. J’ai bientôt 44 ans.
J’ai travaillé 10 ans en urgence et hospitalisation, puis 7 ans en CHSLD (incluant chef-CHSLD durant toute la COVID), dans la région de Victoriaville. Tout ceci combiné avec du bureau depuis le début de ma carrière. J’ai près de 1 300 patients inscrits, dont 47% sont vulnérables, en plus de participer à l’offre GAP (1 100 pour mon groupe de 4 médecins) et à l’enseignement auprès d’externes et de résidents. Je suis la chef-GMF (GMF de Kingsey-Falls, qui regroupe deux sites) et la co-gestionnaire de la clinique médicale de Kingsey Falls, où 6 médecins y pratique.
La clinique a été entièrement rebâtie en 2023, à grands coûts et aux prix de nombreux efforts.
Nous avons une technologie de pointe, des locaux ergonomiques mais surtout, de précieuses employées que nous payons de notre poche (dont 4 infirmières privées pour 6 médecins), ce qui nous permet d’être de réelles magiciennes de l’efficience et de la qualité des soins dans ce réseau où tout est brisé, tout est un obstacle, où les professionnels GMF prévues au programme ne sont jamais fournies, etc. Vous comprendrez cependant que cette clinique nécessite d’énormes coûts de roulement - mais nous étions prêtes à amputer notre revenu pour augmenter la qualité des soins, l’accessibilité pour nos patients et par la bande, l’expérience client et notre propre bonheur au travail.
Je suis extrêmement fière du travail accompli et de mon équipe - 6 médecins merveilleuses, qui avons à cœur la qualité des soins, mais aussi l’accessibilité des soins, autant pour nos patients inscrits que les orphelins. Cette clinique au goût du jour et la précieuse collaboration avec nos infirmières privées nous permet d’ailleurs encore d’inscrire activement des patients, et d'augmenter notre groupe d'orphelins inscrits, bien que quatre d’entre nous exercent aussi en 2e ligne (CHSLD, UCDG et hospitalisation).
Mais...
L’accumulation successive de diverses lois pour nous « contrôler » et nuire à notre autonomie professionnelle ne cesse d’augmenter.
La lourdeur du réseau est le principal obstacle à l’efficience : les bourdes du CRDS, les erreurs multiples du nouveau laboratoire SIL-P qui nous met à risque d’erreurs médico-légales graves, tous les professionnels - physio, ergo, nutrition, psycho, TS, alouette! - qui désertent le réseau public, et j’en passe.
Mais ce projet de loi 106 dépasse l’entendement!
D’abord, il s’agit d’une baisse drastique de revenu, peu importe notre « efficience » […]
Ensuite, et surtout, relier une partie de notre rémunération à des cibles de performances, qui sont de facto impossibles à atteindre sans le support d’un réseau fonctionnel, de professionnels en appuis, etc.? Des cibles qui ne sont pas atteintes de par la mauvaise gestion des ressources humaines et financières de notre gouvernement, mais dont il refuse toute imputabilité? des cibles comportant des variables sur lesquelles les médecins n’ont aucun contrôle?
Des cibles de performance qui déshumaniseront complètement la médecine? […] (et de fait, quel problème de santé nécessitant une évaluation médicale se règle en 8 minutes? même les cas simples/"mono-problèmes" prennent plus que ceci pour faire des soins humains, centrés sur le patient et diligents - si c’est moins de 8 minutes, ça ne nécessitait simplement pas un rv médical!).
Des critères de durée pour les hospitalisation - vraiment? comme si on gardait les patients par pur plaisir à l’hôpital? […]
et la prévention là dedans, on n’en parle plus? on s’enfonce encore plus dans ce système où on attend que les gens soient brisés pour les réparer, au lieu de miser massivement sur la prévention et l’éducation?
et la relation patient-médecin, essentielle au suivi longitudinal? les liens que nous créons avec nos patients au fil des années sont précieux, autant pour les patients que pour nous, et est la base d’une médecine intégrative et humaine. Maintenant, des codes de couleur, une intelligence artificielle qui dirigera les gens vers « un » professionnel? Ne vous méprenez pas, je suis la première à vanter le travail interdisciplinaire et valoriser les compétences de tous les professionnels, mais n’est-ce pas un peu réducteur pour notre expertise de prétendre que tous et chacun peut nous remplacer après une formation tout à fait non-similaire? après tout, je ne me prétends pas infirmière, TS, physio, pharmacienne - ils ont leur propres expertises et compétences que je n’ai pas.
Si le projet de loi 106 passe, c’est la fermeture de la clinique médicale de Kingsey Falls. Oui parce que l'équilibre financier sera rompu. Mais avant tout, parce qu'aucune d’entre nous ne voudra travailler dans un climat qui n’est pas en accord avec nos valeurs humaines et nos obligations professionnelles et déontologiques. Oui, la retraite de la médecine, malgré notre moyenne d’âge de 39 ans - nous sommes assez jeunes pour nous orienter dans un tout autre domaine.
Puis, 25% des médecins de famille ont plus de 60 ans, n’êtes-vous pas inquiets de départs massifs à la retraite?
Et qu’en est-il aussi de nos collègues spécialistes? plusieurs envisageront la retraite aussi.
Des discussions avec des collègues d’autres cliniques et observer ce qui se passe sur les réseaux sociaux de groupes de médecins font aussi voir un autre phénomène: un départ significatif vers d’autres provinces ou d’autres pays, autant chez les médecins de famille que les spécialistes. Non, pas pour leurs propres poches - sauf exception, nous ne sommes pas ces médecins égocentriques et avides d’argent que le gouvernement aime bien dépeindre dans les médias. C’est le climat politique, le mépris, la désinformation dans les médias, les conditions de travail, la vétusté du réseau, l’absence de supports professionnels, l'absence d’outils de travail efficaces, puis l’accumulation successives d’obligations et de contraintes légales qui font fuir les médecins vers la retraite ou en dehors du Québec.
Et la relève? il ne faut plus la compter, la médecine familiale étant boudée au Québec depuis plusieurs années déjà. A-t-on vraiment besoin d'expliquer pourquoi?
Cet exode massif ne fera que fragiliser un réseau déjà sur le point de la rupture, pour les 15-20 prochaines années (car ceux qui quitteront, ne comptez pas sur le fait qu’ils reviendront une fois certains correctifs apportés.) […]
Bref, ce n’est pas parce qu'on impose aux équipes épuisées en place une cible de 100% de prise en charge, de X rv en moins de 72 heures et autres statistiques farfelues qui plaisent aux gestionnaires complètement déconnectés du réseau, que tout à coup on abolit l’attente et qu'on règle les inefficiences du réseau! Mais c’est exactement comme ça qu’on fait fuir les soignants, qu’on diminue la qualité des soins, qu'on abolit les soins humains, et qu’on fragilise encore plus l’accessibilité des soins - les soins ne peuvent PAS être accessibles s’il n’y a plus personne pour les donner!
On ne soigne pas mieux en pressant les médecins et tous les autres professionnels. On soigne mieux quand on les soutient. Le travail du Collège des médecins du Québec est de protéger le public, je crois qu’il est grand temps que le CMQ fasse une levée de bouclier ferme et claire, et protège le réseau, les professionnels qui y travaillent et surtout tous ses usagers, contre ce gouvernement qui politise à outrance la santé à des fins électorales, qui méprise ses soignants en colportant des faussetés dans les médias et qui n’écoute même pas les experts mandatés (par eux-mêmes!) pour corriger, oui, les problèmes d’accès et de fluidité dans le réseau.
Isabelle Lemieux, M.D.
Le dénigrement omniprésent de la profession médicale, surtout des spécialistes en médecine de famille, n'aidera aucunement la situation actuelle. On ne peut pas être tenus responsables de ce que nous ne contrôlons pas, notamment:
- Les 400 000 rendez-vous médicaux annuellement non honorés par la patientèle;
- L'absence du respect des engagements de personnel de la part des CIUSSS sans possibilité de recours de la part de nos GMF;
- L'absence de soutien des autres professions de la santé. Nous voyons trop souvent de cas qui auraient dû être vus en optométrie, en médecine dentaire ou en physiothérapie.
- Nos enjeux personnels et organisationnels.
- Les conditions des patients.
- Notre absence de filet de sécurité.
- Mes collègues chirurgiens contrôlent-ils davantage leur accès aux plateaux techniques?
Dans le contexte actuel, m'imposer jusqu'à 25% de pénalités salariales, tout en modifiant unilatéralement ma rémunération, avec un modèle incompatible avec une patientèle moins nombreuse et nécessitant des soins médicaux réguliers? Personne n’accepterait cela. Alors pourquoi nous? […]
Ultimement, ma responsabilité principale concerne ma qualité de pratique. Ça ne se mesure pas en volume, ça ne se mesure pas en satisfaction du patient. Des pénalités si les patients n'ont pas leurs prescriptions inappropriées voulues sont un non-sens et vont nuire à notre démarche. Je suis désolé, mais en tant que travailleur autonome sans filet de sécurité, si le Québec ne me permet pas de pratiquer ma spécialité dans des conditions sécuritaires pour mes patients et acceptables pour mon fonctionnement, j'irai ailleurs.
Je ne crois pas qu'on doive être nécessairement amis avec notre ordre. Cependant, ce dernier se doit d'assurer la protection du public et de l'exercice d'une médecine de qualité. Nos doléances ne viennent pas d'un ventre plein, mais d'un cœur brisé par la détresse personnelle et quotidienne que nous vivons. Et pourtant, on répond présent pour nos patients. Je vous remercie de partager notre inquiétude par rapport à la qualité des soins.
Dr Laurent Lévesque, M.D.
Je suis MDF au Lac St-Jean depuis 15 ans. Je pratique en cabinet ainsi qu’à l’hospitalisation.
