Benzodiazépines, secret professionnel, enregistrement des entretiens avec les patients : rappels importants

Lisez le mot du président du 16 février 2024

Faisons le point sur trois sujets d’intérêt médical et rappelons du même coup les bonnes pratiques à préconiser en matière de prescription d’opioïdes et de benzodiazépines, de levée autorisée du secret professionnel et de courtoisie quand des consultations sont enregistrées à l’insu des médecins par la patientèle.

Opioïdes et benzodiazépines : la vigilance s’impose

Le CIUSSS de la Capitale-Nationale mettait récemment en garde la population contre un nouvel opioïde de synthèse qui circule maintenant sur son territoire. Cet opioïde avait déjà été détecté dans le grand Montréal l’été dernier. Sa puissance est fulgurante et ses effets, ravageurs : dans ce comprimé contrefait – qui ressemble à s’y méprendre à un médicament sous ordonnance – de l’oxycodone est mêlé à de la protonitazépyne, qu’on dit 25 fois plus puissante que le fentanyl. Une infime quantité suffit donc à provoquer une surdose qui nécessite l’administration de multiples doses de naloxone pour être neutralisée.

Le Collège participait d’ailleurs cette semaine à l’émission Enquête, à Radio-Canada, consacrée à ce fléau. J’y expliquais les grandes lignes du nouveau volet pédagogique de notre programme de surveillance favorisant un usage plus sécuritaire des opioïdes et des benzodiazépines, afin d’éviter la surprescription et potentiellement limiter les surdoses.

Je vous rappelle à ce sujet, les grandes lignes de l’avis sur la prescription de telles substances, que nous avons publié conjointement avec l’Ordre des pharmaciens et l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec l’année dernière.

  • Il faut s’assurer d’avoir les connaissances et les compétences requises avant de prescrire ou de délivrer des opioïdes et des benzodiazépines.
  • Les opioïdes sont surtout utiles en cas de douleur aiguë ou chronique, de spasmes musculaires ou de sevrage de substances, mais leur consommation n’est pas sans risque : ils présentent d’importants effets secondaires (somnolence, constipation, étourdissements, nausées, dépression respiratoire, prurit, etc.) et un fort potentiel de dépendance pouvant précipiter des symptômes de sevrage importants (nausée, vomissements, diarrhée, crampes abdominales, tachycardie, frissons, myalgies, agitation, anxiété, etc.) lors de l’arrêt abrupt ou lors d’une diminution rapide de la dose. Il faut donc outiller les gens à qui ces médicaments sont prescrits et les informer des risques qui s’y rattachent
  • Avant la rédaction de l’ordonnance initiale, de son renouvellement ou d’un ajustement de dose, chaque cas doit être évalué avec rigueur afin de limiter le mésusage (ex. : Y a-t-il un risque de dépendance ou de la consommation d’alcool?).
  • Il est recommandé de prescrire la dose minimale requise, de fractionner les quantités servies en fonction de l’encadrement requis et de vérifier dans le DSQ la réception antérieure d’opioïdes, de même que les risques d’interaction médicamenteuse.
  • En cas d’interruption, un plan de sevrage doit être orchestré.
  • La prescriptrice ou le prescripteur doit impérativement revoir la patiente ou le patient dans un délai raisonnable après une prescription d’opioïdes.

Levée du secret professionnel

Le Collège a témoigné devant la coroner Julie-Kim Godin, dans le cadre de son enquête sur le suicide d’Amélie Champagne, souffrant de la maladie de Lyme. La question du secret professionnel y a été abordée. L’émissionJ .E., diffusée récemment sur les ondes de TVA, en a aussi fait mention en revenant sur le suicide du reporter Gaétan Girouard.

Le respect du secret professionnel est un droit fondamental des patientes et patients. Ils ont ainsi l’assurance de se confier librement et en toute confidentialité, afin de recevoir les soins les plus appropriés à leur condition de santé. D‘ailleurs, les articles 20 et 21 du Code de déontologie des médecins en font clairement état.

Il existe des exceptions au respect du secret professionnel, et les médecins – lorsque la situation le requiert – ne devraient pas hésiter à le lever, quand ils ont « un motif raisonnable de croire qu’un risque sérieux de mort ou de blessures graves menace une personne », comme l’indique l’article 60.4 du Code des professions. Le Code de déontologie est aussi formel : sa levée est possible « lorsqu’il y a une raison impérative et juste ayant trait à la santé ou la sécurité du patient ou de son entourage ». Car le médecin doit protéger la vie et l’intégrité, des patients comme de leurs proches.

Par ailleurs, nous gagnerons à favoriser une collaboration interdisciplinaire, au bénéfice de la patientèle en détresse. Et lorsque cette dernière y consent, l’implication des proches est bénéfique. Dans cet esprit, et de concert avec le MSSS et le CIUSSS de l’Estrie-CHUS, le Collège élabore une formation sur la prévention du suicide. Nous avons pleinement conscience de la difficulté pour un soignant de déceler le niveau de détresse psychologique d’une personne. Nous devons exercer notre jugement clinique et demeurer vigilants en tout temps.

Enregistrement dissimulé des consultations médicales

Une récente décision disciplinaire à l’endroit d’un médecin, au sujet du suivi de son patient dans un cas d’identité de genre, a mis en évidence la possibilité que des entretiens cliniques soient enregistrés.

La loi permet effectivement l’enregistrement d’une conversation dont on fait partie. Cela ne constitue pas une violation de la vie privée. Et cet enregistrement peut être produit en preuve devant une instance décisionnelle s’il est pertinent et qu’il rencontre les autres exigences d’admissibilité prévues par la loi.

Cette réalité constitue un rappel déontologique aux médecins de faire usage, en tout temps et en tous lieux, de respect et de professionnalisme dans leurs échanges avec leur patientèle.

Mauril Gaudreault, M.D.,
Président du Collège des médecins du Québec


Dans le cadre de ses fonctions, il représente le Collège auprès des instances politiques et de divers partenaires afin d'en assurer le rayonnement. Il s'assure que les services de l'ordre reflètent bien sa mission, soit de protéger le public en offrant une médecine de qualité.