Pratiquer au Nunavik… la suite
En plus d’une importante pénurie de personnel soignant et d’équipements, la région du Grand Nord doit composer avec une recrudescence de cas de tuberculose de près de 300 fois supérieure à la moyenne québécoise.
Notre dernière publication sur la tournée du CMQ au Nunavik a suscité plusieurs réactions. Si cette publication ne mentionnait pas la réalité coloniale passée et présente du Nunavik, nous la reconnaissons d’emblée. Elle fait partie intégrante des déterminants psychosociaux du territoire.
Les déterminants en cause
Ce contexte psychosocial découle directement de déterminants « structurels » que sont notamment la gouvernance et la médecine coloniales. Il faut considérer également les déterminants « systémiques » de la santé tels que les infrastructures et les services offerts à la communauté du Grand Nord, ainsi que la résurgence culturelle des Autochtones.
Le présent graphique illustre de belle façon les racines des déterminants sociaux de la santé des peuples autochtones.
De toute évidence, le Collège est préoccupé par le sort réservé à la population autochtone du Nunavik et par les conditions de pratique des médecins qui y œuvrent. Cette région souffre d’une grave pénurie de personnel soignant. Nous allons travailler à ce que tout soit mis en œuvre afin que les ressources humaines et les équipements médicaux adéquats, réclamés depuis de nombreuses années, soient rapidement rendus disponibles en tenant compte d’autres facteurs que les simples ratios administratifs.
Par exemple, des appareils de radiographie portatifs simplifieraient et accéléreraient grandement le dépistage de la tuberculose, dont on constate une recrudescence alarmante dans le Grand Nord, alors que le nombre de cas est de près de 300 fois supérieur à la moyenne québécoise. Un véritable fléau!
Notre responsabilité sociale
La communauté médicale doit s’interroger par ailleurs sur sa responsabilité sociale envers ce territoire et les peuples qui y habitent. Les médecins de famille, épaulés par divers professionnels de la santé, y sont à pied d’œuvre alors que les médecins spécialistes tendent plutôt à visiter le territoire sans y être directement en poste, soignant les patients qui leur sont transférés par avion à Montréal.
Faut-il doter le Nunavik d’un statut particulier? Faut-il se rapprocher de sa population en lui offrant de manière plus soutenue des services spécialisés? Faut-il revoir les critères d’attribution des ressources matérielles et humaines afin de tenir compte des spécificités de ce territoire et des enjeux psychosociaux des peuples qui l’habitent? Ces questions méritent une sérieuse réflexion.
Santé Québec
En principe, les dispositions du projet de loi no 15 ne s’appliqueraient pas au Nunavik. D’ailleurs, la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik nous a confié vouloir obtenir la garantie d’en être soustraite, tandis que le personnel soignant estime que le projet de loi est porteur de certaines avancées. À notre avis, tous les outils et les ressources utiles aux soignants du Grand Nord doivent être déployés dans le cadre de cette réforme.
Comme c’est le cas pour l’ensemble des soins de santé au Québec, notre visite de quatre jours à Kuujjuaq nous a permis de constater que le statu quo ne peut plus durer.
Nos observations et recommandations figureront dans la seconde partie de notre rapport de tournée des pôles en santé, qui prévoit notamment, au cours des prochains mois, des arrêts sur la Côte-Nord ainsi qu’en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine. D’ici là, il est prévu que nous rencontrions le ministre Christian Dubé pour lui faire état de nos préoccupations quant au Grand Nord.
Dr Mauril Gaudreault, M.D.,
Président du Collège des médecins du Québec
Dans le cadre de ses fonctions, il représente le Collège auprès des instances politiques et de divers partenaires afin d'en assurer le rayonnement. Il s'assure que les services de l'ordre reflètent bien sa mission, soit de protéger le public en offrant une médecine de qualité.