Le PL 106 déposé cette semaine par M. Dubé est à mon avis la goutte de trop. La goutte de trop dans un système malmené et sous financé. Il devient de plus en plus difficile d’offrir des soins de qualité à la population dans ce contexte toxique entretenu par la classe politique. La première ligne médicale représente 3 % du budget de la santé. Comment peuvent-ils entretenir ces mensonges que Legault et Dubé profèrent devant les médias pour des votes ? Je regarde pour aller travailler ailleurs. Jamais je n’aurais cru penser ça (sauf quelques jours du temps de Barrette). Cette fois-ci par contre c’est trop. Je suis également président de mon association régionale d’omni… J’ai déjà quelques lettres reçus d’excellent médecins que j’estime grandement qui me mentionnent être prêts à partir à la retraite si ce torchon passe. Quelle gaspille de talents et de soins. Ce projet de loi, et l’attitude toxique de mari violent de la part de Legault et Dubé vont causer un tort irréparable à la profession de médecin de famille, déjà vampirisée par d’autres depuis 10 ans. Le ministre et son boss doivent cesser de mentir et doivent nous donner les données appuyant leur discours du tiers des médecins qui ne travaillent pas assez.
J’ose espérer que mon collège, qui me semble être le dernier rempart de la lucidité devant le gouvernement, va prendre acte de cette situation et mettre son pied à terre, au nom de la qualité des soins, au nom des patients du Québec qui méritent tellement mieux que ça. Le comité d’experts retenu par le ministre lui-même décrit les conditions gagnantes pour l’amélioration du système de la santé. Cela doit immanquablement passer par de l’écoute et de la collaboration. En continuant dans cette voie coercitive et dégradante, le réseau québécois court à sa perte et laisse la porte grande ouverte à au privé, ce que la CAQ semble vouloir depuis le début, sous des apparences de bon père de famille, le loup est déjà entré dans la bergerie.
Kevin Girard, M.D.
Je me permets un court message pour m’exprimer. En toute franchise, je suis d’avis que le CMQ emboîtera le pas au gouvernement en critiquant la performance de la profession médicale et en avalisant une nouvelle salve de « doctor bashing ».
Dans tous les cas, cette attaque est pour moi la goutte qui fait déborder le vase. Depuis 7 ans, je me donne à 100 pourcents. Je ne compte pas les heures. Je supporte plusieurs semaines par année mes collègues en région. Malgré cela, et les efforts que je perçois de mes collègues, nous sommes continuellement la cible des critiques.
La performance, ça se discute. Le gouvernement veut en fait masquer une réduction substantielle de nos revenus avec cette performance. Il nous fragilise mentalement et financièrement. Nous n’avons aucun avantage social. Je suis désolé mais je ne vois pas comment nous pourrons prodiguer des soins de santé de qualité alors que nos pensées sont envahies par le traitement qui nous est réservé.
Je pense personnellement quitter la profession où la province à la recherche d’un milieu qui me respecte.
Sebastien Lachance, M.D.
Il n'est pas réaliste de pratiquer une médecine de qualité en augmentant le débit au nom de la performance. Il n'est pas réaliste d'augmenter la performance actuelle des médecins de famille avec la pénurie de ressources et le dysfonctionnement du système de santé.
Dans le contexte actuel, demander aux médecins de famille d'être responsable de toute la population mènera directement à une diminution de l'accessibilité et une réduction de la qualité des soins.
En ce sens, le projet de loi 106 ne protègera pas le public.
L'objectif réel de la loi 106 est donc questionnable.
Marie-Odile Gilbert, M.D.
Je trouve cela très inquiétant ce qui se passe avec le PL106. Cela semble une autre façon, comme ce qui a été fait avec santé Québec, de déresponsabiliser le gouvernement pour toute sa mauvaise gestion et ses erreurs du passé. Par exemple les AMP qui ont obligé pendant des années les médecins à exercer en établissement ce qui a fait souffrir pendant longtemps la première ligne.
Plutôt que d'ajouter d'autres règlements et contraintes à ceux déjà en place, il serait beaucoup plus efficace de trouver des solutions concertées. Ce qui m'inquiète c'est que cela poussera encore davantage de médecins vers la retraite, vers d'autres provinces / pays (comme ce qu'on lit beaucoup sur les réseaux sociaux) ou une réorientation de pratique en quittant le bureau (ce que je songe actuellement). Tout cela juste après avoir déposé une loi pour interdire de façon discriminatoire le passage au privé...
Le Collège des médecins devrait agir car son mandat n'est-il pas de protéger les patients ? Bientôt il ne restera plus grand médecin au Québec pour soigner les patients...
Aussi je trouve cela très préoccupant d'entendre qu'aux dires du ministre de la Santé dans les médias le projet de loi a été recommandé par le Collège des médecins pour élargir l'accès universel. Quand je pense qu'il va à l'encontre à plusieurs articles du code de déontologie du Collège des médecins du Québec :
article 7: Le médecin doit ignorer toute intervention qui ne respecte pas sa liberté professionnelle.
article 43: Le médecin doit s'abstenir d'exercer sa profession dans les circonstances ou états susceptibles de compromettre la qualité de son exercice ou de ses actes ou la dignité de la profession
Article 63,1: le médecin ne doit adhérer à aucune entente ni accepter aucun bénéfice susceptible d'influencer son exercice professionnel tant au regard de la qualité des soins que leur disponibilité et de la liberté de choix.
Je vois mal comment nous pourrons respecter notre code de déontologie avec le PL106 et le collège des médecins devrait il me semble se prononcer haut et fort contre ce projet.
Renaud Lambert-Julien, M.D.
L’heure est grave. Le CMQ doit prendre ses responsabilités et avouer qu’il s’est trompé.
Vous avez cru protéger la population en suggérant d’interdire aux médecins de quitter le système public. Maintenant avec le PL 106 ce sera bien pire…Les objectifs de performance à atteindre pour éviter les coupures de 25% sont non seulement impossibles à atteindre mais elles sont pour plusieurs hors de notre contrôle. Aussi le PL 106 va aussi à l’encontre de notre code de déontologie ( # 63-64-71-72-88-107). Sans parler des 25% ou plus des médecins de famille qui partiront à la retraite. Plus il y aura de départs, plus il y aura de pression sur les plus jeunes, moins il y aura de nouveaux résidents en médecine familiale et la population n’aura même plus accès au privé pour répondre à ces besoins… La nature ayant horreur du vide, ce sont les ipspl, qui elles peuvent faire ce qu’elles veulent, comme c’est beaucoup le cas présentement, qui travailleront au privé avec d’excellentes conditions de travail et une rémunération plus que généreuse.
Aussi on ne peut passer sous silence que les autres professionnels ( IPS, sages femmes et autres) gagnent déjà plus que les omnipraticiens à tâche égale… […] Tout cela ne va pas motiver beaucoup les médecins à donner le meilleur d’eux même, et ce à rabais, dans des conditions épouvantables qui nous exposent de plus en plus au niveau médico-légal […] en plus qu’on nous fait porter le poids de la destruction politique de notre système de santé habillement débutée depuis des décennies. Il y a des limites à toute chose et ici on se retrouve dangereusement proche d’un point de rupture, c’est tellement triste.
Le CMQ doit prendre ses responsabilités, ce que le ministère de la Santé a abandonné sur le dos de Santé Québec et des médecins. S’il ne le fait pas, il devra répondre de sa non-action devant les médecins et surtout la population. Il y a urgence d’agir, j’espère que le collège ne se laissera pas avoir par le gouvernement et ne me décevra pas une fois de plus. Je suis un médecin dévouée qui aime son travail plus que tout, mais je suis aussi épuisée, mentalement et physiquement et je ne pourrai malheureusement pas poursuivre dans ces conditions si rien ne change. Cela n’en vaudra plus la peine. Je suis déjà performante, et je pourrai l’être ailleurs ou dans un autre domaine. Assez c’est assez.
Annie Gagnon, M.D.
Nous avons à cœur comme médecin, d’offrir une médecine de qualité, accessible pour tous. Nous sommes très conscients que 85% des québécois ont accès à un médecin de famille et qu’il reste 15% de patients orphelins qui nécessitent eux aussi des soins. Nous devons trouver une solution pour offrir des soins de qualités à TOUS. Je comprends que ce projet vise à favoriser une prise en charge collective de TOUS les patients du Québec avec une rémunération par capitation en groupe pour les patients.
Toutefois, je souhaite exprimer mon avis selon lequel cette approche peut présenter des risques significatifs en matière de qualité des soins.
L’inscription en groupe, bien que pouvant sembler attrayante sur le plan organisationnel, va diluer la responsabilité individuelle. Lorsque la responsabilité est partagée entre plusieurs professionnels sans une attribution claire, il peut en résulter une prise en charge superficielle des patients. Cette situation pourrait compromettre le suivi rigoureux des examens et des traitements, comme le confirment diverses études et le groupe d’expert engagé par le gouvernement récemment. On l’a vu avec le GAP que l’inscription en groupe, peut compromettre gravement la qualité et le suivi des soins. Lorsque tout le monde est responsable, personne n’est réellement responsable.
Je comprends que de façon transitoire l’inscription de groupe pour une minorité de la population comme le GAP actuellement, permet d’offrir des soins à plus de personnes, mais cela ne devrait pas être le modèle à retenir pour le futur. Cela peut être acceptable le temps d’avoir assez de médecins pour offrir un médecin de famille à chaque patient.
Ainsi pour éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain, pourquoi ne pas conserver l’inscription individuelle pour ceux déjà inscrit, offrir une inscription de groupe pour TOUS les autres québécois à un milieu de soin de leur secteur qui pourront, par la suite, être inscrit individuellement à un médecin de famille au fur et à mesure que de nouveaux médecins viennent grossir les rangs de la profession.
Un autre point important, la rémunération par capitation en groupe risque d’alourdir le processus de gestion et de diminuer le temps que les médecins peuvent consacrer aux soins directs des patients. Cette surcharge administrative pourrait nuire à l’efficacité et à la qualité des soins offerts.
Enfin, la mise en place d’une capitation en groupe va également entraîner des conflits entre médecins quant au partage des forfaits, ce qui serait contre-productif et nuirait à la collaboration nécessaire pour une prise en charge optimale des patients.
