Projet de loi no 15
Le Collège des médecins du Québec est favorable à une réforme en santé, mais exprime des préoccupations sur les mesures proposées.
Ce qu'il faut savoir
- Il sera impossible d’améliorer l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire sans inclure les soins de proximité et résoudre prioritairement la pénurie de ressources humaines.
- Il faut maintenir une cogestion médico-administrative, car les recherches et l’expérience démontrent qu’un milieu de soins fonctionne mieux ainsi.
- La voix des usagers et des patients partenaires devra s’exprimer en toute indépendance au sein du réseau de la santé.
- Le rehaussement technologique du réseau de la santé est une condition incontournable à la mise en œuvre des modifications proposées par le projet de loi.
Le Collège des médecins du Québec (CMQ) expose aujourd’hui en commission parlementaire ses commentaires concernant le projet de loi no 15, Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace. D’entrée de jeu, le CMQ salue la volonté mise de l’avant par la réforme proposée afin d’améliorer l’accès à des soins de santé et à des services sociaux sécuritaires et de qualité.
Toutefois, le projet de loi, dans sa forme actuelle, suscite plusieurs questions quant aux moyens qui seront mis en œuvre pour atteindre les objectifs poursuivis. Ainsi, le CMQ donne son appui à l’orientation générale du projet de loi, mais émet plusieurs réserves et recommandations sur l’indépendance politique de Santé Québec et les moyens financiers dont disposera le réseau pour régler la pénurie de personnel et financer le rehaussement des infrastructures et de la technologie.
Le public
Accès aux soins
Le CMQ accueille favorablement les dispositions de la loi qui permettraient à un établissement d’agir directement sur les listes d’attente en chirurgie et pour les examens spécialisés. Toutefois, il demeure inquiet de la gestion actuelle des débordements des urgences, qui monopolisent tous les acteurs des établissements et empêchent également les hôpitaux universitaires de remplir adéquatement leurs missions tertiaire et quaternaire.
Le CMQ constate également que le projet de loi est exclusivement centré sur l’organisation des soins au sein des établissements de santé. Il est d’avis qu’il ne sera pas possible d’améliorer significativement l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire sans une planification et une gestion orientées vers les soins de proximité (GMF, cliniques de soins de santé, soins à domicile incluant l’hospitalisation à domicile et les soins palliatifs, etc.). Ainsi, le CMQ s’interroge sur la capacité du gouvernement à remédier à l’engorgement vécu dans les urgences, où les patients et patientes aboutissent lorsqu’il leur est impossible d’obtenir un rendez-vous en clinique.
Voix des usagers
Par ailleurs, le CMQ est d’avis que le texte législatif pourrait aller plus loin afin d’assurer que la voix des usagers au sein des comités sera véritablement entendue. Il importe que la composition de comités, déterminée par un règlement de Santé Québec, prenne en compte les réalités locales de chaque installation et qu’elle soit représentative des populations desservies. De plus, le CMQ croit que la voix des usagers devrait être reflétée dans le cadre d’une reddition annuelle du comité national des usagers, afin que le ministre soit informé des ratés du réseau.
Rehaussement des infrastructures et de la technologie
Le CMQ estime qu’aucune réforme ne pourra se faire sans être accompagnée de la mise en place d’un dossier de santé national afin d’optimiser la trajectoire de soins des usagers. Ainsi, le rehaussement technologique du réseau de la santé est une condition incontournable à la mise en œuvre des modifications proposées par le projet de loi.
La profession médicale
Cogestion médico-administrative
De l’avis du CMQ, un milieu de soins fonctionne mieux lorsqu’il existe une véritable cogestion clinique et administrative. Le projet de loi est cependant muet à ce sujet et semble vouloir évacuer les médecins comme leaders décisionnels. Le CMQ juge que leur voix doit se faire entendre, notamment dans les conseils des médecins, dentistes et pharmaciens.
Collaboration interprofessionnelle
Le CMQ salue la création dans chaque établissement d’un conseil interdisciplinaire d’évaluation des trajectoires et de l’organisation clinique. Toutefois, il soutient que le projet de loi doit être modifié afin de confier au conseil interdisciplinaire le pouvoir d’amorcer de son propre chef une démarche d’évaluation et de recommandation à l’égard de tous les services cliniques disponibles sur un territoire. De fait, ce pouvoir permettrait de développer une perspective des soins sur tout le continuum, en tenant compte de l’ensemble de la trajectoire du patient à l’intérieur du réseau local de soins médicaux et de services sociaux.
Responsabilité sociale collective
Le CMQ prône la responsabilité sociale collective des médecins envers la population du territoire qu’ils desservent. Toutefois, il déplore que le projet de loi soit muet sur cette responsabilité sociale collective pour les professionnels autres que les médecins. Enfin, le CMQ insiste pour que la profession médicale ait son mot à dire sur la répartition des effectifs sur le territoire. Quant aux privilèges d’exercice en établissement, soit les modalités d’application des PEM-PREM, le CMQ croit qu’ils doivent être revus afin de permettre, entres autres, un parcours adapté à une fin de carrière.
Le réseau
Santé Québec et la centralisation
De l’avis du CMQ, la création de Santé Québec doit servir à diminuer les barrières et à générer une meilleure fluidité entre les établissements, permettre de tenir compte des réalités locorégionales et favoriser une approche réellement décentralisée du système de santé pour une autonomie locale et des soins de proximité.
Ainsi, le CMQ est en faveur de la division de la planification et de la gestion des opérations introduite par la mise en place de Santé Québec. Cependant, il entretient des doutes quant à la réelle indépendance du pouvoir politique.
Financement de services privés
Le CMQ favorise la meilleure utilisation des ressources en santé pour un accès élargi aux soins gratuits pour tous, dans le respect des standards reconnus. Toutefois, si un partenariat avec le privé est nécessaire pour élargir l’accès, le CMQ estime qu’il doit être offert à tous et gratuitement. En clair, il favorise un réseau public fort, offrant toute la gamme des services. De plus, il juge que certaines normes méritent d’être resserrées, en dehors du cadre du projet de loi, afin d’assurer des soins véritablement universels et accessibles et de freiner une médecine à deux vitesses.
Virage environnemental
Le CMQ attire l’attention du législateur sur le virage environnemental que doit prendre le réseau de la santé. Les impacts de l’environnement sur la santé, encore récemment exposés par des cas de contaminations atmosphériques, sont préoccupants. Les choix dans l’aménagement des infrastructures, de même que les choix de certains médicaments et de certaines pratiques, sont autant de contributions auxquelles le réseau de la santé doit s’atteler, plus vite que tard.
« En mars dernier, au terme d’une tournée d’une douzaine de pôles en santé, nous avons rendu public un rapport établissant un constat clair : la population québécoise est privée de soins dans certaines régions et l’accès est souvent inégal sur le territoire. Il apparaît clair que le statu quo n’est plus envisageable. Nous continuerons donc de faire entendre notre voix afin de nous assurer que la protection du public est au centre de cette vaste réorganisation »
- Dr Mauril Gaudreault, Président du CMQ
Pour en savoir davantage
Lisez le mémoire sur le projet de loi no 15 - Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace.