Compétence ou sécurisation culturelle?

Au Canada, l’importance de la compétence culturelle (CC) est reconnue depuis longtemps, comme le démontre sa présence dans les curriculums des programmes universitaires en santé. Toutefois, on parle maintenant davantage de sécurisation culturelle. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie? Ces approches parviennent-elles à rendre les soins réellement plus équitables, impartiaux ou sécurisants ? Coup d’œil sur ces deux concepts fondamentaux.

De la compétence culturelle…

C’est dans les années 1980 que nait l’intérêt d’étudier l’impact des facteurs culturels sur le diagnostic et le traitement d’une maladie. Pour mieux comprendre ces facteurs, on introduit alors le concept de compétence culturelle (CC) dans les soins de santé. La CC est considérée comme une « approche pour améliorer la prestation des services et soins de santé aux groupes issus de minorités ethniques, en ayant pour but de diminuer les disparités ethniques en santé1 ».

Au fil des ans, la notion de CC sera critiquée et révisée. On lui reproche principalement de suggérer que la culture peut être « réduite à des compétences techniques pour lesquelles les cliniciens peuvent être formés et développer une expertise2 ». Pour remédier à ces failles, plusieurs définitions et autres concepts verront le jour : sensibilité culturelle, humilité, respect, adaptation, compétence transculturelle. Malheureusement, ils ne feront qu’alimenter la confusion, sans parvenir à cibler les interventions nécessaires pour assurer des soins équitables.

… à la sécurisation culturelle

Introduit dans les années 1990, le concept de sécurisation culturelle (SC) adopte un regard différent. La SC met l’accent non pas sur la culture de l’individu, mais plutôt sur les différentes facettes de la société qui peuvent influencer le bien-être ou le mal-être d’une personne dans un contexte de soins. Les différences dues à des incidents historiques, à la décolonisation et aux relations de pouvoir sont notamment prises en compte. La SC invite également la professionnelle ou le professionnel à poser un regard sur soi, et à réfléchir aux façons d’améliorer les soins de santé, en favorisant une relation ouverte, de confiance, dans un environnement sécurisant.

Surtout, dans une logique de SC, c’est à la patiente ou au patient qu’il revient de déterminer si la rencontre est sécurisante.

De plus, la SC évite de créer un stress sur les professionnels issus de minorités culturelles, qui se sentent souvent en conflit de loyauté entre les personnes de leur communauté et les institutions, se retrouvant même parfois à assumer un rôle de médiation ou de traduction. Finalement, elle permet de considérer l’ensemble des circonstances entourant les soins.

Compétence culturelle
Sécurisation culturelle
se place du point de vue de la personne qui dispense les soinsconsidère que c’est à la patiente ou au patient de déterminer si la rencontre est sécurisante
met l’accent sur la culture de l’individu : langue, ethnicité, nationalitéétudie les différentes facettes de la société qui peuvent influencer le bien-être ou le mal-être d’une personne dans un contexte de soins
cherche à comprendre « l’autre culture », notamment à l’aide d’un questionnaireinvite le personnel soignant à poser un regard sur soi et à voir comment il est possible de créer un climat d’ouverture et de confiance

ne tient pas compte des rapports de pouvoir et des inégalités sociales

prend en considération les différences liées à des incidents historiques, à la décolonisation et aux relations de pouvoir
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Voici quelques références à consulter :


1 Curtis E., R. Jones, D. Tipene-Leach, C. Walker, B. Loring, S.-J. Paine et P. Reid (2019). “Why cultural safety rather than cultural competency is required to achieve health equity: a literature review and recommended definition”. International Journal for Equity in Health, 18:174 (Traduction libre).

2 Kleinman A. et Benson P. (2006). “Anthropology in the Clinic: The Problem of Cultural Competency and How to Fix it”. PLoS Medicine, 3:1673-1676 (Traduction libre).

Publication originale de l’article : Vocation M.D. – Mai 2022