Je crois fermement que pour assurer une médecine de qualité, chaque patient devrait être suivi par un médecin de famille attitré, garantissant ainsi une continuité et une personnalisation des soins. Le modèle de capitation en groupe pour l’ensemble des québécois, tel qu’il est envisagé dans le projet de loi 106, est inadapté pour répondre à ces exigences de qualité.
Je vous encourage à refuser cette approche et à privilégier des solutions qui favorisent une prise en charge individualisée avec support en groupe et une collaboration interprofessionnelle, conformément aux principes éthiques et déontologiques de notre profession.
Sébastien Lavoie, M.D.
Je vous partage le message que j'ai partagé à M. Legault, M. Dubé, la FMOQ, l'AMOM et mes députés locaux.
Je vous écris pour vous faire part de mes inquiétudes par rapport au projet de loi 106.
Je suis résidente de la circonscription Saint-Henri-Sainte-Anne et je travaille comme omnipraticienne dans la circonscription de Sainte-Marie-Saint-Jacques, à Montréal.
Je travaille plus précisément à la Clinique médicale Fémina, dont je suis également copropriétaire, où nous pratiquons des interruptions de grossesse du premier trimestre et où nous offrons des services de contraception (counselling, prescription, insertion-retrait de stérilet, insertion-retrait d’implant et vasectomie).
Nous pratiquons environ 20% des avortements à Montréal, pour lesquels nous avons une entente avec le CIUSSS Centre-Sud, et 10% de ceux réalisés à travers tout le Québec.
Nous offrons environ 100 rendez-vous de contraception par semaine.
Pour ces deux secteurs de service, nous voyons bien sûr des gens de Montréal, mais également de bien plus loin, car ils ne trouvent pas toujours de services comme les nôtres (rapides, efficaces et empathiques) dans leur région.
Les médecins qui travaillent à la clinique sont exclusivement des omnipraticiens et notre rémunération se fait actuellement à l’acte. Certains font de la prise en charge dans d’autres milieux et certains ont des AMP (activités médicales particulières) différentes (IVG, hospitalisation, réadaptation, obstétrique, enseignement, etc).
De mon côté, j’ai déjà accepté une coupure de 30% de mon salaire pour me concentrer exclusivement à cette pratique que je juge essentielle, mais qui n’est plus reconnue comme AMP.
Nous ne sommes pas GMF et notre milieu ne fait donc pas d’inscription, car nous avons une pratique de 2e ligne de médecine familiale, pour laquelle nous recevons de multiples références de la part de médecins de famille, de gynécologues, de pharmacien(ne)s, d’IPS, d’infirmière clinicienne.
Le projet de loi 106 n’est cependant pas très clair par rapport à ces pratiques particulières, sans prise en charge ; qu’arrivera-t-il de la rémunération de ces médecins?
La valeur de nos actes n’a déjà pas augmenté depuis 2019, où nous avions alors eu une augmentation d’environ 1%. Ce pourrait-il que ce soit encore plus bas?
Comme médecin, je pense que le manque de valorisation de cette pratique est très triste et est un affront aux femmes, qui reçoivent ces services, mais également aux médecins, majoritairement féminins, qui œuvrent dans ce domaine.
Si nous voulons offrir de la contraception gratuite, encore faut-il que les femmes puissent y avoir accès! Et si l’accès à l’avortement est important, il faut pouvoir offrir les deux options (par instruments et par médicaments), à toutes les femmes, partout au Québec.
Comme copropriétaire de clinique, je m’inquiète également des impacts de ce projet de loi, car si les revenus des médecins diminuent drastiquement à la clinique, la marge de manœuvre de la clinique également.
Nous sommes un employeur qui se doit d’offrir de bonnes conditions à nos employées, nos coûts fixes (loyer, assurances, etc..) augmentent comme pour toute la population, le prix des fournitures explose, les exigences de laboratoires, de stérilisation prennent une ampleur démesurée, mais auxquelles nous devons nous conformer pour poursuivre nos activités.
Le contrat que nous avons avec le CIUSSS était indexé à moindre coût que l’inflation.
C’est l'implication des médecins dans ces pratiques et possiblement la survie de ces cliniques qui donc aussi en jeu.
Nous voyons bien sûr des personnes sans médecin de famille pour qui nous sommes une bouffée d’air frais dans leurs recherches de services.
Mais nous voyons également beaucoup de personnes qui ont déjà des médecins de famille, mais qui sont parfois trop loin, qui ne sont pas à l’aise avec la contraception ou avec ces gestes techniques ou encore pour qui une situation particulière se révèle au-dessus de leurs capacités.
Nous voyons également beaucoup de gens hors-RAMQ, de l’immigration temporaire ou permanente, en attente d’un statut, pour qui l’accès à un médecin de famille ou au réseau « classique » est très ardu.
C’est à tous ces gens qu’on dira que notre pratique n’est pas reconnue ?
Ces cliniques, les médecins qui y travaillent ainsi que la population que nous desservons doivent être considérés dans votre réflexion.
Maude Côté-Leduc, M.D.
Bonjour, je suis une nouvelle médecin de famille depuis moins d’un an et je travaille dans la région de Québec. Voici mon avis sur le projet de loi 106: Je suis un médecin qui ne « travaille pas assez » selon M. Dubé, car j’ai « seulement » 300 patients (bien que je travaille 5 jours par semaine). Le projet de loi ne prend pas en compte le fait que tous les médecins de moins de 15 ans de pratique sont soumis aux AMP et dans la plupart des cas, un AMP mixte est exigé pour répondre aux différents besoins du territoire.
Pour ma part, en plus de la prise en charge en GMF, mon autre AMP est les soins palliatifs à domicile. Comme vous vous en doutez, ce sont des patients extrêmement complexes et qui nécessitent parfois plusieurs visites par semaine afin de leur permettre d’être bien soulagés et de rester chez eux le plus longtemps possible et, parfois même, y décéder. Même lorsque je suis au GMF, je dois souvent répondre de manière urgente pour ces patients qui sont très vulnérables. Je ne peux donc pas augmenter mon nombre de rendez-vous par jour au GMF. En plus de cette quinzaine de patients de soins palliatifs, j’ai aussi une dizaine de patients gériatrique en perte sévère d’autonomie que je vois à domicile. J’ai accepté de les prendre en charge lors d’un transfert en bloc d’un médecin qui part à la retraite afin d’éviter qu’ils se retrouvent sur le guichet. De plus, sur mes 300 patients au GMF, environ la moitié ont plus de 65 ans et/ou sont vulnérables et ceci par choix. J’ai demandé moi-même au GAMF des patients âgés et vulnérables, car je suis persuadée que ce sont ces patients qui ont le plus besoin d’un suivi même si pour moi c’est beaucoup plus de travail. La plupart des patients que je prends en charge dernièrement n’ont pas vu de médecin depuis 6-10 ans. La prise en charge est alors très complexe et plusieurs patients « en santé » avaient en fait un diabète non diagnostiqué, de l’hypertension non traitée, une polypharmacie inappropriée, etc. Ça ne se règle pas en 10 minutes comme vous vous en doutez.
M. Dubé semble penser que lorsque l’on n’est pas en train de facturer un acte ou de voir un patient on n’est pas en train de travailler. Pourtant je travaille plusieurs heures (non rémunérées) par semaine à gérer les laboratoires, les fax de pharmacie, les rapports de spécialistes, etc. Je suis débordée et je ne peux pas en faire plus. Nous avons besoin en tant que société d’investir dans des solutions à long terme comme la prévention, les soins à domicile et le travail interdisciplinaire. En tant que jeune médecin je ne me vois pas travailler 30-40 ans avec la pression de performance que veut imposer M. Dubé. En cette première année de pratique, il y a eu des hauts, mais aussi beaucoup de bas. La seule chose qui me raccroche c’est la reconnaissance des patients. Je suis dévouée à mes patients, mais pas au prix de ma propre santé. Ce projet de loi n’améliorera pas la prise en charge, il fera simplement fuir les médecins qui s’occupent des plus vulnérables et qui offrent des soins de qualité aux patients.
Marie-Eve Buteau, M.D.
Ouvrir la porte à des indicateurs de performance sans les baliser et sans système de rétrocontrôle c'est mettre le doigt dans un engrenage où l'intérêt politico-économique va primer sur la qualité du soin, et où le patient et son médecin seront des variables d'ajustement entre les mains d'acteurs politiques.
Le climat actuel est extrêmement toxique et démoralisant. Les médecins sont traînés dans la boue par le ministère et les médias et présentés comme des parasites dépensiers et paresseux. Il n'y a clairement pas de négociation, mais un rapport de force malsain qui au final va pénaliser le patient.
La grosse part de 50% de capitation encourage les médecins à inscrire un volume excessif de patients mais la valeur des actes (18$ la visite d'après la proposition de mars 2025) et le tarif horaire (27$/h) sont clairement en décalage avec la réalité et ne motiveront jamais un médecin à majorer son volume d'heure. Surtout s’il n'a aucune emprise sur des indicateurs qui ne dépendent pas directement de lui.
On va se retrouver dans la situation suivante : des cliniques avec un volume de patients inscrits énorme pour faire du chiffre via la capitation, et une absence de rendez-vous et de disponibilité de la part des médecins, qui ne seront clairement pas motivés par les tarifs dérisoires avancés par le gouvernement.
Je ne parle même pas des autres professionnels de première ligne, qui ne sont clairement pas à la hauteur des besoins, des sommes monstrueuses englouties par le mammouth administratif, et de l'embouteillage de la 2e ligne qui se reporte de facto sur la 1ere ligne : au moins 30 à 50% de mes consultations sont du damage control en attendant que le patient ait son examen complémentaire ou bien soit pris en charge par son chirurgien ou son spécialiste, ou bien puisse avoir accès à un psychologue, un physio ou une T.S... Ni des formulaires à rallonge et du temps administratif qui gaspille au moins 30% de mon temps de travail.
Le CMQ ferait mieux de soutenir les médecins plutôt que de les bâillonner en les intimidant et en leur interdisant la plupart des moyens de protestation efficaces, y compris le départ au privé. Le code de déontologie est clairement en contradiction avec des indicateurs de performance qui détruisent l'indépendance et l'autonomie des médecins, et les empêchent de prodiguer des soins de qualité car on les force à inscrire en masse et à porter une responsabilité qui les dépasse.
Votre complicité dans l'interdiction du privé quelques semaines avant le dépôt de la loi 106 passe très mal à mes yeux.
Pour mon cas personnel, j'en ai assez. Je cesse le bureau d'ici 2 ans maximum. C'est regrettable car j'aime mon travail et mes plus de 1000 patients, mais ma santé mentale passe avant, et est indispensable pour faire un travail de qualité. Si ce n'était pas des raisons familiales, je partirais demain. Fermer la porte du privé ne m'empêchera pas de fuir le climat infect de la première ligne au Québec : j'ai un diplôme reconnu dans une trentaine de pays et un passeport. […]
Lionel Linck, M.D.
Avec ce nouveau projet de loi, le gouvernement veut pousser les médecins à faire de la médecine aussi rapide que la restauration…
Je ne vois pas en quoi il est dans l’intérêt du patient.
Je suis entièrement d’accord qu’il y a un problème d’accessibilité, qui s’est amoindri avec l’arrivée du GAP. Il reste du chemin à faire, mais le projet de loi 106 n’est pas la solution, tant pour la population que pour le corps médical.
Julie Cormier, M.D.
Je trouve qu’aucun aspect de cette loi ne fait du sens, pas comme elle est présentée actuellement. C’est très réducteur comme loi et ça démontre bien que le gouvernement ne comprend pas comment le système fonctionne actuellement à mon avis. Si elle est appliquée, certains points pourraient même aller contre notre code de déontologie. Le CMQ devrait le dire haut et fort dans les médias. On ne peut pas performer a tout prix en médicine, on traite des humains et ceux sur le terrain savent bien que le manque de performance provient de multiples éléments: amp en autre chose que PEC, manque de personnel et déficience en gestion entre autres. Les GMF ne pourraient pas fonctionner du tout si l’offre sur la table est entérinée et devront fermer, car c’est nous qui le finançons en bonne partie avec notre salaire. Bien que la capitation Nest pas une mauvaise idée en soit, le salaire proposé aux omnis en première ligne est ridicule et insultante. Je suis aussi très déçue de toute la désinformation qui se dit dans les médias. J’aimerais bien que le CMQ se prononce d’avantage en notre faveur et qu’il corrige une fois pour toutes les faussetés entendues dans les médias. Merci!
Marie-Pier V. Brizard, M.D.
À titre de présidente de mon asso régionale, j’ai rencontré plusieurs membres et résidents: tous sont dévastés par ce projet de loi qui dénigre la profession et les médecins. Visiblement, le gouvernement ne saisit pas ce qu’est l’essence de la médecine familiale, l’importance du suivi longitudinal, de créer des liens de confiance avec nos patients. La 2e ligne sera aussi impactée: être performant sans les outils, ne pas avoir de contrôle, met en échec la performance de tous les médecins. Pour les résidents, ne reste que la fuite vers d’autres provinces ou le joug. Pour les médecins établis, le joug, la retraite, le changement de carrière ou la fuite vers d’autres provinces. On voit nos voisins ontariens mettre 1 G$ en première ligne pour améliorer l’accès, l’Alberta qui recrute des médecins plus facilement depuis les derniers incitatifs financiers. Aucune autre province canadienne n’a de PREM ni AMP ni ne fonctionne avec autant de coercition que le Québec. Les autres provinces ont un mécanisme d’arbitrage, pas nous. Pourquoi ne pas nous inspirer de ce qui fonctionne ailleurs au Canada?
Les patients se font chanter la pomme par le gouvernement, mais ce projet de loi ne fait que les amener en bateau.
La détresse est grandissante chez les médecins et plusieurs risquent de quitter le bateau québécois, alourdissant encore la charge pour ceux qui restent.
Personnellement, j’ai toujours conservé mon permis de pratique de l’Ontario, depuis 1992, on ne sait jamais…plan B.
Dre Lyne Couture, présidente
Je suis en pratique depuis douze ans comme médecin de famille où j'ai travaillé en cabinet, en CLSC, à l'urgence et au soutien à domicile en milieu rural comme urbain. En plus, je suis médecin responsable de notre GMF depuis dix ans.
Ça fait douze ans que je tiens espoir qu'un jour le gouvernement va valoriser la médecine familiale et qu'on va comprendre, comme avec les infirmières, qu'on est la fondation sur laquelle un système de santé se repose. Je gardais espoir qu'avec une pénurie de 2 000 médecins de famille, qu'avec un autre 2 000 médecins de famille qui prendront leur retraite d’ici 5 ans et qu'avec les nouveaux médecins qui fuient la prise en charge en médecine familiale, sûrement il doit faire quelques choses pour aider.
Ce mercredi, avec le PL106 j'ai perdu toute confiance dans notre ministre de la maladie et je vois là qu'il n'a aucun avenir pour la médecine familiale au Québec. Avec ce geste, il a éteint ma passion pour la médecine et pour la première fois cette semaine, après 20 ans de faire la promotion de la médecine familiale aux étudiants en médecine, j'ai dit à mon étudiante, d'éviter de venir médecin de famille au Québec. Je ne vous cache pas que ça s'était un trauma profond pour ma psyché et mon identité comme médecin de famille.
Là, il faut à nouveau comme à chaque fois qu'il change les règles mi-parties, faire le constat des dommages. Si ça passe comme, et qu'il nous force à avaler ça avec les mains menottées, un tiers des médecins de GMF vont quitter la pratique, moi compris, et on va perdre notre statut GMF et il y aura un autre 4 000 patients sans médecins. J'appelle au secours pour la médecine familiale!
Anthony Rizzuto, M.D.
Je suis un médecin de famille depuis 2002. J'ai toujours rêvé de faire cette profession. J'ai fait des sacrifices pour y arriver. J'ai choisi la médecine familiale. Avec mon cœur. Je voulais soigner des familles, des gens de tout âge, voir toutes sortes de problèmes.
Et surtout, je voulais faire le suivi de ces gens au long cours. Après presque 23 ans, je peux vous affirmer que j'adore ce que je fais encore. A 51 ans, je me donne encore 10 ans pour travailler à temps plein et ensuite, à temps partiel si ma santé le permet.
J'aime mon travail. Mais je déplore les conditions dans lesquelles je travaille. Depuis mon entrée dans le système de santé québécois, les conditions ne cessent de se détériorer. J'ai de plus en plus d'obligations à remplir à cause du gouvernement et je n'ai pas d'aide supplémentaire.
Si le projet de loi 106 passe, je songe très sérieusement à changer de carrière. Voici pourquoi:
1. Je suis déjà à la limite de ce que je suis capable de faire en termes de temps de travail. Je travaille déjà trop. Je dois travailler les soirs et les fins de semaine pour faire de la paperasse et je n'ai déja pas assez de temps de repos. […]
2. Je ne baisserai pas mes standards de pratique pour évaluer des patients en 8 minutes. Les patients parlent et pleurent. […]
3. Je dois suivre mon code de déontologie où on peut lire:
Le médecin doit, dans l'exercice de sa profession, tenir compte de ses capacités, de ses limites ainsi que des moyens dont il dispose.
Le médecin doit s'abstenir d'exercer sa profession dans des circonstances ou états susceptibles de compromettre la qualité de son exercice ou de ses actes ou la dignité de la profession.
Le médecin doit exercer sa profession selon des principes scientifiques.
Le médecin doit ignorer toute intervention qui ne respecte pas sa liberté professionnelle.
Le médecin ne doit adhérer à aucune entente ni accepter aucun bénéfice susceptible d'influencer son exercice professionnel tant au regard de la qualité des soins que de leur disponibilité et de la liberté de choix du patient
Le médecin doit s'assurer que la priorité d'accès à des soins médicaux soit donnée à un patient strictement en fonction de critères de nécessité médicale.
Mon revenu total est un chiffre d'affaire. J'ai une entreprise à gérer (je fais la gestion d'une clinique médicale avec mes collègues). C'est moi qui paye tous les frais de la clinique avec mes collègues. Je dois me prendre des assurances médicaments, assurances responsabilité, assurances invalidité, assurance vie. […]
Bref, si le projet de loi passe, je n'aurai pas d'autres choix que de devancer ma retraite de la médecine et de faire carrière dans un autre domaine. Le métier que j'aime tant, le métier pour lequel j'ai fait des gros sacrifices, des grosses études, je vais l'abandonner. Car ce sera une question de survie pour moi. Et plusieurs feront comme moi. Et au final, ca sera une question de survie de notre système de santé public québécois.
Mylene Simard, M.D.
C’est totalement inacceptable. Comment le CMQ pourra-t-il protéger le public si la responsabilité est partagée?
Comment voulez-vous que nous inscrivions tous les patients alors que les goulots d’étranglement sont au-delà de nous?
Combien le gouvernement dépensera-t-il en fonctionnaires pour « surveiller « notre performance alors que nous n’obtenons pas les laboratoires, les imageries ni les consultations spécialisées suite à notre visite en 1re ligne?
Et avez-vous surveillé la volumétrie des sages-femmes, des IPSPL, des infirmières ou travailleuses sociales et autres professionnels en GMF?
Quand est-ce que le CMQ va nous démontrer qu’il souhaite vraiment que nous offrions des soins de qualité?
Marie-Pierre Chalifoux, M.D.
Ce projet de loi ignore tout bonnement l’aspect qualitatif des soins, de toute nature, et fait de la performance une donnée quantitative. La médecine ne peut être réduite à des chiffres et s'obstiner dans cette voie est une perte de temps.
Certaines des cibles proposées, même incomplètes, sont déjà inatteignables et déconnectées de la réalité. Je me questionne à savoir si des médecins ont participé à l'élaboration de ces cibles ou plus globalement au projet de loi.
Tout aussi important, ce projet occasionne énormément de stress chez les médecins. La possibilité d’une réduction salariale comme celle qu’engendrerait ce projet de loi est une source majeure de stress, peut-être particulièrement pour les nouveaux médecins qui ont encore plusieurs dettes à rembourser. Quand on choisit de pratiquer la médecine, on ne sait pas toujours dans quoi on s’embarque, mais la sécurité financière est une constante. Non, une garantie. Il est inacceptable de se faire retirer cette sécurité.
