PL 106: le CMQ réclame d’élargir la responsabilité collective
Projet de loi no106 : le Collège des médecins du Québec réclame que la responsabilité collective s’étende aux autres professionnels de la santé et aux gestionnaires du réseau
- Le CMQ veut que la responsabilité collective introduite par le projet de loi englobe aussi les professionnels et les gestionnaires du réseau.
- L’ordre professionnel des médecins enjoint le gouvernement à mettre fin au dénigrement des médecins dans l’espace public pour permettre de les mobiliser dans la transformation du réseau.
- Le Collège insiste pour que le projet de loi reprenne les recommandations du rapport de 3 experts indépendants pour l’élaboration de la future politique nationale relative aux soins et services de première ligne.

Le Collège des médecins du Québec (CMQ) demande, comme préalable à l’étude sereine du projet de loi no 106, Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective et l’imputabilité des médecins quant à l’amélioration de l’accès aux services médicaux, que le gouvernement cesse de dénigrer la profession médicale dans l’espace public.
Le CMQ est favorable à l’objectif de ce projet de loi visant la responsabilité collective et l’amélioration de l’accès aux soins, mais il est en désaccord avec l’idée de lier la rémunération des médecins à des indicateurs de performances visant l’atteinte d’objectifs, tout comme les 3 experts indépendants mandatés par le gouvernement pour délimiter le cadre de la première politique gouvernementale de soins et services de première ligne au Québec.
La responsabilité collective
Le CMQ est favorable à l’instauration du principe de la responsabilité collective au sein du réseau de la santé, qu’il prône depuis de nombreuses années, mais il estime qu’elle ne doit pas s’appliquer uniquement aux médecins, comme le véhicule le titre actuel du projet de loi. L’état de dysfonctionnement du réseau de la santé et la pénurie de personnel ne peuvent être imputés qu’aux seuls médecins. Ce principe doit englober les autres professionnels de la santé, ainsi que les gestionnaires du réseau. Les décisions et les actions de ces derniers ont des impacts directs sur l’accès aux soins et les conditions de pratique des médecins et de l’ensemble du personnel soignant.
La rémunération des médecins et la mesure de la performance
Le CMQ constate que le mode de rémunération des médecins est miné par la complexité des actes facturables. En ce sens, il est favorable à sa simplification de même qu’à une rémunération composée, avec une composante de capitation. Les études démontrent que ce modèle favorise un accès plus équitable aux soins et une meilleure collaboration interprofessionnelle.
Le CMQ est toutefois en total désaccord avec le fait de lier la rémunération des médecins à leur performance. Il anticipe grandement les répercussions que cela pourrait entraîner sur la qualité des soins pour les populations vulnérables et marginalisées, étant donné que lier la rémunération à l’atteinte d’objectifs, notamment de volumétrie, pourrait se faire au détriment du temps passé avec la patientèle ou d’activités toutes aussi importantes comme l’enseignement.
À ce sujet, le CMQ demande au gouvernement de suivre les recommandations contenues dans le rapport intitulé Soutenir l’élaboration d’une première politique gouvernementale de soins et services de première ligne au Québec qu’a récemment colligé un comité d’experts. Ces derniers insistent pour que la mesure de la performance porte sur des objectifs larges, pas sur la performance des médecins.
Le rapport relève que les expériences de ce type de mesure, ailleurs dans le monde, n’ont pas produit les fruits escomptés. À plus large échelle, la mesure de la santé populationnelle devrait porter sur des indicateurs reconnus, comme l’évolution des maladies, et être en lien avec le profil démographique. Le CMQ croit lui aussi que de tels indicateurs devraient servir à la planification stratégique et à l’atteinte de résultats, sans être liés à la rémunération.
Enfin, dans tous les cas d’atteinte d’objectifs, le CMQ juge que la responsabilité collective d’un ensemble de professionnels de la santé devrait être mise à contribution. Les gestionnaires du réseau doivent aussi faire preuve de responsabilité, car leurs décisions ont des impacts directs sur l’accès aux soins.
L’accès aux soins de santé
Bien que le CMQ ne soit pas inquiet de la qualité globale de la pratique des médecins, il craint des conséquences sur la santé de la population si la détérioration des conditions d’exercice et de l’accès aux soins de santé s’aggrave.
De plus, l’état des infrastructures, qui plombe l’accès aux soins dans certaines régions du Québec, doit aussi être pris en compte. Selon le CMQ, il sera impossible d’améliorer l’accessibilité aux soins de santé sans des investissements appropriés dans les infrastructures et en première ligne. Le CMQ rappelle au gouvernement qu’il a l’obligation d’assurer aux professionnels de la santé des conditions de pratique permettant de prendre en charge et de traiter adéquatement les patients, incluant la gestion des ressources humaines, des équipements médicaux, des outils technologiques et des plateaux techniques.
Le CMQ partage à ce sujet l’avis du comité d’experts, qui recommande au gouvernement d’assurer un financement public plus spécifique aux soins de santé de première ligne, de questionner davantage la place du privé en santé et d’élargir la couverture offerte par les professionnels non-médecins à travers le régime public.
Citation
« Le Collège des médecins du Québec adhère pleinement au principe de responsabilité collective qu’il prône depuis des années et qui est proposé dans le projet de loi no 106. Nous demandons cependant qu’il englobe les autres professionnels de la santé, ainsi que les gestionnaires du réseau. Par ailleurs, la mission du Collège, qui consiste à protéger le public en veillant à une médecine de qualité, nous amène à remettre en question l’association de la performance et de la rémunération. Cela s’écarte des recommandations des experts et risque d’inciter à la quantité plutôt qu’à la qualité. Et devant l’état du réseau et les enjeux en présence, nous réitérons qu’il est grand temps de tenir une consultation nationale sur les priorités en santé », soutient le Dr Mauril Gaudreault, président du CMQ.