À cela, ajoutons que la déshumanisation des soins que requerraient ce projet de loi serait une atteinte directe aux médecins, déjà en crise actuellement. La santé mentale de nos soignants est en jeu avec ce projet et il est bien établi que l'offre de bons soins de santé passe par des soignants en santé.
Non au PL106.
Pascale Bouvet-Bouchard, M.D.
Voici mon histoire:
J’ai quitté ma pratique au bureau parce que je savais que j’allais être un meilleur médecin à soigner des patients en soins palliatifs et à l’hôpital. […]
Je vois mal comment la loi 106 peut être appliquée pour mon domaine : performance c'est l'antagoniste de soins de fin de vie. C'est fondamental pour moi d'être investie afin d'alléger le processus de fin de vie à mes patients et leurs proches mais le gouvernement me demande d’être performante. Humanisme, dévouement, prendre le temps... c'est de cette façon qu'on offre des soins de fin de vie de qualité. Non seulement mon travail a un impact sur mes patients mais aussi sur leur famille et le deuil. Et m’investir comme je le fais à 27$/h c’est rire de moi. En plus, le fait de ne pas pouvoir être performante dans mon domaine, je risque non seulement de réduire mes revenus mais aussi impacter le salaire de mes pairs. Cela n'a absolument aucun sens. Avec la loi 106, il est évident pour moi que la solution serait de travailler en Ontario ou faire de la télémédecine au privé à temps plein qui me rapportera un salaire plus élevé que ce que je fais actuellement au système public qui est brisé. À quoi me sert-il de continuer à vouloir travailler dans un réseau qui ne veut pas de moi? Je ne ferais pas mon emploi actuel pour moins de rémunération surtout que je me bats à fond pour tenter de changer les choses sur le terrain. J’ai du potentiel, du talent, de la passion et de la détermination. Je saurais faire profiter un employeur qui va me respecter et qui me traitera à ma juste valeur.
Anita Trinh-Leang, M.D.
[…] La seule façon d’améliorer le fonctionnement du système de santé et diminuer les listes d’attente et les délais d’accès aux services, c’est de recruter des médecins, infirmières, infirmières auxiliaires, travailleuses sociales, psychologues, technologues et autres professionnels; et augmenter le nombre de lits aigus, lits de réadaptation et lits de soins prolongés et hébergement. Toutes les autres ressources : médecine de jour, chirurgie d’un jour, soins à domicile, suivi intensif dans la communauté, devront aussi être augmentées. Autrement, on ne videra jamais ces listes d’attente, et on peut commencer à se demander si l’espérance de vie pourrait en souffrir éventuellement.
J’ai beau chercher, je ne trouve que peu d’annonces concrètes du ministère de la santé qui pourrait laisser entrevoir qu’on veuille augmenter significativement le nombre de lits, d’infirmières et autres professionnels […]
À la défense du gouvernement, on parle d’un nouvel hôpital pour remplacer l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, avec une augmentation substantielle du nombre de lits (de 400 à 720), mais ce projet est dans les cartons depuis au moins 2021 et peine à se réaliser (La Presse+, 27 mars 2025). On semble cependant vouloir augmenter les services à domicile, le nombre de préposé(e)s aux bénéficiaires, le nombre d’auxiliaires et le nombre d’étudiants en médecine. Bravo, mais ça va prendre au moins 7 ans avant de voir des résultats concrets à cette dernière mesure; si les nouvelles cohortes commencent en septembre 2028, ça mène à 2035 pour un médecin de famille, et 2038 ou 2039 pour un spécialiste… et il faut trouver des professeurs, des superviseurs et des milieux de stage. À terme, cette mesure augmentera tout de même significativement le nombre de médecins au Québec et améliorera l’accès à la première ligne et aux services externes, mais pas aux services qui nécessitent une hospitalisation. En revanche pour mettre en œuvre la loi 15, il y eu des embauches de gestionnaires. Le ministère se concentre sur l’administration et l’encadrement du système, pas sur le nombre d’intervenants. En mettant toute l’emphase, et toute l’énergie sur son projet de loi, le ministre garde dans l’ombre toute la question du ratio lits et ressources humaines/population. Le ministre montre qu’il ne veut pas accroître ces ressources.
Les administrateurs et gestionnaires adorent se donner des objectifs à atteindre pendant leur mandat. Il serait temps de demander au ministre de la Santé de rendre publics les objectifs au Québec en termes de : nombre de lits d’hôpitaux/population, nombre de médecins, d’infirmières, de psychologues, de travailleuses sociales et autres professionnels de la santé/population.
Marc Lonergan, M.D.
Note : L’auteur de ce commentaire a soumis un article complet sur son analyse; nous avons choisi de publier un extrait dans l’espace Forum.
Je suis retraité depuis 2 ans après une carrière de 50 ans. J’endosse bien des commentaires de mes confrères. Voici 3 de mes principales observations:
1* Je suis un cobaye de la réforme de 1968 de la formation médicale. Un nivellement par le bas qui a heureusement été récupéré par ma formation clinique de 4e et 5e année. J’ai acquis une plus grande sensibilité sociale et psychologique aux facteurs déterminants de la santé au détriment de connaissances et d’habilités spécifiquement médicales.
2* Dans mes 10 premières années de pratique j’ai cru à l’équipe multidisciplinaire. Résultat: 2 médecins plein temps avaient 85% de la prise en charge des patients contre 15% pour 6 temps plein des professionnels non médecins.
3* J’ai dirigé une maison privée de thérapie pour troubles concomitants (usage de substances et troubles psychologiques) pendant 23 ans accréditée par Agrément Canada. Résultats: 1 médecin pour 12 membres de personnel professionnel et de soutien, per diem 5 FOIS moindre qu’un traitement semblable en établissement public.
Plusieurs spécialistes constatent que le système de santé est un mammouth et c’est vrai. Il a besoin d’une chirurgie de son code génétique, une révision des prémisses de la réforme Castonguay, une bonne idéologie mais déconnectée de la réalité. Prioriser les services en fonction d’un code couleur et de l’importance de la pathologie, c’est revenir à une notion de maladie et non de santé. La dimension prévention devrait être la spécialité d’une autre discipline.
Benoit Girard, M.D.
Il est inconcevable de parler d'indicateurs de performance dans un contexte de soins de santé.
On ne peut pas suggérer aux médecins comment pratiquer la médecine, ou comment être plus performant. Les variables sont trop nombreuses.
Le médecin, le patient, la maladie et le contexte.
Pour moi la performance c'est de m'en tenir aux recommandations officielles et plus pour le mieux-être de mes patients peu importe le temps que cela demande; c'est-ce que l'on appelle être consciencieux.
Pour le reste cela est hors de mon contrôle comme "voir plus de malades à dans un temps donné". Tourner les coins rond " ou diminuer la qualité des soins pour la quantité. C'est contre notre code d’éthique...
Voilà cela nous concerne tous. Et ça me rassure de savoir que le collège sera toujours là pour veiller à la qualité des soins au Québec.
Jean Lamarche, M.D.
Le projet de loi 106 rejette la responsabilité d'un système défaillant sur les médecins de famille, comme si nous étions le problème au lieu d'être ceux qui le maintiennent en place. Il accumule les attentes irréalistes sans s'attaquer aux problèmes fondamentaux, tels que la pénurie de personnel, le manque de ressources et un gouvernement qui refuse d'écouter. Nous avons besoin de collaboration, et non de conflit, pour améliorer notre système de santé.
Alex Kooiman, M.D.
Note : Ce message a été traduit avec un outil d’intelligence artificielle.
Tout d’abord, je trouve déplorable l’attitude du gouvernement envers les médecins de la première ligne. Il est faux de dire que le tiers des médecins de famille ne travaille pas suffisamment. Il a été clairement démontré que les médecins font de nombreuses tâches non comptabilisées. Le gouvernement semble faire la sourde oreille et il n’est pas capable de justifier de tels propos. Il n’y a rien de constructif afin d’améliorer l’accès aux soins.
Ce projet de loi risque de démobiliser les médecins sur le terrain et encourager une portion des 22% des médecins qui ont plus de 60 ans à prendre une retraite anticipée. Le Ministère assume qu’il y a un manque d’au moins 1 500 à 2 000 médecins de famille au Québec et que la société doit en former davantage pour répondre aux besoins grandissant de la population. Il y a même un comité qui a été formé pour valoriser cette belle profession. Comment espérer des retombées positives alors que le ministre de la Santé, qui accuse à tort un nombre considérable de médecins de famille de ne pas contribuer suffisamment, est sur ce comité? La population a le droit d’avoir l’heure juste. Il est vrai que de grands changements doivent avoir lieu dans l’organisation de la première ligne. Par contre, ce n’est pas avec de tels projets de loi que l’accès sera facilité. Il faut qu’il y ait de vraies discussions entre les fédérations médicales et le Gouvernement.
Pour terminer, j’aimerais attirer votre attention sur cet extrait d’une entrevue du Ministre Dubé à LCN avec Mme Emmanuelle Latraverse le 10 mai dernier. Avec la Fédération des médecins, «c’est toujours la faute des autres», déplore Christian Dubé
Il justifie son PL 106 afin de « rendre imputable » les médecins afin qu’ils soient présents à leurs gardes. Il donne l’exemple d’un médecin qui ne serait pas présent pour un patient un vendredi 16h et qu’il serait de retour seulement le lundi suivant. Je trouve cette affirmation honteuse et dangereuse. C’est vraiment très mal comprendre les mécanismes d’autoréglementation de la profession via le Collège des médecins du Québec. Ces propos complètement faux portent atteinte à la confiance de la population envers les médecins. J’estime que le CMQ ne peut pas laisser le ministre de la Santé dire cela sans intervenir.
Gabriel Lauzière, M.D.
On nous demande encore une fois de faire plus! C’est comme si on demandait à une enseignante de 2e année de prendre non plus 40 élèves dans sa classe qui devrait en contenir 23, mais 60 élèves.
Ce n’est pas M Dubé qui se fera poursuivre lorsque nous ferons des erreurs par manque de temps et de ressources! Ce sera les médecins! Moi ça m’empêche de dormir la nuit ce genre de situation!!!
Éliane Lemire, M.D.
Je ne suis absolument pas d'accord avec le gouvernement concernant les mesures prises. Il me semble qu'il faudrait davantage trouver des qualités et des choses attractives concernant la médecine de famille pour attirer les nouveaux médecins au lieu de mettre des mesures coercitives. Nous sommes sur le terrain et voyons le réseau de disloquer de plus en plus chaque jour.
Nous avons besoin d'aide du gouvernement en améliorant l'accès aux autres professionnels de la santé. Cela nous enlèvera un nombre important de consultations en lien avec des problèmes locomoteurs qui pourraient être vus par les physiothérapeutes, des problèmes psycho-sociaux qui ne font qu'augmenter dans nos bureaux et qui représentent de longues consultations qui pourraient être vus par des psychologues et des travailleurs sociaux. Je ne comprends pas bien pourquoi il n'y a que des mesures prises contre les médecins, les autres professionnels peuvent eux aller travailler au privé ce qui prive énormément la population pour l'accès à ses professionnels.
Je suis moi-même malade avec des problèmes de douleurs chroniques, je continue à travailler tant bien que mal en faisant attention de ne pas nuire à mes patients, mais j'avoue m'épuiser un peu plus chaque jour.
Nous avons besoin d'aide pour relever le défi et aider la population. Pas de nous faire taper sur les doigts et nous faire traiter de tous les noms. Cela ne fera qu'aggraver le problème en faisant fuir le maximum de médecins, moi la première.
Je ne resterai pas au Québec dans ses conditions. J'ai déjà immigré de France et je n'ai pas peur d'aller travailler ailleurs pour avoir une meilleure qualité de travail et une reconnaissance.
Marta Darlak, M.D.
En tant que médecin spécialiste dermatologue, j’aimerais vous partager une réalité que vivent de plus en plus de mes collègues à travers le Québec : celle d’une pression économique croissante qui fragilise le maintien de soins médicaux en cabinet. […]
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, un cabinet médical de médecins spécialistes ne reçoit pas de financement de la part du gouvernement et ne fonctionne pas sans frais. En d’autres termes, les médecins spécialistes dermatologues doivent assumer toutes les dépenses associées au roulement de leur cabinet. Bien que la pratique soit enracinée dans la vocation de soigner, nous devons aussi en assurer la viabilité. Malheureusement, dans ce contexte économique, il devient de plus en plus difficile, voire impossible, de maintenir des services de qualité dans le cadre actuel du système public.
C’est avec regret, mais aussi dans un souci de pérennité et d’accès, que certains d’entre nous doivent envisager de recourir à une offre partielle ou complète en médecine privée. Cette décision ne découle ni d’un désir de profit, ni d’un désengagement du système public, mais bien d’un besoin de survie professionnelle. Le manque de financement des cabinets est la raison pour laquelle nous avons perdu juste cette année une bonne partie de nos membres médecins spécialistes dermatologues au sein du réseau public. Notre souhait est de continuer à vous offrir des soins accessibles, humains et de qualité. Mais pour y parvenir, il faut que notre modèle d’organisation soit viable.
Pratiquer la médecine dans le système public québécois est devenu, au fil des années, une tâche de plus en plus lourde. Derrière chaque consultation, chaque diagnostic, chaque traitement, se cachent des efforts constants pour compenser les défaillances d’un système qui s’effrite.
Le gouvernement ne fait que ternir l’image des médecins en véhiculant de fausses informations au sujet de notre pratique. Tous les médecins que je côtoie tiennent le fort depuis le début, mais nous subissons de la coercition et de la diffamation de la part du gouvernement au quotidien dans les médias, la motivation des soignants s’effrite de plus en plus sur le terrain tout comme le reste du système. Nous devons souvent faire plus avec moins : moins de ressources, moins de temps, moins de soutien. Nous pallions les absences de services, les délais déraisonnables, la complexité administrative, tout en tentant de garder la tête hors de l’eau et de maintenir des soins humains, accessibles et de qualité. Ce rôle de « tampon » entre le système et le patient, nous l’acceptons par dévouement. Mais il est devenu, pour plusieurs d’entre nous, épuisant. Nous portons sur nos épaules des responsabilités croissantes, sans que les conditions d’exercice ne suivent. Et il devient de plus en plus difficile de continuer à exercer dans un système qui, trop souvent, nous demande de nous sacrifier au nom d’une mission que nous partageons tous : soigner. La goutte cette année est le manque de soutien du gouvernement et du Collège des médecins.
J’en suis venue à l’évidence qu’après seulement 6 ans de pratique au sein du réseau public, je ne peux continuer ainsi. Il ne s’agit pas ici de se plaindre, mais de dire les choses franchement : la médecine publique telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui épuise ses artisans. Il est urgent de réfléchir à un modèle plus durable, qui permettra aux soignants de continuer à soigner sans y laisser leur santé. Je traverse moi-même présentement une période d’épuisement professionnel.
Les nouveaux projets de loi (83 et 106) mettent en péril non seulement nos droits et libertés en tant que médecin, mais aussi la sécurité des patients. Un modèle de pratique de la médecine axée sur la performance avec des pénalités prévues n’est pas réaliste et va inévitablement mettre la sécurité des patients en péril. Je suis, en tant que médecin spécialiste, très inquiète du futur de la pratique de la médecine au Québec.
Nous espérons que cette réalité pourra être comprise par la population, le gouvernement et le Collège, et qu’ensemble, nous pourrons encourager des solutions concrètes pour préserver un environnement de travail sain dans le système public.
Catherine Tremblay, M.D.
Je suis enchanté de voir le CMQ s’impliquer dans les dossiers qui concernent la qualité des soins aux patients et des outils / facilités offerts pour en assurer l’excellence.
Actuellement un climat d’affrontement se crée et nuit à une entente nécessaire; le CMQ doit intervenir pour appuyer les arguments de valeur de l’une et l’autre partie pour que ce dossier aboutisse et soit gagnant - gagnant.
Si les autorités veulent de la performance pour des soins à tous et de la qualité - ce qui est un but indiscutable - il faut qu’elle fournisse les outils / facilités nécessaires, ce qui n’est pas le cas à ce jour; au contraire, on annule des projets e.g. en anémie falciforme/thalassémie au CHUM, et on coupe des ressources et empêche des embauches utiles. D’autre part, les MD doivent performer davantage et se rendre disponibles pour répondre aux besoins - beaucoup le font, certains peuvent mieux et davantage - avoir choisi la médecine comporte des obligations sociales.
Ma retraite du CHUM est survenue le 01.07.2024 après 7 ans d’expertise en médecine de laboratoire (hématologie et immunologie) et depuis 1971 en pratique clinique. L’occasion m’a été donnée d’aider mes collègues à assurer les meilleurs soins. Durant ces années, j’ai pu observer la lourde tâche des mes collègues et leur dévouement marqué pour les patients, l’enseignement et rester à la fine pointe de leurs connaissances. Pas possible ici d’en faire davantage avec les ressources disponibles. C’est dans le sens du Dr V. Oliva.
La problématique des omnipraticiens m’est encore mal connue, mais leur président ne semble pas conciliant. Il y a certainement place à mieux faire…la capitation leur pend au bout du nez!6 Espérant que le CMQ puisse dénouer une partie de l’impasse pour le bien des patients.
Guy Biron, M.D.
Je suis résidente finissante en médecine familiale et cette loi me donne le goût de carrément ne pas entrer en pratique. Le gouvernement déshumanise la médecine et les humains qui y travaillent. Je vois ce qui m'attend et ça donne le goût d'abandonner. Pourquoi j'irais mourir à petit feu dans un système qui traite ses humains comme ça?
Je suis seulement résidente, mais je vois toutes les coupures. Les travailleuses sociales de notre unité d'hospitalisation ont leur bureau dans un garde-robe! Pendant 1 semaine à l'hospitalisation, on n’a jamais réussi à avoir de l'encre dans notre foutu imprimante pour imprimer les listes de patients. Le gouvernement a coupé physio/ergo la fin de semaine....mais veulent de la productivité de la part des MDs? Le patient de 85 ans a beau être guéri de sa pneumonie, s’il ne marche pas, il ne sort pas! Est-ce que c'est la responsabilité du MD ça? […]
Karine Sigouin, future médecin de famille
Je suis médecin de famille et je considère sérieusement quitter la province suite à l’annonce du nouveau projet de loi de la CAQ.
Je suis fâchée, je me sens en colère, frustrée que personne ne protège la bonne pratique médicale, personne ne comprend notre réalité. J’ai 3 jeunes enfants dont un 6 mois, 2 ans et 4 ans. Je travaille 5 jours / semaine et je suis loin de faire 450 000$ comme dit Dimitri Soudas à la radio. Je suis tannée de la mésinformation et de la compagne de salissage contre les médecins. Au Québec, on ne respecte pas la médecine familiale, on veut que je prenne 6 minutes avec chaque patient, je ne pense pas c’est de la bonne médecine. Je vois 14-17 patients par jour et je prends 30 minimum avec chaque patient parce que je pense c’est la bonne médecine, qui rallie empathie et écoute. Ce nouveau projet de loi me force à déménager avec ma famille malheureusement.
Nahla Boumahni, M.D.
À quand une mesure valide de performance de ce ministère, vue des soignants sur le terrain ?
François Lemieux, M.D.
En tranchant le lien qui unit le médecin de famille et son patient n’arrive-ton pas à détruire ce constituait à la fois l’essence de la relation. Thérapeutique et tout l’âne de cette médecine de famille que, par ailleurs, on dit défendre et vouloir perpétuer?
J’ai honte d’assister à la mise à mort de notre profession.
Que le collège défende ce lien me semble non seulement nécessaire mais requis pour tout lien de confiance entre ses membres et la population.
Mauvais choix pour un problème qui a d’autres causes.
Jean-François Tessier, M.D.
D'un côté, le gouvernement rend les salles d'opération très difficiles d'accès pour les chirurgiens. De l'autre, il les pénalise s'ils font attendre les patients avant leur opération. Je ne comprends pas la logique gouvernementale. Les chirurgiens ne demandent pas mieux que d'opérer le plus possible!
Jacques Smith, M.D.
Après 37 ans de pratique j'aurais aimé continuer ma carrière jusqu'à 40 années OU 42, soit encore 5 années. Malheureusement ce projet de loi entraînera une prise de retraite beaucoup plus rapide. Je prévois la prendre au courant de l'année en cours
2500 patients de prise en charge dont la moitié vulnérable, région de Lac-Mégantic, donc 2500 patients orphelins.
Plusieurs confrères sont dans la même situation que la mienne.
Ce projet de loi entraînera une augmentation du nombre de patiente orphelins au Québec par la mise à la retraite de nombreux médecins de plus 60 ans qui suivent à eux seule plus de 30 % de la population
Ce projet est néfaste pour l'accès aux soins, et le collège devrait penser à cette situation car elle entraînera une mise à la retraite très importante
René Lazure, M.D.
Comme médecin de famille œuvrant dans un GMF-U, je partage pleinement l’objectif que la population au complet ait accès à des services de première ligne de qualité. Toutefois, le projet de loi 106, dans sa forme actuelle, soulève de graves préoccupations, notamment par l’imposition de la prise en charge obligatoire des patients du territoire et l'imposition de conditions de pratique par règlements ministériels.
Dans mon territoire, nous comptons parmi les plus faibles ratios de médecins de famille par habitant au Québec. La moitié d’entre eux travaillent exclusivement en deuxième ligne, simplement pour maintenir ouverte notre urgence et notre hôpital. Parmi ceux en première ligne, plusieurs sont en fin de carrière. Dans ce contexte, il est irréaliste — et dangereux — d’exiger que nous ajoutions chacun et chacune des milliers de patients à notre charge.
Notre CISSS, en déficit chronique, n’a jamais été en mesure de doter adéquatement les postes d’aide professionnelle promis en GMF-U ou en GMF. Nous nous faisons torturer par des dédales administratifs infinis pour chaque amélioration ou innovation que nous tentons d'amener à notre fonctionnement. La transmission des labos et documents est inconstante, les guichets oublient des patients, et nous devons être constamment hypervigilants pour qu'aucun patient ne subisse de préjudice de tous les divers procédés informatiques et administratifs imposés par le gouvernement. Nous n’avons ni les ressources ni les conditions pour répondre aux obligations proposées par ce projet de loi.
Dans notre GMF-U, nous croyons à une médecine de famille exemplaire, basée sur la continuité et la qualité. Or, plusieurs collègues envisagent sérieusement déjà la retraite ou une réorientation. Car si nous perdons notre autonomie professionnelle et la capacité de pratiquer une médecine sécuritaire, comment pouvons-nous continuer à pratiquer ce métier que nous aimons et à transmettre la passion aux prochaines générations?
Ariane Courville-Le Bouyonnec, M.D.
Je le sais et vous le savez: il y a une plaie à peine cachée au centre des arguments récents (et passablement usés) de M. Legault, en ce qui concerne le fameux tiers de médecins dits non performants, où est à peine sous-entendu « rebelles, paresseux ou opportunistes », et sur lequel le PM justifie ses réformes douteuses. Je draine ici pêle-mêle l’abcès que j’ai sur le coeur. Accrochez-vous, pauvre de vous, y a pas mal de stock.
Re: Sur la sous-performance des individus
[…] Témoin privilégiée de la réalité sur le terrain, la plupart de mes collègues « non performants » sont:
1- des médecins de la première ligne qui portent plusieurs chapeaux professionnels, dont celui de la pratique hospitalière, l’enseignement, la recherche, la gestion administrative, etc.
2- et/ou des médecins de famille dont la pratique est axée sur ces nombreux troubles de santé complexes rencontrés en première ligne, et largement incompris des décideurs: soit la psychiatrie de légère à lourde, l’itinérance ou la toxicomanie, les troubles neurocognitifs des ainés et des enfants, les douleurs et dysfonctions chroniques multisystémiques dont les « longs covidiens » font partie, la santé des réfugiés ou des autochtones, les très nombreux patients que leur emploi rend malade, etc. C’est le quotidien de la pratique en première ligne. Ces patients vulnérables et leurs soignants vivent des situations chronophages et énergivores, bien maladaptées, j’avoue, au système de rémunération actuel.
3- et/ou des femmes médecins essoufflées, mère ou aidante naturelle de proches chroniquement malades ou dépendants, et qui constitue pourtant la majorité de ce groupe présumé « non-performant » et chez qui incombe ces rôles sociaux non rémunérés
4- et/ou des médecins eux-mêmes affligés de conditions de santé physique ou mentale réelles mais invisibles aux yeux des politiciens. […]
La mentalité désuète des politiciens
[…] Bref, les liens entre médecins et gouvernement en ce moment sont toxiques et minés d’avance. C’est alors la guerre peu glorieuse des égos les plus batailleurs de part et d’autres, comme un Nième combat de coq, inutile, vulgaire et « laite ». Pendant ce temps les poules pas de tête courent dans tous les sens pour protéger leurs poussins de plus en plus vulnérables sur le terrain accidenté de la basse-cour, à l’ombre de la blanche et haute tour d’ivoire.
Re: La première ligne en piteux état
Souvent ces définitions de performance entrent carrément en conflit avec les enseignements du collège des médecins et des facultés de médecine, nous incitant à faire du « tournage de coins ronds » à l’intérieur du système, ce qui nous empêche de voir les angles morts où certains citoyens dépérissent ou meurent. Que fait-on des interventions médicales qui auraient dû être faites pour empêcher de coûteuses complications? Et celles qui auraient pu être évitées si un professionnel de la santé avait eu, ou pris le temps de questionner, examiner en temps opportun?
Les politiciens par ailleurs instrumentalisent les chiffres pour plaire aux égos plutôt que de chercher à respecter la santé des corps et âmes: c’est immoral, irresponsable et contre-productif. Hélas la réalité frappe toujours de plein fouet ceux qui s’en déconnectent, non sans avoir nuit au préalable aux patients vulnérables sur la ligne de front, exposés contre leur gré à la vision étroite et irrespectueuse de ces décideurs.
La structure du système public de santé qui s’effondre
Il semble que la première ligne soit devenue un goulot d’étranglement beaucoup trop fin, placé trop près de la base même de la lourde structure qui le domine. Un passage étroit doté en plus d’un système de filtrage technocratique reposant de moins en moins sur l’art et la science médicale avec le temps, mais sur des enjeux politiques discutables. Dans ce contexte, les maladies complexes et invisibles (n’ayant aucune valeur électorale) n’arrivent plus à traverser ledit goulot. Pire, avec ces réformes de la santé, on veut transformer nos médecins en techniciens dociles et interchangeables, sans égard à l’importance du lien thérapeutique, de leur savoir-être distinct de soignant, construit sur des années, ni tenir compte de leurs forces et défis professionnels ou personnels dans la pratique. C’est une conception robotisée des tâches humaines, un vieux fantasme d’ingénierie, et c’est ce qu’on tente d’imposer aux infirmières, préposés aux bénéficiaires, et même en éducation chez nos enseignantes, psychoeducatrices, orthophonistes, etc. On tente maintenant de faire pareil avec les médecins pour gérer la santé d’humains, surtout depuis que ça se féminise à grande échelle. Assez dystopique merci…
Les solutions requièrent un changement de mentalité politique
Les solutions sont de décentraliser le pouvoir, de rassembler les savoirs de tous, tout en gardant le cap sur des objectifs communs et pérennes. Et de procéder de la même façon à toute échelle du système pour maintenir à la fois de la cohérence et de la flexibilité face aux grands et petits défis de santé de la société. Il nous faut réparer le tout en se basant sur cette approche.
Pourtant, comme vous l’avez mentionné dans votre article, la liste des suggestions d’un comité d’experts du gouvernement, plus appropriées et respectueuse de tous les gens impliqués, de la science et des données sur le terrain, aurait été présentée au PM. Hélas le Roi qui fait la Loi n’en a que faire, encore une fois.
Mon contre-argmument aux propos de ce dernier est que la plupart des docs dits « non performants » (ces tiers-mondistes de la performance) favorisent pour la plupart sciemment la qualité de l’acte, en accord d’ailleurs avec les valeurs consensuelles de la société, la science et l’autorité du collège des médecins, plutôt que la quantité, et ce, en fonction de leurs limites personnelles, relationnelles, familiales, sociales. Ils le font moins parce qu’ils succombent bassement à un « péché capital », tel la paresse ou l’orgueil par exemple. Ça aussi c’est réducteur! Tout comme l’appellation « anges gardiens » d’ailleurs… même feu le Pape François n’aurait « bashé » ainsi toute une communauté médicale à bout de souffle. […]
Les médecins en mode fight or fly
A l’opposé, j’ai constaté que plusieurs médecins dits « performants » ont jeté l’éponge au fil de leur pratique et choisissent la quantité des actes au détriment de la qualité, sans bien sûr tout à fait se rendre compte qu’ils tournaient les coins ronds pour que cette pratique « fitte » mieux dans ce système boiteux, étanche et trop compartimenté. Certains, je vous l’accorde ont la morale élastique mais pas la majorité! Donc la plupart du temps, la motivation des performants n’est pas seulement de faire plus d’argent mais aussi d’être bien accepté (vu, respecté) d’autrui et d’avoir l’impression d’un certain contrôle sur le chaos croissant des demandes de soins. Mais ils sont bien sûr incapables d’endiguer ce tsunami de besoins en santé, pourtant déjà prévu de longue date. Bref ils entrent alors dans une réponse flight or fight personnelle, plus ou moins consciente, et où l’équilibre n’est jamais atteint au final.[…]
Les effets secondaires du paternalisme politique
En d’autres mots je comprends qu’avec une production industrielle d’actes médicaux les revenus ainsi générés sont attrayants, mais pas que: tenter de soigner des gens dans un système de santé aussi abimé génère un stress logistique significatif au quotidien, une perte de sens et de motivation, une usure de compassion ainsi qu’une réelle souffrance éthique dont on ne tient pas compte (c’est presque tabou d’en parler dans le milieu). Mais ça détruit petit à petit la santé de tout soignant doté d’un minimum d’empathie. Parlez-en aux autres catégories de soignants et même aux enseignants: ils vivent le même Mal insidieux, toujours en 2025, qui use aussi la compassion petit à petit si ce n’est pas la santé globale. Jusqu’à penser que c’est normal. Foutaises. […]
Marielle Trottier, M.D.
Note : L’autrice de ce commentaire a soumis un article complet sur son analyse; nous avons choisi de publier un extrait dans l’espace Forum.
Les médecins ont fait le serment d’Hippocrate à leur entrée en médecine. Nous avons la responsabilité morale et professionnelle de donner le meilleur de nous-même à la population québécoise.
Nous enseignons, nous partageons, nous supportons, nous écoutons, nous sommes professionnels. La loi 106 place encore une fois une pression énorme sur les médecins. Un fusil sur la tempe oserais-je dire…
Comment alors donner des soins optimaux lorsque qu’on nous menace, qu’on nous presse le citron, qu’on nous dénigre, qu’on nous impose des coupures financières selon notre « rendement», …, qu’on nous noue mains et poignets (manque de personnel, DME dysfonctionnels, absence d’accessibilité aux blocs opératoires,…),...
Le Collège est là pour protéger la population. À quand une sortie publique du Collège pour dénoncer le tort que notre gouvernement et ses politiques déconnectées fait à ceux qui maintiennent à bout de bras le système? Il est facile de blâmer un médecin épuisé, surchargé, empêtré par la paperasse, les AMP,… À quand des accusations envers nos décideurs?
J’ai maintenant un fusil sur la tempe. On me demandera peut-être de prendre moins de temps pour voir mes patients. Je ferai alors de la très mauvaise médecine. Qui blâmer alors? Celui qui a le fusil sur la temps ou celui qui le tient ? J’ai 26 ans de pratique médicale. Je suis épuisé et démotivé par ce qui arrive en ce moment au Québec. Les jeunes résidents sont inquiets. Mes collègues pensent quitter pour la retraite ou quitter le système. La situation actuelle me dégoûte.
Pierre Collin, M.D.
La manque d’accès aux médecins est la faute du gouvernement qui limite les licences! On perd beaucoup de résidents extraordinaires qui pourraient devenir les médecins extraordinaires. En plus, c’est beaucoup trop difficile pour les médecins immigrants d’avoir une licence ici, et beaucoup de ces médecins font d’autres choses. Quel gaspillage.
Judy Glass, M.D.
Le problème ne vient pas des médecins. Il est facile de nous utiliser comme cible. Le problème est le manque de ressources combiné à la complexité des patients. Je suis urgentologue à l'Hôtel-Dieu de Lévis. J'aimerais voir plus de patients. Je suis capable de voir plus de patients. Par contre, lorsque je dois voir à l'ambulatoire un patient de 90 ans, en chaise roulante, qui peine à se mobiliser, avec des problèmes de santé complexes inadaptés pour l'ambulatoire (parce que nous n'avons plus de civières, parce que les patients admis ne montent pas à l'étage etc.), habillé en civil, c'est certain que les précieuses minutes s'accumulent. Bien beau rendre les médecins imputables, mais pourquoi ne pas rendre le gouvernement imputable? Améliorer les conditions de travail?
Je pourrais en parler longtemps. Ce PL est problématique et ne réglera pas la base du problème.
Améliane Tardif, M.D.
Selon moi, ce PL va à l’encontre de plusieurs articles de notre code de déontologie.
Dans le PL, il est écrit que « le ministre peut, par règlement, établir définir des modalités de prise en charge d’une personne assurée par un professionnel de la santé et, le cas échéant, les obligations que cette prise en charge emporte pour ce professionnel ».
Or, selon les articles suivants de notre code de déontologie :
· Article 7 du chapitre 1 de notre code de déontologie : le médecin doit ignorer toute intervention qui ne respecte pas sa liberté professionnelle’.
· Article 42 Qualité de l’exercice : Le médecin doit, dans l’exercice de sa profession, tenir compte de ses capacités, de ses limites ainsi que des moyens dont il dispose.
· Article 43 Qualité de l’exercice : Le médecin doit s’abstenir d’exercer sa profession dans des circonstances ou états susceptibles de compromettre la qualité de son exercice ou de ses actes ou la dignité de la profession.
· L’article 63.1 section VI se lit, lui, comme suit : Le médecin ne doit adhérer à aucune entente ni accepter aucun bénéfice susceptible d’influencer son exercice professionnel tant au regard de la qualité des soins que de leur disponibilité et de la liberté de choix du patient.
Le projet de loi stipule que 25% de notre rémunération sera liée à l’atteinte d’indicateurs de performance fixés par le gouvernement. Comment un médecin pourra-t-il alors s’assurer de son indépendance et de la qualité de soins qu’il prodigue?
· 64. Le médecin doit ignorer toute intervention d’un tiers en vue d’influer sur l’exécution de ses devoirs professionnels au préjudice de son patient, d’un groupe d’individus ou d’une population
Merci de porter actions pour que la qualité des soins ne soit pas brimée par un projet de loi.
Annie Jasmin, M.D.
Excellent moyen d’encourager les préretraités à temps partiel à quitter le réseau le plus vite possible…
Helene Cyr, M.D.
Vos réactions sur l’état des infrastructures en santé
Je vous écris suite à l'appel lancé par le CMQ pour obtenir des informations de terrain sur les impacts de la vétusté des infrastructures sur les soins de santé au Québec. Je suis internistes à l'hôpital Sainte-Croix de Drummondville.
Voici donc quelques exemples concrets. Il n'y a en fait rien de nouveau. Tout cela a déjà fait l'objet de reportages publiés par différents médias.
Mentionnons donc les chambres à quatre avec 1 seule toilette. Pas besoin de dire que ce n'est pas optimal pour la prévention des infections. Et pour l'intimité et la dignité. Très peu d'espace pour circuler en les lits, les chaises d'aisance, les chaises et les visiteurs...
Manque d'espace sur les postes des unités. Les postes ont été conçus pour une autre époque. Il y a maintenant beaucoup plus de professionnels sur les étages et aussi des étudiants de plusieurs disciplines. Il y a en plus le dossier numérique (DSN) qui s'en vient dans quelques mois. Les espaces de travail sont carrément insuffisants et la situation sera catastrophique avec l'implantation du DSN. Malgré cela, les projets de rénovations qui devaient avoir lieu sur deux étages de médecine sont reportés. L'urgence souffre aussi du manque d'espace. Encore une fois, les travaux pour la mise en place d'une urgence modulaire sont retardés.
Fuites d'eau en oncologie : le passage et un des bureaux a dû être fermé pendant plusieurs mois en raison d'une fuite d'eau. Les patients qui avaient des rendez-vous devaient passer par la salle de traitement, devant les patients recevant leur chimiothérapie, pour accéder aux bureaux des médecins. Les médecins ont dû parfois voir les patients d'oncologie dans une autre clinique sur un autre étage. Tout cela a eu un impact négatif sur le moral du personnel et sur la productivité et n'était vraiment pas l'idéal pour l'intimité des patients qui recevaient leur chimiothérapie. Les réparations ont pris des mois, maintenant c'est réglé, jusqu'à la prochaine fois.
Les chirurgiens pourraient vous parler mieux que moi des problèmes au bloc opératoire.
Dans ce contexte, les propos du ministre de la Santé et du premier ministre sur le travail des médecins sont tout simplement inacceptables.
Daniel Viens, M.D.
Les 2 pieds dans la réforme de style autoritaire, je me questionne sur ma place dans le réseau de la santé. Depuis 2005, je pratique à l’hôpital de Drummondville, à l’urgence temps plein actuellement et l’hospitalisation jusqu’en 2020 (double tâche hospitalière pendant 15 ans). J’ai vu le réseau changer, se dégrader. Tous les jours, nous gérons les bâtons dans les roues, les obstacles administratifs, manque de personnel, mettre du papier carbone dans la plaqueuse parce que nous n’avons plus d’encre car le modèle est BO. Pas de toilette pour le personnel et pour les patients du côté de l’urgence majeur pendant 3 mois car la tuyauterie est désuète et difficulté à la réparer. Je devais sortir de mon département pour aller à la salle de bain….
Que dire du personnel manquant, sous-qualifié, qui ne reste pas en poste car les conditions sont trop difficiles à l’urgence. Nous avons optimisé nos horaires, même si en quart défavorable, pour donner plus d’accès aux soins. Aucune augmentation de salaire depuis des années pour les urgentologues qui tiennent le réseau à bout de bras. Et voilà, qu’on se fait dire qu’on ne travaille pas et que je vais être payé 25% moins cher qu’avant. Sérieusement?
Je suis prisonnière de mon diplôme de médecine qui ne me permet pas de changer de domaine, ce que je ferais sans hésitation si je le pouvais. La quantité de soins est grandissante, nos installations plus que déficientes, le manque de personnel, des décisions administratives CIUSSS sans notre avis qui nous empêchent d’avancer, le réseau informatique inefficace de notre hôpital et j’en passe. Que dire des plaintes hospitalières grandissantes envers les urgentologues. Tellement que j’ai de jeunes collègues qui songent à quitter la profession.
La pression est grande de partout. Le presto va sauter… le presto a sauté…
Depuis longtemps qu’on le dit
Ça y est.
Les dégâts vont être épouvantables.
Je souhaite que nos associations fassent tout en leur pouvoir pour maintenait le standard de qualité de soins que tous les médecins essaient de donner malgré l’effondrement du réseau. Il va falloir que les gens comprennent, le standard de soins ne sera plus jamais leur même, le CMQ devra le comprendre aussi.
En espérant un issu positif de toute cette situation. Habituellement je trouve un côté positif à chaque situation négative. Cette fois ci je n’y arrive pas.
Merci pour votre travail et votre support
Julie Thibault, M.D.